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Chapitre 7
Le silence n'était jamais total. Pas dans une meute où chaque souffle, chaque battement de cœur, pouvait trahir une présence. Gabriel n'aimait pas l'incertitude. Il dirigeait avec une main de fer parce qu'il le devait, parce que l'ordre était la seule chose qui empêchait tout de s'effondrer.
Mais quelque chose clochait.
Depuis quelques jours, une tension flottait dans l'air, une ombre insaisissable rodait aux frontières de son territoire. Les rapports s'accumulaient, des murmures de loups nerveux évoquant une présence familière. Une présence qui ne devrait pas exister.
Alors, quand un éclaireur se présenta, essoufflé, avec ce regard trouble entre la peur et l'incrédulité, Gabriel sut avant même d'entendre les mots.
- Il est en vie.
Trois mots. Trois syllabes qui firent bouillonner son sang.
Jonas.
L'information ne devait pas se répandre. Pas encore. Il fit taire l'éclaireur d'un regard tranchant et convoqua aussitôt ses hommes de confiance.
- Il ne peut pas rester libre. Trouvez-le. Ramenez-le-moi vivant.
**
Jonas savait qu'il n'avait pas beaucoup de temps.
Il n'aurait jamais dû approcher Lysandra, mais c'était plus fort que lui. Maintenant, il était certain que Gabriel était au courant. Il devait bouger, vite.
Mais l'odeur du piège arriva avant que les loups ne le trouvent. Une sensation dans son dos, une tension soudaine dans l'air. Il pivota juste assez tôt pour éviter l'attaque, un corps massif surgissant des ombres pour tenter de le plaquer au sol.
Il roula sur le côté, esquiva une deuxième attaque, puis une troisième. Ils étaient plusieurs. Pas des novices. Des guerriers bien entraînés, envoyés pour lui.
- Jonas, grogna une voix qu'il reconnaissait.
Elias. L'un des anciens lieutenants de la meute. Fidèle à Gabriel, évidemment.
- Pas la peine de fuir, continua Elias. On sait que tu es là depuis des jours. Tu n'aurais jamais dû revenir.
Jonas ne répondit pas. Il analysa le terrain. Ils étaient au moins cinq. Mauvais pour lui. Mais pas impossible.
Le premier fonça. Jonas l'accueillit avec une brutalité calculée, utilisant le poids du loup contre lui, le projetant contre un arbre. Un deuxième tenta une prise, mais Jonas se baissa à temps et le frappa au ventre. Un craquement sourd. Pas mortel, mais suffisant pour l'écarter du combat.
Elias, lui, attendait.
- Tu pourrais juste te rendre, suggéra-t-il.
Jonas ricana.
- Comme si Gabriel allait m'accueillir à bras ouverts.
- Non, admit Elias. Mais ça éviterait que tu finisses en morceaux.
Il chargea. Cette fois, l'impact fut brutal. Jonas encaissa, sentit la morsure de la douleur alors qu'ils roulaient dans la poussière. Elias était fort. Pas assez.
D'un geste vif, Jonas planta un coude dans sa gorge et le repoussa avant de bondir sur ses pieds. Mais il avait perdu un temps précieux. Les autres étaient sur lui.
Un coup siffla près de sa tempe. Il esquiva de justesse, sentit la brûlure d'une griffure le long de son bras. Un autre attaqua, et cette fois, il ne put pas éviter complètement. L'impact le projeta au sol.
Merde.
Un poids s'abattit sur lui, une pression contre sa nuque. Il grogna, lutta, mais la prise était forte.
- C'est fini, Jonas, souffla Elias.
Non. Pas encore.
Jonas força chaque muscle de son corps à réagir. Son adversaire s'attendait à de la résistance, mais pas à cette explosion soudaine de force brute. Il pivota, utilisa l'élan pour inverser la position et frappa Elias en plein thorax. Le loup gronda, surpris, et relâcha sa prise une fraction de seconde.
C'était tout ce dont Jonas avait besoin.
Il roula, bondit sur ses jambes, et disparut dans l'ombre.
Des voix crièrent derrière lui, des bruits de course résonnèrent, mais il ne ralentit pas. Il connaissait trop bien cette forêt, mieux qu'eux, mieux que Gabriel.
Son cœur battait violemment dans sa poitrine, son souffle court. Il devait disparaître. Maintenant.
**
Lysandra sentit la tension avant même que Gabriel ne parle.
Il était là, debout, le regard sombre, son énergie irradiant un mélange dangereux de colère et de frustration.
- Tu savais qu'il était en vie.
Ce n'était pas une question.
Elle croisa les bras, se forçant à ne pas montrer la moindre faiblesse.
- Je l'ai découvert comme toi, dit-elle calmement.
- Mens-moi encore et tu regretteras de l'avoir fait.
Une menace. Directe. Gabriel ne jouait pas. Il la scrutait, cherchant un signe, une faille.
- Je ne savais pas, répéta-t-elle.
Il s'approcha. Trop près. Son regard brûlait d'une rage contenue.
- Il t'a approchée.
Elle ne répondit pas.
Le silence s'éternisa, pesant. Puis Gabriel sourit. Un sourire froid.
- Peu importe. Il tombera bientôt.
Un frisson la traversa. Pas de peur. De colère.
- C'est ta seule priorité, n'est-ce pas ? souffla-t-elle. Détruire Jonas.
- Rétablir l'ordre, corrigea-t-il. Jonas est un problème. Et je règle les problèmes.
Elle le fixa, le cœur lourd. L'homme qu'elle avait connu n'était plus là. Ou peut-être n'avait-il jamais existé.
- La meute souffre, Gabriel. Ils ne sont pas heureux.
Son regard se durcit.
- La meute survit. C'est tout ce qui compte.
Elle ferma les yeux une fraction de seconde. Tout allait basculer. Elle le sentait.
Et cette fois, elle ne savait pas de quel côté elle tomberait.