Chapitre 3 Chapitre 3

Le silence du petit matin emplissait la maison de Roxane lorsqu'elle descendit à la cuisine pour se préparer un café. Le parquet ancien grinçait sous ses pas, un son familier qu'elle avait appris à ignorer. Elle se sentait tendue depuis la conférence, et le retour de Camille dans sa vie compliquait davantage les choses.

En tournant le regard vers la fenêtre, elle aperçut une silhouette au bout de l'allée. Son père, Lucien Villeneuve, attendait là, appuyé contre le portail, une cigarette à la main. Roxane soupira. Elle savait que cette conversation serait inévitable, mais elle n'avait pas prévu de l'avoir aujourd'hui.

- Qu'est-ce que tu fais là, papa ? demanda-t-elle en ouvrant la porte d'entrée.

Lucien écrasa sa cigarette du bout de sa chaussure et s'avança, son visage marqué par les années et par l'ombre d'une culpabilité qu'il ne cherchait même pas à dissimuler.

- Je voulais te parler, Roxane. C'est tout. Rien de plus, répondit-il d'une voix rauque.

Elle le dévisagea un instant, cherchant à deviner ses intentions.

- Tu peux entrer, dit-elle finalement.

Dans la cuisine, Lucien observa les lieux, ses yeux s'attardant sur les dessins d'Éléa et Mathias accrochés au frigo, et sur les tasses empilées près de l'évier.

- Jolie maison, murmura-t-il.

- Elle a besoin de travaux, répliqua Roxane en posant une tasse de café devant lui. Mais je m'y plais.

Il hocha la tête, mais son regard se fit plus sérieux.

- Écoute, Roxane, je sais que je ne t'ai pas toujours facilité les choses, commença-t-il.

- Pas toujours ? interrompit-elle avec un sourire amer.

Lucien soupira.

- D'accord, j'ai merdé. Mais je veux me rattraper. Je peux t'aider pour ta clinique. Un financement, ou juste... un coup de pouce.

Roxane secoua la tête.

- Non. J'ai déjà dit non. Je ne veux pas de ton argent, papa.

- Pourquoi ? C'est de la fierté ? Tu veux prouver quoi, exactement ?

- Que je peux réussir seule, sans toi, sans ton nom, répondit-elle, la voix plus dure qu'elle ne l'avait prévu.

Lucien resta silencieux, les doigts serrant sa tasse.

- Si tu changes d'avis, murmura-t-il enfin, je serai là.

Lorsqu'il partit, Roxane sentit un mélange de soulagement et de tristesse. Son père essayait, mais il y avait trop de blessures entre eux, trop de non-dits.

Elle retourna à ses occupations, espérant que la journée serait moins tumultueuse. Mais en ramassant le courrier, elle trouva une enveloppe étrange, sans adresse ni timbre. Intriguée, elle l'ouvrit.

Les mots griffonnés sur une feuille jaunâtre la glacèrent :

"Tu crois pouvoir fuir ton passé ? Mais les secrets finissent toujours par éclater."

Roxane sentit son cœur s'accélérer. Elle relut la lettre plusieurs fois, cherchant un indice, une signature, quelque chose qui pourrait identifier l'auteur. Rien.

Le reste de la journée passa dans une brume de tension. Éléa et Mathias remarquèrent son silence, mais elle prétendit être fatiguée. Elle ne pouvait pas leur parler de la lettre. Pas encore.

Pendant ce temps, de l'autre côté de la ville, Victor Delorme et Camille Besson avaient une conversation bien moins cordiale.

- Alors, Victor, qu'est-ce que tu comptes faire ? demanda Camille en s'asseyant sur le bord de son bureau, un sourire narquois sur les lèvres.

Victor croisa les bras, son regard sombre fixé sur elle.

- Je t'ai déjà dit de rester en dehors de ça, Camille.

Elle rit doucement, un rire qui l'irrita davantage.

- Oh, Victor, toujours aussi naïf. Tu penses que tu peux protéger Roxane ? Que tu peux tout contrôler ?

- Je ne cherche pas à la protéger, répliqua-t-il froidement. Mais je ne te laisserai pas jouer à tes petits jeux.

Camille se redressa, son expression devenant plus sérieuse.

- Tu sais, je connais des choses sur elle. Sur ce qu'elle a fait avant de partir.

Victor s'avança, la colère brillant dans ses yeux.

- Si tu oses t'immiscer dans ses affaires, Camille, je jure que tu le regretteras.

Elle haussa un sourcil, feignant l'indifférence.

- C'est une menace ?

- Non, c'est une promesse, répondit-il avant de tourner les talons.

Mais alors qu'il claquait la porte derrière lui, Camille esquissa un sourire. Elle aimait le chaos, et elle n'allait pas laisser passer cette opportunité. Si Victor refusait de s'allier à elle, elle agirait seule.

Dans sa tête, un plan commençait déjà à se dessiner.

Le matin était lourd, chargé d'une tension que Roxane ne pouvait ignorer. Les événements des derniers jours tournaient dans sa tête comme une ritournelle agaçante. Elle n'avait pas dormi correctement depuis la réception de la lettre anonyme, et le fait de devoir croiser Victor à nouveau aujourd'hui n'arrangeait rien.

Elle l'attendait dans le salon, son regard fixé sur la pendule murale. Les jumeaux étaient à l'école, et Alice avait pris soin de les accompagner pour leur épargner les éclats d'une conversation qu'elle devinait déjà tendue.

Quand la porte s'ouvrit enfin, Victor entra avec cette assurance qui avait toujours eu le don de l'irriter. Son regard sombre scrutait chaque recoin de la pièce avant de se poser sur elle.

- Merci de m'avoir reçu, dit-il d'une voix calme, mais chargée d'un sous-entendu qui n'échappa pas à Roxane.

- Je n'avais pas vraiment le choix, répondit-elle en croisant les bras.

Il s'assit face à elle, les coudes posés sur ses genoux, penché comme un prédateur prêt à bondir.

- Écoute, Roxane, je vais être direct. Les jumeaux... Mathias et Éléa. Ils sont...

- Mes enfants, l'interrompit-elle d'une voix ferme.

- Tes enfants, oui, répéta-t-il en insistant sur le possessif. Mais je ne peux pas m'empêcher de remarquer certaines... ressemblances.

Elle détourna le regard, la mâchoire crispée.

- Victor, je ne te dois aucune explication.

- Peut-être pas, admit-il. Mais ne crois pas que je vais simplement ignorer ça.

Roxane se leva brusquement, incapable de supporter cette conversation plus longtemps.

- C'est terminé, Victor. Je t'ai laissé entrer pour que tu puisses parler, mais je ne te dois rien d'autre.

- Alors, tu n'as rien à cacher ? lança-t-il, sa voix s'élevant d'un ton.

Elle se retourna, son regard brûlant de colère.

- Va-t'en, Victor. Maintenant.

Il resta un instant immobile, ses poings serrés, avant de finalement quitter la maison, claquant la porte derrière lui. Roxane sentit ses jambes trembler et s'effondra sur le canapé. Chaque interaction avec lui semblait drainer le peu d'énergie qu'il lui restait.

***

L'après-midi apporta un bref répit. Roxane se rendit à la clinique, où une surprise l'attendait. Un patient d'une certaine notoriété, accompagné de son équipe médicale personnelle, venait pour tester un traitement expérimental. C'était une opportunité immense, mais aussi une source de stress incommensurable.

Gabriel Morel, fidèle à son habitude, était déjà sur place. Il avait le don de se rendre indispensable, bien que Roxane ne puisse s'empêcher de rester méfiante à son égard.

- Tu sembles nerveuse, observa-t-il en entrant dans son bureau.

- C'est le cas, répondit-elle sans détour.

Il sourit, posant un dossier sur son bureau.

- C'est normal. Mais regarde, tout est sous contrôle. Les analyses sont prêtes, et l'équipe est compétente.

Elle hocha la tête, feuilletant distraitement les documents.

- Merci, Gabriel. Vraiment.

Il haussa les épaules.

- C'est ce que font les collègues, non ?

Elle sourit malgré elle. Sa présence avait quelque chose de rassurant, même si elle ne le connaissait que depuis peu.

La journée passa dans une série d'évaluations médicales et de réunions, mais tout se déroula sans accroc. Pourtant, Roxane sentait que ce calme apparent ne durerait pas.

***

Pendant ce temps, Victor était déjà en train de mettre en place son propre plan. Dans un café discret, à l'abri des regards indiscrets, il rencontrait un détective privé qu'il avait engagé.

- Vous êtes sûr de ce que vous cherchez ? demanda l'homme, un certain Benoît Arnaud, en allumant une cigarette.

- Absolument, répondit Victor. Je veux savoir ce qu'elle a fait pendant ces six années, et je veux tout savoir sur les jumeaux.

Le détective hocha la tête, notant les détails dans un carnet usé.

- D'accord. Vous avez déjà des pistes ?

- Pas vraiment, admit Victor. Mais elle n'a pas pu disparaître sans laisser de traces.

Benoît esquissa un sourire en coin.

- Tout le monde laisse des traces, monsieur Delorme. C'est juste une question de savoir où chercher.

Victor lui tendit une enveloppe contenant une avance conséquente.

- Faites vite.

- Vous aurez des nouvelles rapidement, promit le détective en se levant.

            
            

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