Chapitre 4 No.4

IV

J'ai la bouche sèche dans la pénombre du matin. Je me retourne sur le dos en pensant au Sylvaner. Elle revient, précédée d'un parfum de thé Earl Grey. Elle m'a chipé ma sortie de bain. Retroussé les manches. Je prends la tasse. C'est bon. Elle a pensé au nuage de lait. Elle boit debout, ses yeux dans les miens. Elle me devine sous la couette, pose lentement sa tasse sur le petit plateau ; elle est pâle dans la pénombre du matin, émouvante sous ses cheveux en désordre, elle pourrait défaillir ; elle reprend ma tasse vide, la pose à côté de la sienne, s'agenouille, s'assied sur ses talons près de moi, dépose son petit fardeau sur la moquette, son visage est proche du mien, son silence m'envahit de tendresse, de certitude, de paix. Je me laisse retomber sur l'oreiller.

Il fait bon dans mon lit. Je ferme les yeux. Son peignoir a glissé. Sa chaleur s'approche, me retrouve, m'entoure, se mêle sans heurt à la mienne, m'étreint de sa profonde omniscience, de ses flots d'harmonie, de son envolée magique, au cœur de notre mystère surgissant sans cesse élargi au secret de nos corps en fusion. Les vagues nous ont déposés sur un sable chaud et sûr. « Ne bouge pas ! » supplie-t-elle.

Tout son être se nourrit de l'instant, je ne sais qui inonde l'autre de bonheur, d'évidence, de perfection dans notre bulle. Le mystique est celui qui ne parle pas, parce qu'il n'a pas de mots pour décrire ce qu'il a découvert.

« Mon amour ? »

Ses lèvres m'imposent le silence.

Le concert de klaxons me fait tressaillir. Elle s'agrippe à moi, tendrement, sa force est impressionnante, je pourrais me croire enfin le maître du monde.

« Je le savais, j'en étais sûre, pourtant j'avais peur. Je t'ai retrouvé. »

Je ne m'étais jamais senti aussi bien

« C'était toi dans mes rêves d'il y a déjà longtemps. Tu es encore plus beau que je l'imaginais. Les yeux fermés, je t'aurais reconnu. Tu viens de me marier avec l'univers. Au rythme de ta force. Mon homme ! »

J'y crois. Je la crois. Je crois en elle.

« Je sais que tu dois partir ; moi aussi, mais ce n'est qu'une illusion. Je ne te quitte pas, je te garde en moi, au cœur du territoire marqué de ton empreinte. Je n'ai peur de rien. Tu me retrouveras toujours. »

Elle rit. Une gerbe de cristal.

« Tu n'as rien décidé, moi non plus. Mais nous serions morts si nous avions refusé. »