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Chapitre 2
Éléonore venait de quitter une énième réunion familiale où on lui avait à nouveau parlé de son futur mariage. C'était devenu une routine. Chaque fois, c'était la même chose : ses parents, son frère, ses oncles et tantes, tous insistaient. Il fallait qu'elle se marie. Il fallait qu'elle cesse de repousser ce moment. Mais Éléonore n'avait pas l'intention de sacrifier sa liberté pour plaire à des gens qui ne comprenaient rien à son monde. Elle n'était pas comme eux. Elle ne se pliait pas à leurs règles. Le mariage arrangé, les rencontres avec des hommes qui pensaient qu'elle était une proie facile... Non. Elle en avait assez. Elle voulait d'autre chose, mais n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être.
Elle entra dans le club, son reg r » balayait la salle sans se poser. C'était un endroit fréquenté par des gens qui voulaient se perdre, se cacher. Mais elle n'était pas venue pour fuir. Elle était venue pour en finir, tout bonnement. Elle avait ce besoin, cette furieuse envie de provoquer quelque chose, d'agir avant que ses parents ne fassent de sa vie un enclos dans lequel elle serait enfermée.
Elle s'assit au bar, commanda un verre, un whisky sec, et attendit. Elle n'avait pas de plan. Elle attendait juste que la pression des autres disparaisse. Que cette sensation de devoir être toujours à la hauteur cesse enfin.
Louis, lui, n'était pas vraiment là pour faire une rencontre. Ce qu'il voulait, c'était oublier. Oublier Camille. Oublier les humiliations. Il se retrouvait dans ce club comme un étranger à sa propre vie, avec une rage qu'il ne savait comment apaiser. Chaque gorgée de plus ne faisait que raviver cette douleur brûlante, cette sensation d'être un simple accessoire dans un monde où il n'avait jamais eu de place.
Il la remarqua à peine au début. Une silhouette discrète, sans éclat. Mais quand elle tourna la tête pour lui lancer un regard, il la vit. Elle avait une posture, une certaine arrogance dans la façon dont elle observait la pièce, comme si le monde n'était qu'une vaste scène où tout n'était que théâtre. Louis haussait les sourcils. Il savait immédiatement que cette femme ne ressemblait pas à celles qu'il avait l'habitude de croiser. Celles qui regardent et passent, sans jamais vraiment être vues. Elle avait cette capacité étrange de rendre l'espace plus petit, de l'envahir sans qu'on s'en rende compte.
Elle le fixa quelques secondes, puis se leva avec une assurance qu'il n'avait pas l'habitude de voir chez les femmes qui fréquentaient cet endroit. Elle se dirigea vers lui, sa démarche assurée, les yeux froids.
« Tu bois pour oublier ? » demanda-t-elle, ses mots à peine plus qu'une question lointaine. Ce n'était pas de l'intérêt, juste une observation.
Louis la fixa, sans vraiment comprendre pourquoi il la scrutait. « Peut-être, » répondit-il sans enthousiasme, la voix basse, son regard se perdant dans l'ombre. « Ça aide parfois. »
Elle s'installa sans y être invitée, sans lui laisser de choix. « Tu sembles un peu trop égaré pour que ce soit une simple question de verre, » dit-elle avec une pointe de moquerie. « Mais tu sais, c'est ça la vie, non ? Tout se transforme en une sorte de fuite en avant, jusqu'à ce qu'on oublie pourquoi on courait. »
Louis sourit amèrement. « Tu parles comme si t'avais trouvé une solution. »
Elle le dévisagea, implacable. « Je n'ai pas de solution. C'est ça le problème. »
Un silence s'installa. Puis, elle brisa l'immobilité en s'approchant un peu plus. « T'as l'air d'un type qui aurait bien besoin d'un plan. Ou d'un coup de pouce. »
Louis tourna son verre dans ses mains, l'observant sans parler. Elle avait l'air de savoir ce qu'elle disait, d'avoir des idées derrière les mots. Ça le frustrait. Elle venait d'un autre monde, de quelque chose qu'il ne comprenait pas, mais il ne pouvait s'empêcher de sentir cette attraction. Pas celle qu'on ressent dans un bar, non. C'était plus que ça, c'était un défi qu'elle lançait, une provocation muette. Il lui répondit avec une pointe de cynisme : « Et tu crois que je suis le genre d'homme à accepter de l'aide ? »
Elle haussait les épaules. « Tu n'as pas vraiment le choix. Tout le monde a besoin d'un coup de main, même toi. »
« Et toi, qu'est-ce que tu veux ? » demanda-t-il enfin, ses mots frôlant l'irritation. Il commençait à en avoir assez de cette scène. Elle semblait voir au-delà de lui, l'observant avec une lucidité qu'il n'avait pas envie de comprendre.
Elle ne répondit pas tout de suite. Elle le scrutait, cherchant à percevoir quelque chose, une faille. « J'ai un marché pour toi, Louis, » dit-elle finalement, avec un sourire tout en coin. « Un mariage arrangé. Ça te parle ? »
Il ne bougea pas, mais quelque chose en lui s'éveilla, un écho qui fit son chemin jusqu'à son esprit, une idée qui, au départ, semblait absurde, mais qui prenait vite forme. Il était épuisé. Il était fatigué de fuir, de se débattre dans une vie qu'il ne contrôlait pas. Il était fatigué de Camille, fatigué de ce qu'on attendait de lui.
« Un mariage arrangé ? » répéta-t-il, le regard devenu plus perçant. « Et pourquoi moi ? »
Elle le fixa, sans un sourire, comme si la question n'avait aucun intérêt. « Parce que tu veux une solution, et que j'ai celle qui pourrait nous arranger tous les deux. » Elle le détaillait d'un air presque amusé, comme si elle le testait. « Je suis sous pression. Ma famille veut absolument que je me marie. Et toi, tu as besoin de rétablir ta dignité, de prouver que tu vaux plus que ce que tu crois. Alors voilà l'accord : un mariage. Pas d'amour, juste un contrat. »
Louis haussait un sourcil, mais il n'était pas du genre à se laisser impressionner. Il était peut-être dans une spirale descendante, mais il n'était pas prêt à accepter n'importe quoi. Pourtant, cette proposition le secoua. Ce n'était pas une solution. C'était plus subtil que ça. C'était une sortie. Un pari risqué, un contrat qui pouvait effacer son humiliation. Et la possibilité de lui faire payer. De lui montrer qu'il n'était pas qu'un pion dans le jeu des autres.
« Tu crois que ça va me réparer ? » demanda-t-il, d'une voix qui ne tremblait plus.
« Je crois que ça va nous réparer tous les deux, » répondit-elle avec calme. « Je n'ai pas besoin de ton amour, Louis. Je veux juste qu'on se fasse une place, tous les deux. Ensemble. »
L'instant d'après, il se leva. Il ne savait pas encore pourquoi il le faisait, ni ce qu'il allait réellement faire de cette offre. Mais il savait une chose : cette rencontre allait le marquer bien plus qu'il ne l'avait imaginé. Il la regarda dans les yeux, cherchant une quelconque hésitation, une faille. Mais il n'en trouva pas.
Il tendit la main.
« Alors, qu'est-ce qu'on attend ? »