Chapitre 2 Chapitre 2

Quelques heures plus tard, à l'autre bout de la ville, Victor était plongé dans une conversation tout aussi complexe. Assis dans le bureau d'Hugo, son ami d'enfance et avocat de confiance, il tenait un verre de whisky dans une main et fixait un document posé sur le bureau.

- Alors ? demanda Hugo en s'asseyant face à lui. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

Victor haussa les épaules, visiblement agacé.

- Je ne sais pas, répondit-il. Elle est là, et je ne peux pas l'ignorer.

Hugo soupira en se passant une main dans les cheveux.

- Écoute, Vic. Je sais que Roxane a compté pour toi, mais ça fait six ans. Tu devrais te concentrer sur ton entreprise. Les Delorme ne peuvent pas se permettre un autre scandale familial.

Victor serra la mâchoire, visiblement irrité par cette remarque.

- Ce n'est pas une question de scandale, Hugo. Il y a quelque chose qui cloche. Ces enfants... ils sont si...

Il s'arrêta, cherchant les mots justes, mais Hugo les trouva pour lui.

- ... Si ressemblants, termina-t-il avec un sourire en coin.

Victor hocha la tête.

- Oui. Et je dois savoir la vérité.

Hugo le fixa un moment avant de se lever et de marcher vers une étagère, où il attrapa un dossier épais.

- Si tu veux des réponses, commence par ça.

Victor fronça les sourcils en prenant le dossier.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Des informations sur la clinique que Roxane prévoit d'ouvrir. Je n'ai pas tout lu, mais il y a des trucs... intéressants.

Victor ouvrit le dossier, parcourant les premières pages. Une expression indéchiffrable se dessina sur son visage.

- Intéressants, hein ? murmura-t-il.

Hugo se rassit et croisa les bras.

- Juste un conseil, Vic. Ne te laisse pas emporter par tes émotions. Ça pourrait te coûter cher.

Victor ne répondit pas, absorbé par les mots inscrits sur le papier. Il avait une nouvelle piste, et il n'allait pas la laisser lui échapper.

Le lendemain de sa conversation avec Alice, Roxane décida qu'il était temps d'annoncer officiellement son projet de clinique. Elle avait longtemps repoussé ce moment, à la fois par peur des réactions et parce qu'elle voulait être sûre de tous les détails. Mais cette ville avait besoin d'un nouveau souffle médical, et elle était convaincue que son projet pouvait apporter une véritable différence.

La conférence avait lieu dans une petite salle prêtée par la mairie. Les médias locaux, toujours en quête d'histoires à sensation, avaient répondu présents, tout comme une poignée de figures importantes de la communauté. Roxane se tenait droite derrière le pupitre, un mélange de nervosité et de détermination visible sur son visage. Éléa et Mathias étaient restés à la maison avec Alice, à sa demande expresse.

- Mesdames et messieurs, commença-t-elle d'une voix claire, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Comme vous le savez peut-être, j'ai décidé de revenir dans cette ville qui m'a vue grandir, pour y construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui, je l'espère, bénéficiera à tous.

Elle prit une légère pause, ses yeux balayant l'assemblée. Elle y reconnut quelques visages familiers, certains amicaux, d'autres plus sceptiques.

- Mon projet de clinique repose sur l'innovation, poursuivit-elle. Il s'agira d'un centre spécialisé dans les traitements innovants, visant à offrir des soins de qualité accessibles à tous.

À ces mots, un murmure parcourut la salle. Une main se leva presque aussitôt. Roxane reconnut Camille Besson, assise au fond, un sourire narquois accroché à ses lèvres parfaitement maquillées.

- Roxane, dit-elle en se levant, permettez-moi de vous poser une question. Ce projet, aussi noble qu'il puisse paraître, repose-t-il uniquement sur vos économies personnelles ? Ou avez-vous obtenu des financements extérieurs ?

Sa voix, sucrée et faussement respectueuse, dégoulinait d'intentions cachées. Roxane sentit son estomac se nouer, mais elle ne laissa rien paraître.

- Merci pour votre question, Camille, répondit-elle en gardant son calme. Mon projet est financé en partie par mes économies, en effet, mais également par des investisseurs qui croient en la nécessité d'un tel centre.

- Intéressant, rétorqua Camille en croisant les bras. Mais êtes-vous consciente que ce genre d'investissement peut rapidement devenir risqué dans une petite ville comme la nôtre ?

Le ton de Camille provoqua un léger rire dans l'assemblée, mais Roxane refusa de se laisser déstabiliser. Elle répondit avec assurance, transformant cette tentative d'humiliation en une opportunité pour renforcer son propos.

Après la conférence, Roxane sentit une fatigue pesante s'abattre sur elle. Elle sortit par une porte latérale pour éviter la cohue, mais quelqu'un l'attendait là.

- Belle performance, lança une voix masculine.

Elle se retourna et découvrit un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux légèrement décoiffés et au regard franc. Il portait une chemise bleu clair retroussée aux manches, révélant des avant-bras solides.

- Gabriel Morel, se présenta-t-il en tendant la main. Médecin généraliste ici, et... curieux de votre projet.

Roxane serra sa main, intriguée.

- Roxane Villeneuve. Vous étiez dans la salle ?

- Oui, et je dois avouer que je suis partagé, répondit-il avec un sourire. Votre idée est ambitieuse, peut-être trop pour une ville comme la nôtre. Mais j'aime les défis.

Il y avait dans son ton une sincérité qui désarma Roxane. Pourtant, elle resta sur la défensive.

- C'est un projet réfléchi, pas un simple coup de tête.

Gabriel hocha la tête, l'air amusé.

- Je n'en doute pas. Mais si vous avez besoin de conseils ou d'un partenaire local, je pourrais être intéressé.

Elle le remercia poliment, sans s'engager. Elle avait appris, à ses dépens, que les alliances pouvaient se retourner contre elle.

Pendant ce temps, de l'autre côté de la ville, Victor Delorme se tenait devant le bureau du maire. Il avait réussi à obtenir un rendez-vous sous prétexte de s'intéresser aux nouvelles initiatives locales. En réalité, il voulait des informations sur le projet de Roxane.

Le maire, un homme affable mais prudent, lui expliqua que Roxane avait investi beaucoup de temps et de ressources dans cette clinique.

- Elle a l'air déterminée, commenta-t-il. Et je dois dire que son projet pourrait être bénéfique.

Victor, cependant, n'écoutait qu'à moitié. Une pensée tournait en boucle dans son esprit : pourquoi Roxane avait-elle risqué autant ? Était-ce pour elle-même, ou pour quelqu'un d'autre ?

En quittant la mairie, il croisa Camille Besson, qui l'attendait près de l'entrée.

- Victor Delorme, dit-elle avec un sourire éclatant. Ça fait longtemps.

Il fronça les sourcils, méfiant.

- Camille. Que fais-tu ici ?

Elle haussa les épaules, feignant l'innocence.

- J'ai assisté à la conférence de Roxane. Fascinant, n'est-ce pas ?

- Qu'est-ce que tu veux, Camille ? demanda-t-il, agacé.

Elle s'approcha de lui, son sourire s'élargissant.

- Toi, Victor. Toi, et une alliance contre Roxane.

Victor la dévisagea, intrigué mais méfiant.

- Pourquoi ferais-je ça ?

Camille posa une main sur son bras, son regard devenant plus sérieux.

- Parce que je connais ses faiblesses, et toi aussi. Ensemble, nous pourrions...

Elle s'arrêta, laissant sa phrase en suspens, mais le sous-entendu était clair. Victor retira doucement son bras, troublé. Il ne répondit pas, mais son silence en disait long.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022