Chapitre 2 Chapitre 2

Chapitre 2

Les heures passaient, et la douleur ne cessait de croître. James se laissait glisser, un verre après l'autre, chaque gorgée de whisky semblant dissiper un peu plus l'ombre de ce qu'il avait été. Au début, ça avait été juste pour oublier, pour apaiser la brûlure du départ d'Olivia. Mais maintenant, c'était devenu plus qu'une fuite. Chaque verre était un cri silencieux, chaque bouteille une tentative désespérée de faire taire cette voix dans sa tête, celle qui lui répétait inlassablement qu'il n'avait rien compris, qu'il avait tout perdu.

Il se réveillait chaque matin avec la tête pleine de brume, l'esprit agité. Ce n'était même plus le manque d'Olivia qui le torturait. C'était ce qu'elle représentait. Tout. Elle avait eu ce qu'il n'avait jamais eu. Cette capacité à voir plus loin, à chercher ailleurs, à s'échapper du quotidien. Il s'était toujours senti piégé dans une routine. Mais elle, elle avait pris son envol. Et elle l'avait laissé là, brisé, à se noyer dans son propre vide.

Il aurait pu s'accrocher. Il aurait pu se battre. Mais il n'avait rien. Elle, elle avait tout. Et lui, il n'avait plus que des souvenirs de ce qu'il pensait être sa vie.

La colère, elle, était là. Brûlante. Injuste. Elle se cachait dans chaque recoin de son esprit. Il la sentait, prête à exploser à tout moment. Et pourtant, chaque fois qu'il tentait d'agir, il était paralysé par la peur. Il était seul, dans une pièce vide, avec juste le bruit de la glace qui se brisait dans son verre.

Les jours s'enchaînaient, les mêmes. Rien ne changeait. Le téléphone ne sonnait pas. Ses amis l'avaient presque tous évité. Il n'avait plus de travail, plus de but. Rien.

Ce fut Marc qui frappa à sa porte un soir. Marc, son ami de toujours. L'homme qui l'avait vu grandir, tomber, se relever, avant qu'il ne disparaisse dans la tempête d'Olivia. Marc était celui qui ne lâchait jamais, celui qui pensait que tout pouvait toujours s'arranger.

"Tu sais, James, j'en ai marre de te voir comme ça. T'es plus qu'un homme brisé. T'es qu'un déchet dans un coin."

Marc entra, comme si de rien n'était, et s'assit sur le canapé. Il n'attendit même pas que James lui propose à boire. C'était une guerre de regard. Celui de Marc, perçant, rempli de reproches. Celui de James, fuyant, meurtri.

"Je t'ai vu plusieurs fois, mec. T'es au fond du trou. Mais ce n'est pas toi, ça. T'as toujours été plus que ça. Arrête de boire. Ça ne te fera pas revenir en arrière, tu sais."

James ne répondit pas tout de suite. Il n'avait même pas envie de discuter. Pas de cette façon. Pas avec Marc. Il en avait assez de ce discours. Il savait ce que son ami allait lui dire. Il avait toujours été là, à lui dire qu'il fallait avancer. Toujours à insister pour que James prenne des décisions, se bouge. Mais maintenant, il n'en avait plus la force.

"Tu ne comprends pas," murmura-t-il finalement, les yeux baissés. "Je n'ai plus rien. Elle m'a tout pris. Elle m'a humilié devant tout le monde. Je suis juste... juste un putain de clown."

Marc secoua la tête, exaspéré. "Tu veux vraiment qu'on en parle, toi et elle ? C'est ça le problème, tu restes bloqué là-dedans. Olivia, Olivia, Olivia. Mais elle n'a rien à foutre de toi, James. Elle ne reviendra jamais. Et toi, tu vas finir par te détruire si tu continues comme ça."

"Tu crois vraiment que je ne le sais pas ?" James lança un regard noir à son ami. "Mais je n'ai rien d'autre. Elle a tout pris. Je suis un putain de loser sans avenir."

"C'est faux," répliqua Marc, en se redressant. "T'as pas vu ce qu'il y a derrière ton miroir ? Regarde-toi. Regarde où t'en es. T'as la tête dans le sable. T'as tout foutu en l'air, mais ce n'est pas la fin. Tu as des ressources, tu as des capacités. Ce n'est pas Olivia qui te définit. C'est toi. T'as le choix, putain."

James serra les poings, mais rien n'y fit. La colère montait, prête à éclater, mais elle n'était même plus dirigée contre Olivia. Non. Elle était contre lui. Lui qui avait laissé tout ça arriver. Lui qui s'était laissé avaler par la spirale de l'échec. Et là, Marc se tenait devant lui, comme un miroir trop clair, trop net, qu'il refusait de regarder.

"C'est trop tard, Marc. J'ai rien. Rien du tout."

Marc s'approcha, sans se laisser intimider. "Tu veux encore t'enfoncer ? Parce que c'est ce que tu es en train de faire. T'as qu'à continuer à boire, à te laisser mourir à petit feu. Ou tu peux sortir de ce putain de trou. À toi de choisir."

James resta silencieux. Les mots de Marc résonnaient dans sa tête comme une mélodie trop forte, trop vraie. Et ça faisait mal. Mal de se rendre compte qu'il avait perdu le contrôle de sa propre vie. Mais plus encore, mal de voir que même son meilleur ami semblait être passé à autre chose. Il n'était plus celui qu'il avait connu. Pas le James qu'il respectait. Pas celui qui avait encore un peu d'espoir.

Alors, quoi ? Il devait se relever ? Trouver un sens à sa vie ? Après tout, pourquoi faire ça ? Pourquoi avancer alors que tout ce qu'il touchait semblait se briser entre ses mains ?

Marc attendait une réponse. Une réponse qu'il savait, au fond, que James n'était pas prêt à donner. Mais lui, il était fatigué. Fatigué de voir son ami sombrer dans l'oubli, fatigué de répéter sans cesse la même chose, comme un disque rayé. Il s'était levé, avait attrapé sa veste, et s'était dirigé vers la porte.

"Je reviendrai demain. Mais si tu n'es toujours pas prêt à écouter, alors j'arrête. C'est ta vie, James. Pas la mienne."

La porte se referma derrière lui dans un bruit sourd. Il n'avait pas cherché à dire plus. Mais James le savait. Il savait que Marc avait raison. La seule question qui demeurait était : était-il encore capable de se relever, ou était-il trop tard ?

            
            

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