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Les jours s'écoulaient avec une lenteur exaspérante, rythmés par une routine immuable qui renforçait le sentiment d'enfermement de Léa. Chaque matin, elle se réveillait dans une chambre trop vaste, trop luxueuse, où chaque objet semblait avoir été disposé avec une précision mathématique. Chaque jour, elle déjeunait sur la terrasse, observant le ballet incessant des employés qui géraient le domaine de Rafael avec une efficacité implacable.
Elle avait tenté d'explorer le manoir, de trouver une issue, un passage inaperçu qui lui permettrait d'échapper à cet univers où tout était sous contrôle. Mais Rafael avait prévu chaque possibilité. Il ne l'empêchait pas de circuler librement, mais il n'en avait pas besoin. Des regards discrets, des portes fermées sans paraître l'être, une présence subtilement dissuasive... Tout dans cette maison lui rappelait qu'elle n'était pas en position de force.
Et pourtant, une résistance silencieuse grandissait en elle.
Un matin, alors qu'elle descendait lentement l'escalier de marbre, elle surprit une conversation dans le grand salon. Rafael parlait d'une voix mesurée, mais son ton ne laissait place à aucune négociation.
- Je veux que ce soit réglé avant la fin de la semaine. Aucune erreur ne sera tolérée.
Un silence suivit, puis une voix plus hésitante répondit :
- Nous avons rencontré quelques complications, mais tout est sous contrôle.
- J'espère que vous mesurez l'importance de cette transaction. Je n'accepte pas les complications.
Léa s'arrêta sur la dernière marche, retenant son souffle. Elle ne comprenait pas entièrement de quoi il était question, mais elle percevait l'urgence dans les mots échangés. Quelque chose de sérieux se préparait.
Elle n'eut pas le temps d'en entendre davantage. Rafael se retourna et son regard croisa le sien. L'ombre d'un sourire effleura ses lèvres, mais son expression resta indéchiffrable.
- Léa, approche.
Un ordre déguisé en invitation.
Elle s'avança lentement, sentant l'attention peser sur elle.
- Tu es curieuse, constata-t-il en la scrutant.
Elle soutint son regard.
- Tu parles affaires au milieu du salon. C'est difficile à ignorer.
Rafael pencha légèrement la tête, amusé.
- Et tu penses que cela te concerne ?
Elle haussa imperceptiblement les épaules.
- Tout ce qui se passe ici me concerne, non ? Après tout, je suis censée faire partie de cette maison.
Un silence s'installa. Pendant un instant, elle crut voir une lueur d'intérêt passer dans le regard de Rafael. Puis, il se détourna et reprit d'un ton neutre :
- Ne te préoccupe pas de cela. Viens, nous avons à parler.
Elle sentit son estomac se nouer.
Il ne lui laissait pas le choix.
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Il l'emmena dans son bureau, une pièce immense où le bois sombre et le cuir dominaient, donnant une impression de puissance froide. Il s'installa derrière son bureau et l'invita d'un geste à prendre place en face de lui.
- Nous devons clarifier certaines choses, Léa.
Elle croisa les bras, prête à encaisser ce qu'il allait lui dire.
- Ton père m'a confié un engagement, poursuivit-il. Ce n'est pas un jeu, ni une phase temporaire. Que tu le veuilles ou non, tu fais partie de cette alliance.
Elle serra les dents.
- Une alliance ? Je ne suis pas un contrat d'affaires, Rafael.
Il la fixa longuement, puis répondit d'une voix calme :
- Tu es bien plus que cela.
Le ton n'avait rien de séducteur, rien de doux. C'était une simple vérité, énoncée avec une certitude implacable.
- Que veux-tu de moi, exactement ? demanda-t-elle finalement.
- Je veux que tu comprennes. Que tu arrêtes de fuir une réalité qui est déjà écrite.
Elle inspira profondément, tentant de contenir la colère sourde qui montait en elle.
- Et si je refuse ?
Un silence. Puis un sourire fugace apparut sur le visage de Rafael.
- Alors tu rendras les choses plus intéressantes.
Il ne cherchait pas son obéissance aveugle. Il voulait son acceptation consciente, une reddition qu'elle ne comptait pas lui offrir.
Mais elle savait, au fond d'elle, qu'il avait le temps.
Et que Rafael Silva ne perdait jamais.
Les journées s'étiraient dans une monotonie oppressante, chaque heure marquée par une routine millimétrée dont elle ne parvenait pas à s'extraire. Léa arpentait les couloirs du manoir, observant le personnel s'affairer avec une efficacité discrète, répondant à des ordres silencieux qu'elle ne percevait pas. Elle aurait voulu trouver une faille, une brèche dans cet univers où chaque chose semblait sous contrôle, mais Rafael avait pensé à tout.
Le domaine était une forteresse, non pas par ses murs ou ses portes, mais par l'influence invisible qu'il exerçait. Il ne la surveillait pas, du moins pas ouvertement, mais elle savait qu'aucun de ses mouvements ne lui échappait. Lorsqu'elle croisait son regard, elle lisait cette certitude inébranlable, cette confiance froide qui laissait entendre qu'il savait déjà ce qu'elle ferait avant même qu'elle ne le décide elle-même.
Elle tenta de ne pas y penser.
Un après-midi, elle se réfugia dans les jardins, espérant trouver un peu d'apaisement dans l'air tiède de Rio. La végétation luxuriante formait un écrin de verdure autour de la propriété, dissimulant le manoir derrière une impression de sérénité trompeuse. Elle marcha longuement, suivant un sentier qui serpentait entre les palmiers et les bassins d'eau claire.
Elle s'arrêta près d'une fontaine, le regard perdu dans le miroitement du soleil sur l'eau. Elle se sentait prisonnière, mais une part d'elle-même devait admettre que cette cage était magnifique. C'était sans doute ce qui rendait tout cela encore plus insupportable.
Une présence derrière elle la fit tressaillir. Elle se retourna et trouva Rafael, toujours impeccable dans un costume sombre malgré la chaleur. Il semblait observer sa réaction avec intérêt.
- Tu n'aimes pas cet endroit, constata-t-il.
Elle hésita, puis répondit d'une voix mesurée :
- C'est beau. Mais ça ne m'appartient pas.
Un silence. Il s'approcha lentement, comme s'il jaugeait ses mots avant de parler.
- Tu t'attends à quoi, Léa ? Que je te laisse partir sans rien dire ?
Elle soutint son regard, refusant de reculer.
- J'attends que tu comprennes que je ne veux pas être ici.
Un sourire imperceptible effleura ses lèvres.
- Et pourtant, tu es là.
Sa voix était calme, presque douce, mais elle y percevait cette inébranlable détermination qui la faisait frissonner. Il ne haussait jamais le ton, ne faisait jamais de menaces explicites, mais chaque mot qu'il prononçait était un rappel de la situation dans laquelle elle se trouvait.
Elle détourna le regard, reprenant sa marche.
- Je trouverai un moyen, murmura-t-elle.
Elle ne savait pas s'il l'avait entendue, mais elle sentait son regard peser sur elle longtemps après qu'elle se soit éloignée.
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Les jours suivants, Léa remarqua un changement subtil dans l'atmosphère du manoir. Des visages nouveaux apparaissaient, des conversations se faisaient plus discrètes. Rafael semblait plus occupé, ses appels téléphoniques plus fréquents, et son emploi du temps plus chargé. Quelque chose se préparait, mais elle ne savait pas quoi.
Elle tenta de capter des bribes d'informations, de comprendre ce qui se tramait derrière ces murs. Mais tout ce qu'elle obtenait, c'était des regards échangés, des phrases interrompues lorsqu'elle entrait dans une pièce.
Elle comprit que Rafael menait une affaire qui dépassait de loin les simples négociations qu'elle avait imaginées.
Un soir, alors qu'elle errait dans les couloirs du manoir, elle surprit une conversation dans le grand salon. Cachée derrière une colonne, elle entendit une voix grave qu'elle ne connaissait pas.
- Il y a des risques. Si nous avançons maintenant, nous devons être sûrs que toutes les variables sont sous contrôle.
La voix de Rafael lui répondit, posée, implacable :
- Il n'y a pas de place pour l'incertitude. Soit nous maîtrisons la situation, soit nous ne faisons rien.
Un silence pesant s'installa.
Léa sentit son cœur battre plus vite. Elle ignorait de quoi ils parlaient exactement, mais elle comprenait que c'était sérieux.
Elle recula lentement, prenant garde à ne pas faire de bruit.
Elle devait comprendre ce qui se passait. Et, surtout, elle devait trouver un moyen de se libérer avant d'être entraînée encore plus profondément dans un monde dont elle ne maîtrisait rien.