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Deux jours plus tard, Benoît appelait Victor avec une première information.
- J'ai trouvé quelque chose d'intéressant, annonça-t-il.
Victor sentit son cœur accélérer.
- Quoi donc ?
- Une piste en lien avec la naissance des jumeaux. Mais je dois creuser un peu plus avant de pouvoir confirmer quoi que ce soit.
- Faites-le, répondit Victor sans hésiter. Peu importe le coût.
Il raccrocha, une étrange sensation d'excitation et d'appréhension se mêlant en lui.
Il savait que ce qu'il allait découvrir pourrait changer sa vie, mais il était prêt à prendre le risque. Ce qu'il ignorait, c'est que Roxane, de son côté, sentait déjà que l'étau se resserrait autour d'elle.
Le crépuscule tombait doucement sur la ville, enveloppant les rues d'une lumière orangée. Chez les Delorme, l'agitation régnait déjà. Le grand salon, décoré dans un style classique et chargé de peintures anciennes, était prêt pour le dîner familial. La table centrale, couverte d'une nappe en dentelle immaculée, étalait une vaisselle de porcelaine délicatement ornée d'or.
Victor avait hésité avant d'accepter cette invitation. Il savait que les repas chez ses parents se transformaient souvent en champs de bataille, surtout depuis son retour en ville. Mais refuser aurait signifié donner raison à sa mère, et il n'était pas prêt à lui offrir ce plaisir.
Il entra dans la maison familiale, les bruits des voix déjà hauts dans le salon atteignant ses oreilles. Sa mère, Éliane, élégante dans une robe crème, le repéra aussitôt.
- Victor, enfin ! Tu es en retard, comme d'habitude.
- Bonsoir, maman, répondit-il en déposant un baiser rapide sur sa joue.
Son père, Jean-Pierre, était assis dans son fauteuil habituel, un verre de whisky à la main. Il hocha la tête en guise de salutation, son regard neutre.
Le dîner débuta calmement, avec les conversations d'usage sur les affaires de la famille Delorme. Éliane s'empara rapidement du rôle de chef d'orchestre, orientant les discussions selon son bon vouloir. Mais inévitablement, le nom de Roxane fut prononcé.
- Alors, Victor, murmura Éliane en fixant son fils, que comptes-tu faire à propos de cette... femme ?
Victor releva la tête, posant ses couverts avec précaution.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Ne joue pas à l'imbécile, Victor, soupira-t-elle. Elle revient après six ans, et toi, tu la laisses agir comme si de rien n'était ?
- Elle n'a rien fait de mal, maman, répondit-il en serrant la mâchoire.
Éliane éclata d'un rire sec.
- Rien fait de mal ? Cette femme t'a manipulé, elle t'a abandonné, et maintenant elle prétend être une héroïne avec son projet de clinique ridicule.
- Suffit, maman, lança Victor d'une voix plus forte que prévu.
Le silence tomba dans la pièce, interrompu seulement par le tintement des verres.
- Depuis quand tu la défends, toi ? s'étonna Jean-Pierre, le regard interrogateur.
- Ce n'est pas une question de la défendre, rétorqua Victor. C'est une question de respect. Vous ne savez rien de ce qu'elle a vécu.
Éliane s'apprêtait à répondre, mais Victor se leva brusquement.
- Excusez-moi, je vais prendre l'air.
Il quitta la pièce, laissant ses parents échanger des regards perplexes.
***
Le lendemain matin, Roxane était assise dans un café du centre-ville, un carnet ouvert devant elle. Elle aimait cet endroit pour sa lumière tamisée et son ambiance calme. La gérante, une femme âgée au sourire chaleureux, lui avait même offert un croissant lorsqu'elle était arrivée.
Elle ne s'attendait pas à croiser Gabriel Morel, qui entra, vêtu d'une chemise décontractée et d'un jean.
- Roxane, quelle surprise ! s'exclama-t-il en s'approchant de sa table.
- Gabriel, répondit-elle avec un sourire. Vous aussi, vous aimez cet endroit ?
- Absolument. Mais je ne savais pas que vous y veniez.
Il s'assit avec sa permission, commandant un café. La conversation dériva rapidement vers la médecine, leur sujet commun favori.
- Alors, ce patient VIP, vous en pensez quoi ? demanda-t-il, les yeux pétillants de curiosité.
- Une chance incroyable, mais aussi une pression énorme, avoua Roxane.
- Vous gérez ça à merveille, la rassura-t-il. J'ai vu pire dans des contextes bien moins compliqués.
Ils rirent doucement, échangeant des anecdotes légères sur leurs débuts respectifs dans le métier. Gabriel glissa quelques compliments à Roxane, mais elle préféra rester prudente, bien qu'elle ne puisse nier qu'il avait une présence réconfortante.
Quand il partit finalement, elle resta un moment seule, son café refroidissant dans sa tasse. Malgré la légèreté de leur échange, une petite voix au fond d'elle lui disait de rester sur ses gardes.
***
Pendant ce temps, Victor était enfermé dans son bureau, les mains crispées sur son téléphone. Il venait de recevoir un appel du détective Benoît Arnaud, qui lui annonçait des nouvelles troublantes.
- C'est confirmé, annonça Benoît avec une satisfaction mal dissimulée. Roxane a donné naissance à des jumeaux environ neuf mois après votre séparation.
Victor sentit un frisson parcourir son échine.
- Et le père ?
- C'est là que ça devient intéressant, poursuivit le détective. Aucun nom n'est mentionné sur les documents que j'ai trouvés.
- Continuez à chercher, ordonna Victor. Je veux des preuves.
- Compris, répondit Benoît avant de raccrocher.
Victor resta assis, le regard perdu dans le vide. Si les jumeaux étaient vraiment ses enfants, pourquoi Roxane lui aurait-elle caché la vérité ?
Il savait qu'il devait agir vite. Et une idée commença à germer dans son esprit : un test ADN. Il ne savait pas encore comment l'obtenir, mais il était déterminé à découvrir la vérité, peu importe le prix.
Le soleil brillait haut dans le ciel, projetant une lumière douce sur le jardin de la nouvelle maison de Roxane. Les rires cristallins d'Éléa et Mathias résonnaient tandis qu'ils couraient autour du vieux chêne, transformé en forteresse imaginaire. Roxane les regardait depuis la terrasse, un sourire tendre sur les lèvres, mais son esprit était ailleurs. Les questions incessantes des jumeaux sur leur père revenaient comme un refrain douloureux, et elle savait qu'un jour, elle ne pourrait plus se contenter de réponses évasives.
- Maman, cria Mathias, pourquoi papa n'est jamais venu jouer avec nous ?
Roxane sentit son cœur se serrer. Elle chercha ses mots, feignant de s'intéresser à la petite fleur que tenait Éléa.
- Oh, regarde cette marguerite ! Tu crois qu'elle pourra survivre si on la plante dans un pot ?
Mais Éléa, aussi intuitive que son frère, fronça les sourcils.
- Mathias veut savoir pour papa. Moi aussi je veux savoir.
Roxane prit une profonde inspiration.
- Écoutez, mes chéris, votre papa est... très occupé. Il a beaucoup de choses importantes à faire.
Mathias croisa les bras, sceptique.
- Plus important que nous ?
Éléa, elle, sembla plus douce dans son insistance.
- Mais il va venir un jour, n'est-ce pas ?
Roxane esquiva la question en les appelant à déjeuner, un pincement au cœur. Elle savait que leur curiosité ne ferait que grandir, surtout maintenant qu'ils étaient de retour dans cette ville où le passé semblait guetter à chaque coin de rue.
***
Victor, de son côté, était assis sur un banc du parc, le regard pensif. L'appel du détective continuait de résonner dans son esprit. Les jumeaux, sa potentielle paternité... Il avait besoin de réponses, mais pour l'instant, il devait trouver une autre approche. Et le destin sembla lui offrir une chance inespérée.
Il vit Éléa et Mathias courir dans l'aire de jeux, suivis de près par Roxane, qui portait un panier rempli de snacks. Victor hésita une seconde, puis se leva, son cœur battant plus vite.
- Salut, lança-t-il doucement en s'approchant des enfants.
Mathias releva la tête, intrigué par cet homme qui semblait familier.
- Tu nous connais ?
Victor sourit, se baissant légèrement pour être à leur hauteur.
- Je m'appelle Victor. Et vous, vous êtes Éléa et Mathias, c'est ça ?
- Oui, répondit Éléa en serrant sa poupée contre elle.
Roxane, qui observait la scène depuis quelques mètres, accéléra le pas, furieuse.
- Victor, qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je voulais juste dire bonjour, répondit-il calmement, bien qu'il puisse sentir la tension monter en elle.
- Ce n'est pas le moment, siffla-t-elle entre ses dents en attrapant les mains des enfants.
Mais Mathias, visiblement intrigué par Victor, tira sur la manche de sa mère.
- C'est qui, lui ?
Roxane esquiva une fois de plus, un sourire crispé sur les lèvres.
- Juste quelqu'un que je connais. Allez, on rentre.
Victor resta là, immobile, les regardant s'éloigner. La petite interaction avait suffi pour éveiller en lui une nouvelle détermination : il ne laisserait pas Roxane fuir encore.