Chapitre 5 Chapitre 5

La journée avait été longue, et le vent frais du soir apportait un sentiment de solitude dans les couloirs du grand manoir qui servait de base à la meute. Mia marchait à pas lents, son esprit empli de pensées contradictoires. Le mariage avec Kael, bien qu'irrémédiable, semblait de plus en plus être un fardeau lourd à porter. Les regards, les murmures, et surtout la distance qu'il maintenait entre eux, la laissaient dans une sorte de tourmente constante.

Elle s'arrêta devant une fenêtre, observant le paysage qui s'étendait à l'extérieur. La forêt sombre qui bordait la meute semblait se refermer sur elle, comme si le monde entier était devenu une cage. Une cage dont elle ne voyait pas l'issue.

Un mouvement derrière elle la fit sursauter. Elle se retourna brusquement et aperçut une silhouette familière. C'était Aurélien, un membre de la meute qu'elle avait croisé à quelques reprises, mais dont la présence semblait toujours à la fois discrète et énigmatique. Il était grand, avec des traits marqués par des années de vie en tant que guerrier, mais ses yeux, d'un bleu presque glacial, portaient une lueur d'intelligence qui ne lui échappait jamais.

« Je ne voulais pas te déranger, » dit-il, sa voix douce mais ferme. « Mais il semble que tu sois à un carrefour, Mia. »

Elle haussa les sourcils, intriguée mais aussi sur la défensive. « Comment ça ? »

Il s'approcha lentement, comme s'il ne voulait pas briser la distance fragile qu'elle avait mise entre eux. « Je t'observe, et je vois quelqu'un qui se cherche, qui a du mal à comprendre qui elle est vraiment. Et plus encore, je vois quelqu'un qui commence à douter de son propre pouvoir. »

Elle serra les poings, une douleur sourde naissant dans sa poitrine. « Tu ne sais rien de ce que je ressens. Tu n'as pas à comprendre. »

« Mais je crois savoir ce que tu ressens, Mia. Et c'est pourquoi je suis là, » répondit Aurélien, son regard perçant ancrant le sien. Il faisait une pause, puis ajouta, « Tu as un pouvoir. Un pouvoir immense, que tu n'as pas encore appris à contrôler. »

Elle le fixa intensément, hésitant. « Je ne sais pas de quoi tu parles. »

Aurélien soupira doucement, comme s'il s'attendait à cette réponse. « Tu crois que ton loup est absent, mais il n'est que dormant. Il se cache, parce qu'il a peur. Il a peur de ce que tu es devenue et de ce que tu pourrais devenir. »

Mia recula d'un pas, ses pensées en tourbillon. « Tu veux dire que mon loup est... là, quelque part, mais qu'il ne veut pas sortir ? »

« Exactement. Mais il n'est pas une faiblesse, Mia. C'est une force. Il attend le bon moment. » Il la regarda intensément. « Tu as juste besoin de comprendre cela avant que quelqu'un d'autre ne t'impose sa vision des choses. »

Elle se sentit prise dans un tourbillon d'émotions. Un mélange de frustration, de colère et de peur. Comment quelqu'un pouvait-il comprendre un tel fardeau qu'elle portait depuis si longtemps ? Un fardeau qu'elle avait appris à cacher, à dissimuler, ne sachant même pas si son propre loup était réel ou une illusion de son esprit.

« Pourquoi m'en parler maintenant ? » demanda-t-elle, sa voix à peine audible.

Aurélien sourit légèrement, comme s'il savait que la question était inévitable. « Parce que tout est lié à ton avenir ici, à Kael, et à la meute. Tu es liée à cette terre, Mia. Tu dois l'accepter. »

Avant qu'elle ne puisse répondre, il tourna les talons et s'éloigna dans l'ombre, laissant derrière lui une étrange sensation, comme si quelque chose de profond venait de changer en elle, sans qu'elle n'ait le temps de saisir ce que c'était.

La soirée s'étira, mais l'esprit de Mia était en proie à des pensées envahissantes. Aurélien avait raison, quelque part. Elle sentait ce lien avec la meute, un lien qui allait au-delà du mariage imposé. Mais elle se sentait aussi perdue, comme une personne égarée dans un monde qui ne lui ressemblait pas.

Et puis, ce qu'elle avait ressenti à l'entraînement ce matin, cette chaleur fugace, cette puissance... Elle n'était pas simplement le fruit de son imagination. Quelque chose, en elle, attendait de se réveiller. Mais elle n'était pas sûre de vouloir cela.

Le bruit des voix dans le hall attira son attention. Elle s'approcha, son esprit toujours troublé, et écouta les conversations qui se tenaient à l'extérieur. Le nom de Kael revenait souvent, mais pas de la manière dont elle l'aurait espéré. Il semblait que des rumeurs circulaient, et pas des rumeurs tendres à son sujet.

Elle s'infiltra discrètement dans le couloir voisin, entendant les murmures de deux membres de la meute discutant à voix basse. « Tu as entendu ce que les autres disent ? Kael l'a épousée pour la renforcer politiquement, mais maintenant, il commence à se demander si c'était vraiment une bonne idée. »

« Il la considère déjà comme une faiblesse. Il n'a pas la patience pour quelqu'un comme elle. »

Les mots se gravaient dans sa tête comme des coups de poignard. Elle se recula, sentant la colère monter en elle. Si Kael pensait réellement cela d'elle, alors elle était perdue dans ce jeu de pouvoir, un pion qu'on déplace sans se soucier de ce qu'elle ressentait.

Dans son esprit, une question persistait : pourquoi l'épouser si elle n'était qu'une faiblesse à ses yeux ? Pourquoi se donner autant de mal pour une alliance qui ne serait jamais vraiment sienne ?

Elle se dirigea lentement vers ses quartiers, le poids de ces pensées la rendant plus lourde que jamais. Elle avait besoin de comprendre son pouvoir, de comprendre qui elle était réellement. Mais plus elle y pensait, plus elle se sentait éloignée de la personne qu'elle espérait devenir.

Les lourdes portes de sa chambre se fermèrent derrière elle, et Mia se laissa tomber sur son lit, l'esprit en ébullition. Elle avait entendu ce qu'Aurélien avait dit, et il avait raison. Mais maintenant, un autre défi s'imposait : accepter ce pouvoir ou se laisser engloutir par les ténèbres qui l'entouraient.

Elle se leva brusquement, déterminée. « Je vais le faire, » murmura-t-elle pour elle-même, la conviction dans la voix. Mais au fond d'elle, une part d'incertitude persistait. Et elle savait que le temps pressait.