Chapitre 8 Chapitre 8

Chapitre 8

Jonas s'éloigna de la lisière du territoire, l'esprit en ébullition. Les choses se précisaient, mais chaque décision, chaque mouvement l'amenait plus près du gouffre. Il n'avait pas encore assez d'alliés, pas assez de forces pour renverser Gabriel, et l'heure tournait. Sa chance, il la jouerait maintenant.

Il avait toujours su où trouver les loups fidèles à son règne passé, ceux qui ne se laissaient pas abattre par le pouvoir aveugle de Gabriel. Des guerriers que la guerre n'avait pas encore brisés, des âmes qui savaient ce que c'était que de perdre, mais qui ne renonçaient jamais. Mais convaincre ces loups-là... ça demandait bien plus qu'un simple appel à la loyauté. Les failles dans leur cœur étaient profondes, et les cicatrices encore fraîches.

Le premier à répondre à son appel fut Silas. Un loup au tempérament bourru, un guerrier des plus respectés dans la meute avant que tout ne change. Silas avait perdu son fils lors d'un raid mené par les hommes de Gabriel, et il n'avait jamais pu se remettre de cette perte. Jonas le savait, il avait été présent lors de la veillée funèbre, observant le vieux loup souffrir dans son silence. Un silence qui, à force de douleur, s'était transformé en une rage calme, sourde, qu'on n'entendait qu'en de rares moments.

- Je n'ai plus rien à perdre, murmura Silas en voyant Jonas, un éclair de défi dans ses yeux fatigués. Ce n'est pas pour toi que je me bats, Jonas, mais pour ce que Gabriel a pris de trop.

C'était tout ce qu'il voulait entendre.

- Gabriel ne se contente pas de prendre. Il détruit. Mais je peux renverser cet ordre. Je peux nous rendre ce que nous avons perdu, Silas. Je ne suis pas seul. Et tu n'es pas seul non plus.

Silas leva un sourcil, scrutant Jonas avec une lueur d'incrédulité, mais aussi d'une vieille lueur de fierté qu'il n'avait pas vue depuis des années.

- Et tu crois qu'avec des promesses tu vas me convaincre, hein ? Tu crois qu'un seul loup peut tout changer ?

Jonas, malgré l'amertume qui enserrait ses poumons, laissa échapper un sourire sombre.

- Non, pas seul. Mais avec toi, et quelques autres, Gabriel ne pourra rien faire. La meute souffre sous sa main de fer. Ils sont fatigués, ils ont peur. Ce ne sont pas des moutons, Silas. Ce sont des loups.

Le vieux guerrier sembla peser ses mots. Un long silence s'installa, pendant lequel Jonas attendait, scrutant chaque mouvement de Silas, chaque tension de son corps. Il le savait, il fallait le convaincre, mais sans forcer. Un guerrier comme Silas ne réagirait pas à la pression. Il réagirait à la vérité.

Enfin, Silas hocha lentement la tête.

- Très bien. Mais il faudra plus que des promesses pour que je m'engage. Tu veux que je me batte pour toi, que je mette ma vie en jeu, alors montre-moi que tu es encore celui que j'ai connu. Montre-moi que ce n'est pas de la folie.

Jonas se tendit, conscient que chaque mot comptait. Chaque geste serait scruté. Mais au fond de lui, il savait que Silas avait déjà fait son choix. Il n'avait plus qu'à ne pas le décevoir.

- Suis-moi. Nous irons chercher ceux qui partagent notre vision. Nous ferons en sorte que Gabriel sache qu'il n'est plus tout puissant.

Les rumeurs, elles, circulaient rapidement dans la meute. Gabriel avait voulu étouffer les murmures, mais plus il s'accrochait à son pouvoir, plus ces rumeurs gagnaient du terrain. Des voix, qu'il croyait étouffées, résonnaient maintenant dans chaque recoin. Certains disaient que des loups étaient prêts à se soulever. D'autres murmuraient que Gabriel était trop faible, trop instable pour mener la meute comme il se l'imaginait.

C'était exactement ce que Jonas voulait. Les doutes dans l'esprit des autres loups étaient son plus grand allié. Il savait que plus Gabriel perdrait le contrôle, plus ces rumeurs s'intensifieraient.

Il n'était pas là pour sauver la meute d'un tyran ; il était là pour la reconstruire à son image. Une image fondée sur le respect, sur la fraternité, non sur la peur. Les alliés qu'il rassemblait étaient là pour plus que la simple vengeance. Ils étaient là pour changer les règles du jeu.

Quelques jours après sa rencontre avec Silas, Jonas se rendit dans une vieille cachette qu'il avait connue jadis, dans une forêt dense, à l'abri des regards. Là, il retrouva d'anciens alliés, des guerriers qui avaient servi sous son commandement. Ils étaient sceptiques, se demandant ce qu'il pouvait leur offrir. Mais Jonas avait compris quelque chose. Il n'avait pas besoin de les convaincre d'un coup. Il avait besoin de leur rappeler qui ils étaient avant que Gabriel ne les brise.

Ils n'étaient pas des moutons à tondre. Ils étaient des loups.

C'est dans ce petit cercle d'anciens camarades qu'il sentit l'étincelle de l'espoir renaître. Même les plus réticents finirent par se joindre à lui, voyant la possibilité de retrouver ce qu'ils avaient perdu sous l'empire de Gabriel.

- Gabriel n'a plus rien de celui que nous avons servi, dit Jonas en regardant chacun des hommes autour de lui. Il est faible, plus que vous ne le croyez. Il peut contrôler la meute par la peur, mais une meute n'est forte que quand elle se bat pour une cause, pas quand elle se bat pour survivre.

Un des loups, Hector, se leva, son regard dur mais empli d'une certaine compréhension.

- Et toi, Jonas, tu es prêt à tout sacrifier pour ce rêve ?

Jonas plongea son regard dans celui d'Hector, une flamme d'ambition brûlant dans ses yeux.

- J'ai déjà tout sacrifié, Hector. Tout. Et je ne suis pas le seul à souffrir sous Gabriel. Cette guerre, ce n'est pas pour moi. C'est pour nous tous.

Les mots semblaient avoir trouvé écho dans l'esprit des guerriers autour de lui. Il avait été clair, il n'avait pas à les convaincre davantage. Leur rôle était désormais tracé.

Les rumeurs, elles, ne cessèrent de se propager, s'intensifiant chaque jour. Chaque pas que Jonas faisait, chaque mouvement de son alliance, faisait écho dans les oreilles de la meute. Et Gabriel sentait que son emprise commençait à se fissurer. Les murmures étaient devenus des cris. Des cris qu'il ne pouvait ignorer.

Ce n'était plus une question de révolte. C'était une question de pouvoir. Et dans ce jeu de pouvoir, Jonas n'avait aucune intention de perdre.

            
            

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