Quand elle arriva enfin chez elle, Clara dormait paisiblement sur le canapé, entourée de ses peluches. Élodie sentit une boule se former dans sa gorge. Clara s'était attachée à Julien, et cette révélation allait inévitablement la blesser.
Elle s'agenouilla près d'elle, caressant doucement ses cheveux.
- Tout ira bien, murmura-t-elle comme pour se convaincre elle-même.
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Le lendemain matin, Élodie se rendit à l'entrepôt avec la mâchoire serrée et une détermination froide. Elle était professionnelle avant tout, et rien - pas même un PDG menteur - ne l'empêcherait de faire son travail correctement.
Les regards furtifs de ses collègues ne lui échappèrent pas. La rumeur de sa dispute avec Julien au café L'Hivernal avait manifestement circulé.
- Salut, Élodie, fit Claire, une collègue à l'air préoccupé. Ça va ?
- Très bien, répondit-elle d'une voix tranchante.
Claire hésita avant de murmurer :
- Il y a une réunion exceptionnelle ce matin. Apparemment, Julien... enfin, M. Dupont, veut s'adresser à tout le personnel.
Le cœur d'Élodie se serra. Elle n'était pas prête à affronter Julien, encore moins dans un cadre professionnel.
- Merci de l'info, répondit-elle sèchement avant de s'éloigner.
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La salle de réunion était bondée. Les employés s'étaient regroupés, murmurant entre eux. Julien se tenait près du pupitre, vêtu d'un costume sombre qui lui donnait une allure encore plus imposante.
Son regard croisa celui d'Élodie dès son entrée dans la pièce. Elle détourna les yeux, refusant de lui accorder la moindre attention.
Julien prit une profonde inspiration avant de s'adresser à l'assemblée.
- Merci à tous d'être venus. Je sais que cette réunion est inattendue, mais il était temps pour moi de clarifier certaines choses.
Les murmures s'intensifièrent.
- Je suis Julien Dupont, PDG de SuperMarché, annonça-t-il.
Un silence abasourdi s'installa. Des regards incrédules fusèrent, suivis de quelques chuchotements.
- Depuis plusieurs mois, j'ai intégré l'entrepôt sous une fausse identité pour comprendre les réalités du terrain et les difficultés que vous rencontrez.
Élodie sentit une vague de colère remonter. Il osait présenter son mensonge comme une noble initiative ?
- Je sais que cette décision peut sembler controversée, mais elle m'a permis de mieux comprendre vos défis. À partir d'aujourd'hui, des mesures concrètes seront mises en place pour améliorer nos conditions de travail.
Il poursuivit avec une série d'annonces concernant les horaires, les primes et la réorganisation de certaines tâches. Les employés semblaient satisfaits, certains applaudissant même timidement.
Élodie, elle, restait impassible. Julien pouvait bien distribuer des primes et promettre des améliorations, cela n'effaçait pas sa trahison.
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Après la réunion, Julien tenta de l'approcher.
- Élodie, attends, s'il te plaît.
- Laisse-moi tranquille, répliqua-t-elle sans s'arrêter.
Il la rattrapa malgré tout, saisissant doucement son bras.
- Je sais que tu es en colère, et tu as toutes les raisons de l'être. Mais on doit parler.
Elle le fixa, le regard glacé.
- Parler de quoi, Julien ? De la façon dont tu m'as manipulée ? De ce rôle que tu as joué pour mieux nous observer comme des rats de laboratoire ?
Il secoua la tête, visiblement blessé.
- Ce n'était jamais mon intention.
- Alors quelle était ton intention, hein ? séduire une pauvre mère célibataire pour passer le temps ?
Il serra les mâchoires.
- Tu sais très bien que ce n'est pas vrai.
- Peu importe ce que je sais ou ce que je ressens, Julien. La confiance est brisée, et sans confiance, il n'y a rien.
Elle se dégagea de son emprise et s'éloigna, laissant Julien seul avec sa culpabilité.
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Les jours suivants furent tendus. Élodie évitait soigneusement Julien, se concentrant sur son travail et sur Clara. Mais l'absence de Julien dans leur quotidien se faisait sentir, surtout pour la petite fille.
- Où est Julien ? demanda-t-elle un soir, les yeux remplis d'inquiétude.
- Il est occupé, répondit Élodie d'une voix douce.
Clara baissa la tête, visiblement déçue.
- Je l'aime bien, murmura-t-elle.
Ces mots brisèrent le cœur d'Élodie. Julien avait laissé une empreinte profonde dans leur vie, malgré tout ce qu'il avait fait.
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Un soir, alors qu'Élodie terminait une réunion tardive, elle fut surprise de trouver une lettre glissée sous la porte de son bureau.
Élodie,
Je sais que je t'ai blessée, et je ne peux pas revenir en arrière. Mais je t'aime. Je t'aime toi, et j'aime Clara. Si tu me laisses une chance, je te prouverai que nous pouvons reconstruire quelque chose de vrai.
Julien.
Élodie serra la lettre contre elle, déchirée entre la colère, la douleur et l'amour qu'elle ressentait encore malgré elle.
Elle savait qu'un choix s'imposait : fuir Julien pour se protéger ou lui accorder une dernière chance au risque de souffrir à nouveau.
La bataille entre son cœur et sa raison venait à peine de commencer.