Chapitre 4 Chapitre 4

Chapitre 4

Elle attendait sa réponse, le regard fixe, comme un prédateur observant sa proie. James, lui, se tenait là, les bras croisés, son esprit en ébullition. Ses yeux cherchaient à capter un signe, une faiblesse dans son visage parfait, mais rien. Juste une volonté de fer, une froideur palpable. Lady Sinclair ne laissait rien transparaître. Elle ne laissait rien passer. Tout se jouait dans l'intensité de ses yeux, dans cette voix tranquille, mesurée, qui savait exactement comment faire résonner ses mots.

Il n'avait pas bougé d'un millimètre depuis qu'elle avait prononcé son offre. Un mariage d'intérêt. Un contrat, à la fois privé et public. Son esprit battait la chamade. C'était une folie, non ? Il avait tout perdu, c'était vrai, mais de là à s'engager dans une relation uniquement par intérêt, pour un but qu'il ne comprenait pas encore totalement... La situation n'avait ni sens ni logique.

« Un mariage », répéta-t-il, comme pour s'assurer qu'il avait bien entendu. « Vous proposez un mariage. Pour quoi ? »

Lady Sinclair le fixa sans ciller. « Pour quoi, vous demandez-vous ? C'est simple. Vous avez un nom, vous avez un passé, et vous avez un avenir que vous pouvez réécrire. Vous avez tout à reconstruire, mais pas seul. J'ai des besoins. Vous en avez. Ensemble, nous pourrions en tirer parti. »

Elle s'était rapprochée, à peine un pas, mais l'effet était immédiat. Elle avait cet air de commandement, cette aura de maîtrise qui lui imposait de ne pas détourner le regard. Il la sentait encore plus près de lui, ce qui ne faisait qu'amplifier son malaise.

« Je ne suis pas sûr de comprendre. Quel genre d'avantages vous imaginez que je puisse en tirer ? » Il haussait une sourcil, défiant. Il ne se laissait pas impressionner. Pas encore.

Elle sourit, lentement, avec une confiance glaciale qui lui piquait la peau. « Vous voulez reprendre votre place. Vous voulez vous venger. Vous voulez retrouver votre pouvoir. Je peux vous offrir tout cela. Mais je vais être franche : tout a un prix. »

« Et vous ? Qu'est-ce que vous y gagnez, vous ? »

Elle ne baissa pas les yeux, elle ne détourna pas son regard. Son visage était d'une tranquillité glaçante, comme un bloc de marbre. « Le pouvoir. Le contrôle. Ce que tout le monde veut. Ce que tout le monde rêve d'avoir. »

Il sentit une pression sur ses tempes. C'était un piège. Un piège parfait. Mais cette pression, cette vision d'un avenir où il retrouverait sa place, où il redeviendrait celui qu'il avait été, cet homme qui ne se laissait jamais faire, ça l'attirait, malgré lui. Et ce qu'il détestait le plus, c'était de se sentir attiré.

« Je ne suis pas un pion dans votre jeu, Lady Sinclair », répliqua-t-il, le ton plus froid, comme s'il se forçait à garder le contrôle. Mais au fond de lui, il savait qu'il n'avait pas le luxe de faire le difficile. Il n'avait plus rien à perdre. Plus rien à perdre, sauf sa fierté.

« Vous ne serez jamais un pion », répondit-elle avec calme, mais la froideur de ses paroles laissait entrevoir une vérité qu'il refusait d'admettre. « Vous serez celui qui mène, tout comme moi. Nous aurons tous deux des objectifs. Nous serons égaux dans cette union. Pas de place pour les faibles. »

Ses mots résonnaient en lui, frappant son esprit comme une cloche en plein choc. Il y avait du vrai dans ce qu'elle disait. Mais la question était : allait-il se laisser emporter ? Accepter un marché aussi brutal, aussi impersonnel ? Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était au bout du rouleau, et que cette proposition, bien que tordue, pourrait être la seule porte de sortie. Mais la question restait : quel genre de porte était-ce ?

« Et si je refuse ? » demanda-t-il, comme s'il voulait tester ses propres limites. Tester sa propre volonté de dire non.

Elle inclina légèrement la tête, sans une once de nervosité. « Vous serez libre, James. Libre de sombrer encore plus bas. Libre de regarder votre vie se détruire, libre de voir ce que vous avez perdu continuer à vous échapper. Je vous l'ai dit, tout a un prix. Rien n'est gratuit dans ce monde. Pas même la liberté. »

Il ferma les yeux un instant. La vérité frappait plus fort que ce qu'il voulait admettre. Il n'avait rien. Absolument rien. Plus de femme, plus de place dans ce monde. Plus de pouvoir. Et elle, elle lui tendait une main pour l'embarquer dans ce jeu, un jeu dont il ignorait encore toutes les règles. Mais au moins, il avait une chance de gagner. Et une chance, c'était tout ce qu'il demandait.

« Pourquoi moi ? » Il se tourna lentement vers elle, un brin de défi dans les yeux, mais il savait qu'il ne pourrait pas tourner cette question sans en connaître la réponse. Il se sentait comme une victime. Mais il n'était pas assez naïf pour croire qu'il était l'unique pièce de son puzzle. Il se savait juste utile.

Elle haussait les épaules, comme si la question était évidente. « Parce que vous êtes un homme de colère, James. Parce que vous avez ce qu'il faut pour réussir. Parce que vous avez cette rage intérieure que tout le monde redoute. Et vous êtes seul, vous n'avez plus rien à perdre. Ça fait de vous un partenaire précieux. »

Elle n'ajouta rien d'autre, et son silence pesant en disait plus long que mille mots. Il comprenait parfaitement où elle voulait en venir. Il n'était qu'un instrument. Un instrument que l'on pouvait manipuler. Mais l'idée d'être manipulé, d'être pris dans cette toile d'araignée tissée patiemment, éveillait en lui un désir. Un désir de contrôle. Un désir de reprendre sa vie en main, de prendre ce qu'on lui avait volé.

Il se redressa. Il n'y avait plus de place pour les hésitations. Il n'avait plus rien à prouver, plus rien à sauver, sauf ce qu'il avait à l'intérieur de lui. Il en avait marre de cette sensation de se laisser bousculer. C'était à son tour de faire ses propres choix.

« Disons que je suis intéressé », dit-il finalement, sa voix basse, comme un pacte qu'il signait sans avoir encore vu la totalité des conséquences. « Mais j'ai besoin de plus de clarté. Qu'est-ce que vous attendez de moi exactement ? »

Elle lui sourit lentement, avec cette touche de malice qui en disait long. « Je veux que vous soyez mon mari, James. Je veux que vous soyez celui qui me soutiendra dans cette bataille. Et en retour, je vous donnerai tout ce que vous voulez. Tout ce que vous n'avez pas eu. »

Le cœur de James se serra. Le piège était tendu. Mais il n'était plus sûr de vouloir en sortir.

« Je veux ma revanche », dit-il sans détourner les yeux. « Et je veux la récupérer de la manière la plus dure possible. »

Lady Sinclair le fixa un instant, un éclat d'approbation dans le regard. « Alors vous comprendrez ce que nous avons en commun. Nous avons tous deux quelque chose à prouver. Et ensemble, nous allons le faire. »

Il savait qu'il venait de s'engager dans un territoire inconnu. Mais une chose était sûre : il n'allait pas revenir en arrière.