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La lumière tamisée de l'aube filtrait à peine à travers les rideaux lourds du bureau de Roxane. Le bâtiment de la clinique semblait plus grand et plus froid que jamais, comme si les murs eux-mêmes respiraient l'angoisse. Le bruit des pas d'Antoine résonnait encore dans ses oreilles, et les mots qu'il avait prononcés semblaient désormais plus menaçants qu'ils ne l'avaient été sur le moment. Elle n'avait pas demandé à se retrouver dans cette situation, à devoir jongler entre l'éthique de son métier et la malveillance qui pesait sur sa clinique.
Camille, avec sa langue acérée et son goût pour les scandales, avait réussi à instiller une peur qui s'infiltrait lentement dans le cœur de tout le monde. Mais elle ne pouvait pas se laisser faire.
Roxane se redressa dans son fauteuil et prit une grande inspiration, prête à affronter ce nouveau jour. Elle devait agir, et vite.
Le rendez-vous avec les investisseurs et les patients était prévu pour midi. Elle avait dû organiser cette réunion d'urgence pour clarifier la situation et faire taire les rumeurs lancées par Camille. L'idée d'avoir à se justifier devant un parterre de visages inquiets, voire accusateurs, lui hérissait la peau. Mais il n'y avait pas d'autre choix. Si elle ne prenait pas les devants maintenant, tout était fini.
Elle passa une main dans ses cheveux éparpillés et se leva, son regard se posant sur la pile de dossiers laissée sur son bureau. Des informations confidentielles sur la clinique, des bilans médicaux, des contrats... mais aussi des preuves d'une époque révolue, d'un temps où elle n'avait encore rien à craindre. Tout cela avait changé. Camille l'avait poussée dans un coin, et elle se sentait désormais prête à riposter, mais pas à n'importe quel prix.
Les pas de Gabriel se firent entendre dans le couloir. Elle tourna la tête juste à temps pour le voir passer la porte.
- Roxane, tu es prête ? demanda-t-il, ses yeux scrutant le visage fermé de la jeune femme.
Elle hocha la tête, d'un air résigné.
- Il faut que ça passe, Gabriel. Je n'ai plus de temps à perdre. Camille a déjà planté ses crocs dans ma réputation, et je ne peux pas laisser ça s'aggraver.
Il s'approcha de son bureau et posa une main réconfortante sur son épaule. Un geste simple, mais qui avait un poids incroyable. Roxane le regarda un instant, reconnaissant dans son regard la promesse qu'il serait là pour la soutenir, quoi qu'il arrive.
- Je serai à tes côtés, Roxane. On va affronter ça ensemble.
Leurs regards se croisèrent, une complicité tacite entre eux. Roxane avait toujours su qu'elle pouvait compter sur Gabriel, malgré leurs différends, malgré les zones d'ombre qui planaient encore entre eux. Mais aujourd'hui, la situation était différente. Camille était l'ennemi commun, et tant qu'elle restait en dehors de la ligne de mire, Gabriel demeurait un allié précieux.
Lors de la réunion, l'atmosphère était lourdement tendue. Les investisseurs, au nombre d'une dizaine, étaient assis en face d'elle, leurs visages fermés, leurs mains croisées sur la table, prêts à juger. Autour d'eux, des patients fidèles, inquiets pour leur traitement et leur avenir, observaient chaque mouvement, chaque mot avec une attention accrue. Camille avait réussi à semer le doute, et Roxane devait maintenant reconstruire la confiance.
- Je sais que des rumeurs circulent, commença-t-elle d'une voix ferme, mais il est important de remettre les faits en place.
Elle s'éclaircit la gorge avant de poursuivre.
- Camille a lancé des accusations graves contre ma clinique. Elle a insinué que nos traitements sont dangereux, qu'ils sont douteux... Mais ces accusations n'ont aucun fondement. Nous avons des résultats, des preuves scientifiques irréfutables de l'efficacité de nos méthodes. Et je suis prête à les partager avec vous.
Les murmures se faisaient plus insistants, mais aucun des investisseurs ne réagissait immédiatement. Les patients, eux, semblaient plus apaisés par les mots de Roxane, mais il y avait toujours cette méfiance dans l'air, une méfiance qu'elle n'arrivait pas à dissiper.
- Mais pourquoi Camille a-t-elle fait ça ? demanda un des investisseurs. Qu'est-ce qui l'a poussée à lancer de telles accusations ?
Roxane marqua une pause. La question était légitime, mais elle ne pouvait pas répondre en toute sincérité. Parce qu'elle savait que Camille ne faisait pas tout cela par simple jalousie. Non, il y avait quelque chose de plus sombre derrière ses actes, quelque chose qu'elle ne pouvait pas encore dévoiler. Et même si elle le voulait, elle n'en avait pas les preuves.
- Camille est... une ancienne associée, expliqua Roxane en évitant soigneusement de trop entrer dans les détails. Et je pense qu'elle a des raisons personnelles de s'attaquer à moi.
Gabriel, qui se tenait silencieux à ses côtés, se redressa alors, comme s'il avait attendu le bon moment pour intervenir.
- Ce que Roxane veut dire, c'est que tout ça relève d'une vendetta personnelle. Mais ne vous laissez pas manipuler par les rumeurs. Ce que vous devez voir, ce sont les résultats de la clinique. Ce sont ces résultats qui parlent d'eux-mêmes, pas des mensonges de Camille.
Les investisseurs hochèrent la tête, mais Roxane pouvait lire dans leurs yeux une incertitude qu'elle n'avait pas anticipée. Le doute était semé, et il serait difficile de l'éradiquer d'un simple discours.
La réunion se termina sur une note un peu plus calme, mais les questions restaient en suspens. Roxane sortit la première, son esprit envahi de pensées contradictoires. Elle savait qu'elle devait reprendre le contrôle de la situation, mais elle n'avait pas de certitude sur la façon dont les choses allaient évoluer. Et plus que tout, elle se sentait épuisée, accablée par cette pression incessante.
De retour à la maison, la soirée s'annonçait tout aussi difficile. Les jumeaux étaient là, et pourtant, l'ambiance était tendue, surtout avec Victor. Ce dernier, comme toujours, semblait vouloir se rapprocher de ses enfants. Mais Roxane ne pouvait pas oublier que cet homme était celui avec qui elle avait partagé tant de choses, mais aussi celui dont elle s'était éloignée, pour protéger ses enfants avant tout.
Mathias était dans son coin, l'air méfiant, observant Victor avec des yeux perçants. Il n'avait jamais vraiment accepté la présence de cet homme dans leur vie, et ce soir-là, ses yeux ne dissimulaient pas son agacement.
- Maman, pourquoi Victor est toujours là ? Pourquoi il est avec nous tout le temps ? demanda-t-il, sa petite voix remplie d'une innocence qui tranchait avec la dureté de sa question.
Roxane se tourna vers lui, surprise par la question mais touchée par la sincérité de son fils.
- C'est... c'est compliqué, mon chéri. Mais il fait partie de notre vie, et pour l'instant, on doit tous faire en sorte que tout se passe bien. Tu n'as pas à t'en faire, d'accord ?
Éléa, elle, semblait beaucoup plus ouverte. Elle s'approcha de Victor et, toute souriante, lui attrapa la main.
- Victor, tu veux bien m'apprendre à jouer au foot ? demanda-t-elle avec enthousiasme. Je sais que tu es très bon, et moi, je veux être aussi forte que toi !
Le sourire de Victor s'élargit. Il se baissa pour se mettre à sa hauteur, et une chaleur étrange envahit le cœur de Roxane en voyant l'homme qu'elle avait autrefois aimé interagir avec sa fille. Cette scène simple, mais pleine d'émotion, parvint à apaiser, un instant, les tensions qui pesaient sur ses épaules.
Mais alors qu'elle observait la scène, un bruit soudain attira son attention. Une enveloppe, glissée sous la porte. Roxane s'approcha, intriguée. Elle l'ouvrit et, à l'intérieur, découvrit des documents soigneusement pliés. Les mots écrits dessus étaient accablants, des informations compromettantes sur Camille. Ces preuves pourraient détruire la réputation de Camille, et pourtant, un doute naquit dans l'esprit de Roxane. Devait-elle utiliser ces informations pour contrer son ennemie ? Ou devait-elle les ignorer, se concentrant sur des moyens plus justes de défendre sa clinique ?
Les papiers dans ses mains semblaient plus lourds que tout le reste. Un poids insupportable.
Le soleil était encore bas, se frayant un chemin à travers les stores de la clinique, mais pour Roxane, cette lumière ne suffisait pas à dissiper les ombres qui encombraient son esprit. Assise dans son bureau, une pile de dossiers en face d'elle, elle se demandait comment elle en était arrivée là. Camille. Le nom résonnait dans sa tête comme un poison lent, mais implacable. Chaque accusation, chaque rumeur qu'elle avait lancée sur sa clinique, sur ses méthodes, semblait s'enrouler autour d'elle comme un étau prêt à se resserrer à tout moment.