Avec un sourire de circonstance, elle me répond :
-Qui dois-je annoncer ?
-Helena Oladeji.
-Veuillez patienter une minute.
Elle décroche le téléphone et je suis un peu étonnée de l'entendre vérifier l'information auprès d'une certaine Tía Sofia en la tutoyant mais surtout appeler le Directeur des Ressources Humaines Hakim. Mais je n'ai pas le temps de cogiter bien longtemps.
-Vous pouvez y aller. Prenez l'ascenseur de droite. Il vous mènera directement au dernier étage.
Je prends mon souffle avant de monter dans cette cabine restreinte. Je suis claustrophobe donc c'est toujours un peu difficile pour moi de me retrouver dans un endroit aussi confiné. Quand les portes s'ouvrent enfin, ma nervosité est montée d'un cran. Ouf, je pensais ne jamais arriver vivante à cet étage. Calme-toi Lena, sinon tu risques de te planter ! Merci de me le rappeler Chère Conscience, j'ai vraiment besoin de ça actuellement ! Je longe le couloir et j'aperçois une femme d'un certain âge toute vêtue de noir derrière un bureau. Le regard bienveillant qu'elle pose sur moi me rassure.
-Bonjour. Mademoiselle Oladeji je présume ?
-Bonjour Madame. Oui c'est exact.
-Vous êtes ponctuelle, c'est bien. Asseyez-vous là, je vais vous annoncer.
Elle se lève et ouvre l'un des doubles battants en bois ciré qui doit sans doute mener au bureau du DRH. Je regarde autour de moi et constate le contraste avec la décoration du hall. Ici tout respire le luxe dans des tons beaucoup plus nuancés et élégants : le noir des fauteuils confortables dans la salle d'attente se mariait bien aux différents tons marrons des meubles en bois et du beige des murs. Il y avait même quelques pots de fleurs un peu partout pour égayer cette atmosphère masculine. Mais je suis bientôt ramenée à la réalité par la dame.
-Veuillez entrer Mademoiselle. Monsieur Hernandez va vous recevoir.
Elle ferme la porte derrière moi et mes yeux croisent enfin ceux de celui qui est censé m'octroyer ce job. A ce moment, tout le discours préparé durant des heures pour paraître professionnel n'est plus d'actualité. Je reste pétrifiée sur place, mes jambes tenant à peine debout et le cerveau en ébullition : SOS ! Je crois que je vais faire un malaise ! Mayday ! Mayday ! Non non non Lena ressaisies-toi ! C'est la honte si tu tombes devant Lui ! Oh Seigneur LUI ! Mon inconnu matérialisé sous mes yeux ! Je rêve alors ? S'il vous plaît Mon Dieu, faîtes que ce soit un rêve ! Oh non, il s'approche de moi ! Dis quelque chose Lena ! Ne reste pas là les yeux écarquillés et la bouche ouverte voyons !
-VOUS !
Sérieux ? C'est tout ce que tu trouves à dire ?!
-Bonjour ! Je suis Hakim Hernandez ! Ravi de faire votre connaissance Mademoiselle Oladeji !
Oh cette voix...Ces yeux scrutateurs...Cette bouche dont le goût est si...HELENA ! Reprends-toi Au Nom du Ciel ! Il te tend la main ! D'ailleurs, apparemment, il ne se souvient pas de toi ! C'est ce constat et surtout la déception que je ressens qui me ramènent enfin sur terre. Mais qu'est-ce que je pensais ? Un mec pareil doit avoir des centaines de filles à ses pieds.
-Vous vous sentez bien ?
Je lui prends brièvement la main et un frisson me parcourt à ce contact.
-Oh pardon ! Moi de même Monsieur Hernandez !
-Venez. Nous serons plus à l'aise ici pour discuter.
Je m'assoies au bord de la chaise face à un grand bureau en bois précieux, le dos bien droit et le corps crispé. De la sueur perle à mon front malgré l'air conditionné.
-Je vous sers quelque chose ?
-Un...un verre d'eau s'il vous plaît.
Je le regarde se mouvoir pour aller me servir et il se dégage de lui une aura féline : cette démarche d'homme sûr de son physique parfait, ses pas étouffés par la moquette épaisse, ses gestes qui mesurés,...C'est ça, il me fait penser à un fauve à la beauté attirante mais trompeuse.
-Tenez.
Quand nos doigts se touchent, une décharge me traverse le bras droit. Il me fixe quelques secondes avant de retourner s'assoir dans son fauteuil de cuir.
-Alors Mademoiselle Oladeji, que puis-je faire pour vous ?
HAKIM
Je la regarde débiter un discours certainement appris par cœur dans le but de m'impressionner mais franchement, je ne l'écoute même pas. Je sais déjà que je ne la laisserai pas m'échapper cette fois ! Heureusement que j'ai réussi à me retenir quand elle est entrée. Son air de biche surprise par les phares d'une voiture était trop hilarant ! Je la déshabille carrément du regard, ce qui la déstabilise la faisant bégayer et qui m'amuse. Elle est si prévisible, un vrai livre ouvert ! Ce sera très facile d'en faire ce que je veux. Mais patience Hakim, l'attente rendra le moment venu encore plus...exaltant. Pourquoi est-elle aussi mal fagotée ? Ce tailleur bleu marine informe ne la met pas du tout en valeur. Et ces ballerines...Sans oublier ces affreuses lunettes derrière lesquelles elle cachait ses belles prunelles... Pas grave, il faudra juste faire un peu de shopping et un tour chez l'ophtalmo. Un vrai diamant brut ...Intéressant...Vraiment intéressant. Je décide que j'en ai assez et je l'interromps :
-Savez-vous qui je suis Mademoiselle Oladeji ?
-Euh...Le Directeur des Ressources Humaines.
Je me mets à rire en me levant. Je retire ma veste que je pose sur le dossier de mon fauteuil. Je contourne lentement la table en ne la quittant pas des yeux.
-Si vous recherchez le DRH, alors vous vous êtes trompée de porte. A vous entendre, je constate que vous avez fait quelques recherches sur l'entreprise mais apparemment, vous avez omis d'en faire sur le PDG.
Je l'observe et je lis d'abord de l'incompréhension sur son ravissant visage expressif. Ensuite vient la réflexion et je suis sûr qu'elle essaie de se rappeler du nom que je lui ai donné à son arrivée. Ah enfin, elle se rappelle !
-Vous êtes...Vous êtes Hakim Hernandez.
Mi-ironique, mi amusé, je renchéris :
-Je pensais m'être présenté pourtant.
-Oui...Oui bien sûr. Je suis vraiment désolée Monsieur.
-Ne vous inquiétez pas. C'est normal d'être un peu stressé dans votre situation. Alors, savez-vous au moins quel rôle serait le vôtre au sein de cette entreprise ?
-Je sais juste que c'est un poste d'assistante et comme vous avez pu le lire sur mon curriculum vitae, j'ai déjà fait mes preuves dans plusieurs maisons d'édition. Oh je vous concède que ce n'était que des stages mais...
-Pas la peine d'essayer de vous vendre d'avantage. Vous êtes embauchée.
-Vrai...Vraiment ?
-Pourquoi cela vous surprend-t-il ? N'est-ce pas pour cela que vous êtes ici ce matin ?
-Si...Si vous avez raison.
Elle semble se retenir à grand-peine de laisser éclater sa joie. Mais son visage s'éclaire d'un sourire qui dévoile un brin de cette beauté qu'elle semble vouloir cacher sous ses accoutrements.
-Mais avant de signer avec nous, je vais me permettre de vous résumer votre boulot : vous allez devenir MON assistante.
Je la vois déglutir péniblement. Eh oui, Ma Belle Lena, nous serons très très proches.
LENA
Son assistante ? Je ne sais même pas si cette nouvelle me comble de bonheur ou d'effroi. Comment vais-je faire pour être aussi près de l'homme de qui je rêve presque toutes les nuits sans pouvoir toucher ses larges épaules, son corps parfait, ses tatouages qui le rendent presque dangereux...Je n'aurais jamais pu imaginer que mon inconnu avec son air de Bad Boy puisse être en fait un chef d'entreprise !
-Vous serez mes yeux et mes mains en quelque sorte ! Je dicte et vous notez ! Vous serez chargée de me lire et de rédiger tout document en rapport avec mon boulot: mails, lettres, textos et j'en passe. Et ce sera pareil pour mes romans.
-Vous êtes écrivain ?
-Exact.
-Quel genre de romans écrivez-vous ?
Il vient vers moi, contourne ma chaise et le sentir derrière moi me paralyse littéralement. Il pose ses mains sur le dossier.
-Cela dépend, j'écris surtout du suspense mais j'ai quelques romans historiques à mon actif.
Je sursaute en sentant son souffle près de mon oreille quand il me murmure :
-Mais depuis peu, je m'adonne plutôt à l'écriture de récits érotiques.
J'ai le cœur qui fait de la tachycardie là. Respire Lena, respire ! Heureusement, il se redresse et retourne à son bureau.
-Vous en avez déjà lu Mademoiselle Oladeji ?
-Oui...Récemment, j'en ai lu quelques uns.
-Et de quel auteur ?
- H.F Da Costa.
-Vous me flattez !
-Pourquoi ?
-Parce que j'écris sous ce pseudo.
C'est la journée des surprises aujourd'hui ou quoi ?
-Et vous les appréciez ?
-Oui...Beaucoup.
-Estimez-vous heureuse alors parce que c'est vous qui rédigerez les tapuscrits de mes prochains romans. Je vous remettrai des enregistrements à cet effet.
Je ne peux m'empêcher de lui demander :
-Pourquoi ne les écrivez-vous pas vous-même ?
Son regard devient soudain glacial.
-Parce que c'est pour ça que je vous paie. Cela vous pose un problème ?
-Non...Bien sûr que non.
Je baisse les yeux et quand je les relève, ils ont repris leur expression sereine. Ai-je rêvé cette seconde d'hostilité ? Se faire lire et écrire ses mails ? Les riches et leurs caprices ! Pour évoluer dans ce cercle depuis ma naissance, je suis habituée à leurs exigences parfois saugrenues. Même mon père est un expert en la matière !
-Bien ! Votre CV indique que vous vivez à New York. Donc je suppose que vous avez besoin de quelques jours pour vous installer à Miami.
-Si cela ne vous dérange pas.
-Vous commencerez donc le lundi prochain.
-Merci Monsieur Hernan...
-Appelez-moi Hakim ! Tous mes proches collaborateurs m'appellent par mon prénom.
-Merci Hakim.
Le fait de prononcer son prénom me fait tout bizarre. Hakim, il s'appelle Hakim. J'aime beaucoup.
-Je crois qu'on en a terminé. Tía Sofia, la dame qui vous a introduite dans mon bureau vous remettra votre contrat. Lisez-le attentivement et s'il vous convient, nous nous verrons lundi à 8h30 ! Bonne journée Mademoiselle Oladeji.
Une seconde après, il a le regard fixé sur son écran d'ordinateur. Voilà, je suis congédiée. Ne sachant pas quoi ajouter, je bredouille un « merci. A vous de même. » et je me dépêche d'atteindre le battant, déçue par cette attitude cavalière. Juste au moment où je tiens la poignée, j'entends derrière moi :
-Ravi de t'avoir revue Lena !
Estomaquée, je lui jette un coup d'œil et je ne sais plus où me mettre quand je reconnais ma culotte en coton déchirée, oubliée dans la boîte cette nuit là et qu'il triture dans sa main. J'ai droit alors à ce sourire qui m'a fait chavirer il y a près d'un an ! La Lena frustrée est sur le point de faire son apparition. Je me précipite sur la poignée de la porte et sors avant de faire une bêtise. Je ne sais pas comment je fais pour paraître calme devant la vieille dame qui me tend mon contrat et me souhaite une bonne journée ni devant les deux brunes à la réception qui me disent au revoir. Ce n'est qu'une fois dans la voiture que je laisse toutes mes émotions accumulées et retenues durant cet entretien se lâcher et envahir mon corps tout entier. J'ai trop chaud alors j'enlève la veste mon tailleur. Mais ce n'est pas suffisant. Fébrile, je retire quelques boutons de mon chemisier, je me défourre, je soulève ma jupe jusqu'à mi-cuisses, je démarre la voiture pour que l'air conditionné me soulage...Mais ce n'est toujours pas assez. Je suis comme en transe, haletante, tremblotante et palpitante de partout, surtout du bas-ventre. Sans vraiment m'en rendre compte, je plonge une main dans mon chemisier ouvert pour cueillir l'un de mes tétons devenus hypersensibles et turgescents sous mon soutien-gorge pendant que l'autre va à la découverte de mon sexe trempé et de mon clitoris qui n'attendent que ça. Les yeux fermés, je n'ai que ce visage aux yeux perçants devant moi et cette voix de velours qui me murmure à l'oreille « vas-y Lena. Jouis Ma Belle ». Il ne me faut pas plus pour ressentir cette sensation éprouvée des dizaines de fois mais dont chaque spasme, chaque décharge, chaque gémissement, chaque cri étouffé restent uniques.
Une fois les vagues du plaisir apaisées, je m'adosse contre mon siège et je réalise que je me suis masturbée dans un parking et que n'importe qui aurait pu me voir. Je pars dans un fou rire de dérision. Puis je m'écrie :
-TU ES DANS LA MERDE LENA !