Toutes les deux nous avons une relation très fusionnelle. Elle est à la fois ma mère, ma confidente et ma seule famille. Depuis son divorce avec mon père il y a sept ans, elle n'a pas changé. Toujours aussi belle, brune et ambitieuse. Je suis vraiment fière de l'avoir pour mère.
Malgré tous les événements par lesquels elle est passée, elle en est toujours ressortie plus forte. Mon père lui est carrément sorti de ma vie. Depuis que j'ai appris qu'il a trompé ma mère, je l'ai renié. Comment a-t-il pu aller voir ailleurs quand sa propre femme attendait un enfant de lui ?
Résultat , il est parti avec cette stupide femme rencontrée lors d'une de ses affaires de justice et ma mère a fait une fausse couche à cause d'une dépression causée par mon géniteur.
C'est pour ça que je suis réticente avec les hommes ou que du moins j'ai du mal avec les relations d'un soir. Je veux d'une relation sérieuse sur laquelle je peux me reposer entièrement.
Mais là n'est pas la question. Ma vie actuelle me convient même si je sais qu'un homme à mes côtés ne serait pas de trop. Attablée face à moi sur la terrasse d'un petit café, ma mère me sourit et repose son téléphone dans son sac après avoir passé presque toute la matinée dessus. A-t-elle rencontré quelqu'un ?
- Donc tu as été prise ? Me demande ma mère en évoquant mon nouveau travail.
- Oui, je me redresse, fière de moi.
Elle me sourit et remet une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Malgré l'âge, je ne peux m'empêcher de la trouver encore belle. Qui ne rêverait pas d'une femme comme elle ? C'est sûr que moi personne ne me trouvera aussi jolie qu'elle. Ma maternelle est dotée d'un charme naturel, chose qui n'est vraiment pas donnée à tout le monde.
- Et tu as eu ton nouveau bureau ? Ton patron est sympa ?
À sa simple évocation, je sens mes joues chauffer. Comment j'ai pu osé danser devant lui ?
- Il est plus grand que le précédent, plus jeune aussi mais pas des plus agréable...et puis il est assez têtu quand il veut.
- Tu m'as dit qu'il s'appelait comment ? Elle m'interrompt et sort son téléphone à nouveau.
- Carter Liam mais pourquoi tu me demandes ça ?
Elle pianote sur son téléphone et fait défiler des photos devant ses yeux. Elle relève les yeux vers moi, les yeux sortant presque de leurs orbites.
- Il est vraiment très beau, elle semble bégayer sûrement parce que son charme a opéré sur elle même à travers une photographie.
Elle me tend son appareil et mes yeux se posent sur cette dernière. Oh merde alors. Les mains dans les poches de son costume, il semble que ce cliché ait été pris alors qu'il entrait dans le bâtiment de son entreprise.
Il est super mignon là-dessus.
Et puis il a sa propre page Wikipedia ?
- Maman, je soupire, même si je sais qu'elle a raison et lui rends son mobile.
- Ne me dis pas que tu ne le trouves pas beau parce que je ne te croirais pas, elle plaque ses mains sur la table. C'est complètement ton type d'homme !
- Et quel est mon type d'homme ? Je l'interroge, étonnée qu'elle puisse le savoir mieux que moi.
Je ne savais même pas que j'avais un type d'homme. Mes petits copains ne se sont jamais vraiment ressemblés.
- Sexy, détaché de tout, elle évoque rêveuse, et si j'en crois la description que tu m'as faite, il est moralement comme toi.
- Tu es en train de dire que je suis conne ? Je grimace et fait signe à un serveur.
- Non je suis en train de dire que comme lui, tu es têtue et tu veux toujours avoir raison.
- Eh ! Je ne suis pas têtue ! Je dis la vérité il ..
- Tu vois, elle croise ses bras et je me renfrogne lorsque je comprends qu'elle avait raison encore. Je connais ma fille quand même. Et puis, peut-être qu'il n'est comme ça qu'avec ses employés, elle hausse les épaules.
- Même si il m'attire peut-être un peu, je l'arrête alors qu'elle essaie de parler, il reste le patron le plus désagréable du monde.
Ma mère me fait la moue déçue. Je sais qu'elle veut que je me trouve un homme, que je me pose avec lui mais je ne compte pas choisir n'importe quel mec.
Le serveur arrive et nous demande ce que nous choisissons.
- Deux cafés avec deux sucres pour moi, lui indique ma mère.
- Et vous mademoiselle ? Me demande le serveur. Combien de sucres ?
Un sourire s'installe sur mon visage alors que je repense au café que j'ai du préparer pour Monsieur Carter toute cette semaine.
Stupide patron qui reste tout le temps dans ma tête.
- Un sucre s'il vous plaît.
Il note et part sans doute préparer nos cafés.
- Pourquoi tu souriais comme une débile quand il t'a demandé combien tu voulais de
sucres ? M'interroge ma mère en ramenant ses deux mains devant elle.
- Pour rien, je secoue la tête. Ça m'a juste fait pensé à quelque chose.
Nous finissons nos cafés mais prenons le temps de nous prélasser au soleil sur la terrasse du bar. Le ciel commence à se couvrir mais je ne bouge pas contente d'avoir enfin un peu de repos.
- Bon on va aller te chercher de nouveaux vêtements un peu moins...sages ! S'exclame ma mère.
- Hein ?
- Tu t'habilles trop dans les règles. Toujours en tailleur et ce depuis ton premier emploi. Brise un peu les règles, crée ton propre chemin, démarque toi. Et puis, si ça peut te rendre encore plus jolie...
- Je n'ai pas besoin de nouveaux vêtements maman. Mes tailleurs me conviennent très bien.
- Ils sont vieux June. Il te faut quelque chose de plus actuel. Et de plus « femme indépendante et sexy ».
Voyant son sourire s'étirant sur ses lèvres, je soupire et m'étends sur la chaise.
- C'est bien ce que je pensais. Allez on y va !
*
Elle m'a fait faire les boutiques pendant trois heures.
Trois heures.!!
Ce n'est pas humain de tenir aussi longtemps dans des magasins. Ma mère est bien contente, elle a réussi à me faire acheter une jupe noir près du corps encore plus que celle de mon tailleur. Et elle ne s'est pas gênée pour acheter deux ou trois robes très simples mais qui ont coûté plus que mon précédent salaire. Ma mère ne le cache pas elle gagne assez bien sa vie et bien que je refuse souvent qu'elle me donne de cet argent , me faire plaisir avec ces vêtements est sa manière de me montrer que si j'ai besoin de quelque chose elle est là. Mais rien n'empêche que je préfère quand même les pantalons mais je vais faire un effort juste pour lui faire plaisir.
Peut-être un peu aussi pour voir la réaction de l'Apollon.
*
Le week-end est passé très rapidement et je suis déjà de retour au bureau. Comme d'habitude, je passe les agents de sécurité et me rends à l'ascenseur.
Les bras chargés de dossiers que j'ai tenu à travailler ce week-end, je salue Joy à l'entrée et continue mon chemin malgré les classeurs qui m'empêchent une vue correcte et mes talons qui me font un mal de chien.
Un pied l'un devant l'autre, je réussis tout de même à me cogner contre quelqu'un , un téléphone de grande valeur atterrissant à mes pieds.
Oh. Ma vie est finie. Je n'aurais jamais assez de mon salaire pour rembourser un écran cassé ou autre.
Quelqu'un jure devant moi et malgré mes excuses, les mots fusent.
- Je suis vraiment désolée ! Je balbutie et tente de me pencher pour reprendre l'appareil mais pas facile sur des talons et en robe.
Une main masculine s'empare du téléphone avant que je n'ai pu le faire et se redresse en me regardant les yeux dans les yeux.
Des yeux noisettes. Déstabilisant. C'est le mot.
____
Point de vue Liam
J'ai toujours trouvé qu'une femme sur des talons était élégant. Mais là c'est plus ridicule qu'autre chose. Sans faire tomber ses gros dossiers qui m'empêchent d'apercevoir son visage la jeune femme se dandine comme elle peut pour récupérer ce qu'il peut rester de mon téléphone acheté le mois dernier. Sa robe, noire et remontant légèrement au-dessus des genoux essaie de se faire la malle malgré les tentatives de la femme aux jambes fuselées pour la garder le plus bas possible.
Tout en me baissant pour ramasser mon mobile je secoue la tête. Je n'aime pas les femmes provocantes et encore moins mes employées sur leur lieu de travail.
Mes yeux parcourent le corps charmeur de la femme à la robe noire et je me surprends à déglutir lorsque je croise ses beaux yeux. Elle a l'air tout sauf à l'aise dans cette tenue qui lui va tout de même très bien. En fin de compte, elle ne se veut provocante et semble juste vouloir changer de vêtements au plus vite.
- Bonjour, je ne trouve qu'à dire.
- Bonjour, elle replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Je suis désolée pour votre téléphone. Je vais vous rembou ..
- C'est bon vous en avez assez fait je crois, je réponds, tout de même énervé.
Le temps d'un instant nos doigts se frôlent et un frisson m'envahit. Ma peau n'a jamais été dans un déni si profond.
Pourquoi a-t-elle enlevé sa main de la mienne si rapidement ?
- Il a une éraflure, elle se mord la lèvre et je mords la mienne pour ne pas franchir la limite, là devant tout le monde.
- C'est bon je vous dis. Je ne vais pas vous demander de payer ce téléphone. Même en un an de salaire vous ne pourriez pas le réparer.
- Je vais retourner travailler alors.
Je hoche la tête et la regarde partir. Quelques minutes plus tard je me décide enfin à prendre l'ascenseur.
J'ai peut-être été un peu trop sévère sur ce coup là. Et puis, elle avait l'air vraiment désolée. Tout ce que j'ai trouvé à faire, c'est la blesser.
Non, je ne dois rien regretter. Il faut être intransigeant avec ses employés et que cette Mademoiselle Miller m'attire ne doit pas m'enlever ça de la tête définitivement pas.
Dans ma poche, mon téléphone désormais éraflé vibre et je le tire le visage plus détendu.
- Allô papa ?
- Bonjour fiston, sa voix enjouée me rends soudainement plus calme, comment vas-tu ?
- Bien et toi ? Je suis juste un peu fatigué par le travail.
- Je vais bien. Est-ce que ça te dit qu'on déjeune ensemble ce midi ? Ça pourrait te faire sortir un peu de ton bureau.
- Ça me va.
- On se retrouve devant ton bâtiment. À tout à l'heure fiston.
Je raccroche à sa dernière phrase et balance mon mobile sur le petit canapé de mon bureau une fois la porte fermée.
Bien, j'ai donc plusieurs points à régler parmi tous les dossiers urgents. Mais le premier est bien la jolie blonde du bureau d'à côté.
____
Point de vue June
Il est midi et je viens de prendre ma pause. J'ai beaucoup travaillé ce matin sur le prochain numéro du magazine qui sortira à la fin de la semaine. Mais malheureusement pour moi je n'ai pas cessé de penser à l'homme qui se trouve dans le bureau d'à côté. Je vais finir par devenir folle.
Et ça me fait peur.
D'abord effrayé par son animosité à mon égard, je suis restée patraque pendant une bonne heure, la tête comme un ballon. Mais la colère est vite revenue et ses mots sont venus s'introduire dans mes pensées.
"Même en un an de salaire vous ne pourriez pas le réparer."
Je prends mon sac et sors de mon bureau. Attendant l'ascenseur, je vérifie mon téléphone en même temps. L'appareil est là. Je m'engouffre dedans et appuie sur le bouton du rez-de-chaussée. Le trajet terminé, je sors de l'engin et me rends devant le building.
Il y a beaucoup de monde dehors et on peut entendre des voitures klaxonner. Je regarde ma montre. Ça fait cinq minutes que ma mère était censée venir à ma rencontre. Je croise les bras et tape du pied. C'est une des seules choses que je peux lui reprocher : son absence de ponctualité.
- Vous attendez quelqu'un ?
Je soupire et tente de reprendre ma contenance. De toutes les personnes qui travaillent ici, il a fallu que ça ne soit lui qui vienne à ma rencontre. Debout à ma droite, les bras croisés contre son torse, mon patron observe la rue des lunettes de soleil Ray-Ban sur le nez.
- Oui et j'imagine que vous aussi, je réponds simplement, la voix tranchante.
- Correct.
Il y a un petit moment de silence qui rend la situation gênante.
- Mon père.
- Pardon ? Je fronce les sourcils et croise les bras.
- C'est mon père que j'attends.
- Et moi ma mère.
Naturellement même s'il parait crispé, son sourire me parvient et je lève les yeux au ciel. Comment peut-il me sourire après m'avoir blessée comme il l'a fait ?
Soudainement des pas retentissent à ma gauche et un homme déboule devant nous, des lunettes de soleil identiques à celle de mon patron sur le nez. Lorsqu'il les relève, leur ressemblance me frappe. Comment j'ai pu ne pas reconnaitre le visage de l'homme en photographie partout dans le hall de l'entreprise ? C'est le père de mon patron et certainement l'ancien propriétaire du bâtiment.
- Bonjour, désolé pour le retard fiston.
Quand ses mots quittent sa bouche, il passe une main dans ses cheveux grisonnants et me salue poliment.
- Bonjour Mademoiselle ..
- Miller. Je suis la secrétaire de rédaction de votre fils, je lui explique et il hoche la tête tout en jetant un regard à son fils à mes côtés.
- D'accord. Vous déjeunez avec nous ?
- Non elle ne fait qu'attendre sa mère.
Et bien merci pour ce rejet immédiat. Même si j'admets que je ne me jetterai pas dans leurs bras pour manger avec eux , qu'il m'éjecte comme il vient de le faire me blesse de plus belle. Se rend-t-il au moins compte de ce qu'il dit ?
- Oui d'ailleurs elle est en retard de ..
- Désolée pour le retard ma chérie, il y avait beaucoup de bouchons ! S'exclame une voix féminine derrière nous.
Nous nous tournons pour la regarder. Ma mère paraît d'abord étonnée puis nerveuse lorsqu'elle pose son regard sur mon patron et son père. L'interrogation apparaît dans ses yeux quand elle ancre ses yeux dans les miens. Je ne saurais dire ce qu'il se passe mais visiblement ma mère est plutôt mal à l'aise.
- Maman, je te présente mon patron Monsieur Carter ainsi que son père.
- Pardon ?
Le père de mon employeur se gratte la gorge et tend sa main à ma maternelle, toujours aussi troublée.
- Ravie de vous rencontrer, Jacques.
- Moi de même, elle lui répond, la voix tremblotante, Julie.
Un silence inconfortable vient envahir l'espace et je me retrouve à regarder mes pieds.
- Est-ce que cela vous plairait de manger avec mon fils et moi-même ? Finit par demander le père de mon supérieur.
- Papa tu dois les déranger, insiste son fiston et je comprends qu'il ne veut pas de nous à sa table.
Bizarrement sa froideur ne me dérange pas plus que ça en ce qui concerne l'idée de ce déjeuner.
- C'est très gentil mais ..
- Nous acceptons, lance ma mère, m'interrompant.
Je tourne ma tête vers elle et lui lance un regard noir. Elle me sourit timidement certainement contente d'avoir réussi son coup.