Elle prit une profonde inspiration et se redressa. « Écoute, Nathan. Je ne suis pas ici pour régler les comptes du passé. Je suis ici parce que j'ai besoin de ce travail, et toi, tu as besoin de mon aide. C'est tout. Si tu veux qu'on continue à travailler ensemble, il faudra mettre tout ça de côté. »
Il hocha la tête, bien que son regard trahisse une pointe de regret. « Très bien. Si c'est ce que tu veux, je respecte ta décision. »
« Parfait, » dit-elle en reprenant son dossier. « Maintenant, revenons aux clauses de distribution. »
Le reste de la réunion se déroula dans une atmosphère tendue mais professionnelle. Jeanne se concentrait sur les documents devant elle, tandis que Nathan semblait faire de son mieux pour respecter ses limites.
Lorsqu'elle se leva pour partir, il l'interpella une dernière fois.
« Jeanne... »
Elle se retourna, son expression fermée.
« Merci d'avoir accepté de travailler avec moi, malgré tout. Ça signifie beaucoup pour moi. »
Elle le regarda un moment, hésitant à répondre. Puis elle se contenta d'un bref hochement de tête avant de quitter la pièce.
Sur le chemin du retour, Jeanne sentit un mélange de soulagement et de colère. Elle avait dit tout ce qu'elle avait sur le cœur, mais cela ne signifiait pas que ses blessures étaient guéries.
Elle savait que travailler avec Nathan ne serait pas simple. Mais elle s'était juré une chose : elle ne le laisserait jamais franchir les murs qu'elle avait érigés autour de son cœur.
Assise à son bureau, Jeanne feuilletait une pile de contrats qu'elle devait examiner avant la prochaine réunion avec Nathan. Sa lampe de bureau diffusait une lumière douce dans la petite pièce encombrée de livres et de notes de cours. Malgré ses efforts pour se concentrer, son esprit vagabondait encore et encore vers leur confrontation de la veille. Elle avait tenu bon, avait imposé ses limites, mais la tension entre eux était palpable.
Elle soupira, attrapa son casque audio, et lança une playlist au hasard. Les premières notes d'une mélodie familière emplirent la pièce, figées entre douceur et mélancolie.
C'était *elle*, cette chanson.
Elle l'avait entendue pour la première fois il y a des années, quand Nathan venait de percer dans la musique. À l'époque, elle avait essayé de ne pas y prêter attention, mais les paroles s'étaient inscrites dans son esprit. Maintenant, elles résonnaient à nouveau, comme une blessure qu'elle croyait refermée.
* »Les jours passent, mais ton sourire reste,
Dans l'ombre, je t'ai laissé partir,
Et chaque instant me ramène au même refrain :
Je t'ai perdue avant même de te dire que je t'aimais. »*
Jeanne ferma les yeux, prise entre la douleur et la confusion. Ces mots... parlaient-ils d'elle ? C'était impossible. Nathan n'avait jamais montré qu'il tenait à elle à ce point. Au contraire, il l'avait rejetée quand elle avait osé lui avouer ses sentiments.
Mais maintenant qu'elle y pensait, certains détails lui semblaient étranges. La manière dont il évitait son regard après leur rupture, les longs silences qui avaient suivi leurs disputes, et maintenant cette chanson... Était-ce une simple coïncidence, ou avait-il vraiment des regrets ?
Elle retira son casque et posa la tête entre ses mains. Pourquoi fallait-il que tout soit si compliqué avec lui ?
Le lendemain, Jeanne arriva au studio plus tôt que prévu, espérant éviter Nathan avant le début de la journée. Elle s'installa dans la salle de conférence et sortit ses dossiers, mais une voix familière la fit sursauter.
« Tu es matinale aujourd'hui. »
Nathan se tenait dans l'encadrement de la porte, un café à la main et un sourire énigmatique sur les lèvres.
« Je préfère travailler au calme, » répondit-elle, se forçant à adopter un ton neutre.
Il s'avança lentement, déposant son café sur la table avant de prendre place en face d'elle. « Écoute, Jeanne. Je sais que les choses sont tendues entre nous, mais j'aimerais qu'on parle, sérieusement. »
Elle leva les yeux vers lui, essayant de cacher son trouble. « Nous avons déjà parlé, Nathan. Il n'y a rien à ajouter. »
Il secoua la tête. « Si, il y a beaucoup à ajouter. »
Son ton était grave, et pour la première fois depuis longtemps, il semblait sincèrement vulnérable.
« Hier soir, » commença-t-il, « je suis rentré chez moi et j'ai repensé à tout ça. À nous. »
« Il n'y a pas de 'nous', » répliqua-t-elle rapidement, mais il continua, ignorant son interruption.
« Cette chanson que tu as entendue à l'époque... je l'ai écrite pour toi, Jeanne. Chaque mot, chaque note, c'était toi. »
Ses mots frappèrent comme une gifle. Jeanne sentit son cœur s'accélérer, mais elle refusa de montrer la moindre faiblesse.
« Arrête, Nathan. Tu n'as pas le droit de dire ça maintenant, après tout ce que tu as fait. »
« Je sais que j'ai merdé, » admit-il, ses yeux cherchant désespérément les siens. « Mais je veux que tu saches que je n'ai jamais cessé de penser à toi. Même quand tout semblait fini entre nous. »
Elle se leva brusquement, incapable de rester assise sous son regard insistant.
« Nathan, tu ne peux pas simplement débarquer dans ma vie et tout bouleverser à nouveau. J'ai avancé. J'ai appris à vivre sans toi. »
Il se leva à son tour, tendant une main vers elle. « Et si je voulais faire partie de ta vie maintenant ? »
Ses mots la laissèrent sans voix. Elle recula instinctivement, comme si sa proximité la brûlait.
« C'est trop tard, » murmura-t-elle, la gorge serrée. « Tu ne peux pas effacer le passé, Nathan. »
« Je ne veux pas effacer le passé, » répondit-il doucement. « Je veux construire quelque chose de nouveau. »
Elle éclata de rire, un rire amer qui n'avait rien de joyeux. « Tu crois vraiment que c'est aussi simple ? Que tu peux débarquer avec tes belles paroles et que je vais tomber dans tes bras ? »
« Non, » dit-il après un instant de silence. « Mais je suis prêt à me battre pour te prouver que je suis sincère. »
Jeanne le fixa longuement, cherchant à discerner la moindre trace de manipulation dans son expression. Mais il semblait honnête, pour une fois.
« Tu n'as rien à prouver, Nathan. Parce que rien ne changera ce que je ressens. »
« Et qu'est-ce que tu ressens ? » demanda-t-il, sa voix à peine audible.
Elle hésita, puis détourna les yeux. « Je ressens... de la colère. De la douleur. Et peut-être un peu de mépris. »
« Pas d'amour ? » tenta-t-il, un mince sourire se dessinant sur ses lèvres, comme s'il essayait de cacher sa propre vulnérabilité.
Elle serra les poings, refusant de répondre à cette question.