Ah oui je suis juste à l'essaie pour l'instant.
Non sans avoir envie de me taper la tête contre mon bureau, je sors de la pièce et pars à la recherche d'une salle de repos ou d'un distributeur qui pourrait trainer dans les parages. Aucune porte n'indique une quelconque salle pour les employés, aucune grosse machine à distribution express ne pointe le bout de son nez.
Hors de question que je sorte de ce bâtiment pour aller dans un Starbucks !
Après plusieurs minutes, je trouve enfin mon précieux et entre dans la pièce regorgeant d'employés tous attablés, leurs cafés dans une main, le magazine de la firme dans l'autre. Devant la machine à café, je saisis un gobelet et le remplir d'un café noir sans oublier de prendre un sachet de sucre pour le plus sympa des patrons du monde - ironie quand tu nous tiens ...
De retour dans le couloir, je fais attention pour ne pas renverser ce qui va très certainement me valoir des ampoules aux pieds. Devant la porte de l'homme qui m'a fait passer mon entretient il y a à peine une demi-heure, je toque et fais deux pas brusquement en arrière quand la poignée s'abaisse quelques secondes après me laissant pleine vue sur le brun responsable de la suite de mon travail dans cette entreprise.
Des lunettes de vue sur son nez commun, il hausse un sourcil et me fait signe de le suivre jusqu'au bureau au centre de la pièce. Il retrouve sa place sur son fauteuil en cuir pendant que je m'occupe de déposer simplement le gobelet en veillant juste à ne pas tâcher les documents. Sans remerciement ni mouvement de tête, il attrape la boisson et boit une gorgée avant de reprendre le cours de son travail.
J'ai envie de le frapper. Je sais que je ne suis pas importante, certes. Mais il se prend pour qui ? Je ne suis pas son esclave tout de même.
Heureusement ou malheureusement pour moi, ça n'est pas dans mes habitudes de me laisser faire. Qu'on puisse être froid passe encore mais impoli, je ne tolère pas.
Malgré tout, je tente de rester sage et croise les bras toujours devant son bureau. Quand il s'aperçoit que je suis toujours là, il soupire et enlève ses lunettes noires.
- Un problème Mademoiselle ?
Zen June, zen.
- Non, aucun, je serre la mâchoire.
- Alors retournez à votre travail de secrétaire.
Troublée et encore trop en colère, je fais demi-tour et sors rapidement du bureau pour retourner dans le mien.
Bordel mais qu'est-ce j'ai fait de demander un entretient ici ?
*****
Il est enfin treize heures et je peux me détendre. J'ai passé la matinée à faire des aller-retour entre le bureau du patron et la salle d'impression à sa demande. Chaque fois que Monsieur Carter demandait une photocopie, je m'exécutais malgré ma profonde colère. Je n'ai vraiment pas aimé sa façon de me parler. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter d'être traitée comme ça ? Est-ce que je lui rappelle quelqu'un qu'il n'aime pas ?
Mmmm enfin, ça n'a pas d'importance puisque je suis enfin en pause. Comme prévu avec Joy, j'enfile ma veste de tailleur pour aller la retrouver elle et ses collègues qu'elle compte me présenter.
Lorsque j'arrive devant l'entrée de l'entreprise, mes yeux fouillent la rue bondée de monde mais pas de Joy en vue. J'en profite pour répondre aux messages de ma mère, la seule personne qui m'envoie des messages pour être honnête. Marine m'en envoyait aussi beaucoup. Pas une heure ne passait sans qu'elle ne m'envoie un émoticone. Aujourd'hui, c'est moi qui en envoie un quand je peux, juste pour voir son visage dans mes messages récents, une façon pour moi de la garder près de moi.
- Désolée pour le retard, on s'est tous changés au vestiaire.
Relevant la tête de mon mobile, je croise le regard de Joy et d'une femme brune suivies par deux hommes riant aux éclats.
- June voici Abigail, Charlie et Austin.
Mes yeux divaguent sur chaque personne et je me surprends à leur sourire, malgré leurs regards insistants.
Tous les trois doivent certainement avoir entre vingt et trente ans. Abigail semble vraiment très féminine contrairement à moi qui préfère les pantalons aux robes comme la sienne malgré qu'elle soit très respectable. Ses cheveux bruns contrastent avec ceux de Austin, blonds aux yeux azurs. Charlie près de lui, possède un look très informaticien, ses lunettes carrées me rappellent les intellos des séries télévisées.
Joy attrape mon bras et c'est bras dessus bras dessous qu'elle me mène ainsi que les autres dans le petit snack dont elle m'a parlé.
L'endroit au look rétro parait très agréable et chaleureux. Abigail fait un signe à un jeune homme derrière le comptoir et s'avance dans sa direction pour lui parler pendant que nous autres nous nous rendons à une petite table dans un coin. Déposant mon sac au sol, je souris à Charlie qui m'apprend qu'Abigail travaillait ici avant d'arriver chez Carter Magazine.
- Alors comme ça, Monsieur Carter t'as prise à l'essai ? Il continue la conversation et tripote son smartphone dans ses mains.
- Oui pendant une semaine, dis-je, songeuse à propos de cette semaine qui risque d'être plus compliquée que prévue.
Comment vais-je faire pour rester neutre devant lui alors que c'est limite si je n'ai pas voulu l'insulter trois heures plus tôt ?
Joy jette un oeil à la brune toujours accoudé au comptoir avant de retourner sa tête dans notre direction. Austin lui lève les yeux au ciel en regardant le sourire charmeur que le serveur lance à son amie comme jaloux.
- Tu faisais quoi dans la vie avant ?
- J'étais secrétaire de rédaction au NYC Paper.
- Wahou ça doit faire bizarre de passer d'un petit journal à une grande entreprise comme celle de Carter, Joy me confie et j'acquiesce.
- Mais tu as démissionné ou ...
- Ils m'ont viré, je ne perds pas de temps et leur avoue baissant la tête.
- Pourquoi ? M'interroge Austin, de nouveau dans la conversation.
- Arrêtez de l'embêter avec vos questions, râle Charlie et je lui souris pour lui montrer que je n'y vois pas de problème.
- Ma meilleure amie est décédée il y a quelques mois donc... je n'étais plus trop en forme, je pince mes lèvres. Ils en ont profité pour me dégager de l'entreprise.
Pour changer la conversation, Joy nous propose de nous échanger nos numéros et nous acquiesçons joyeusement tandis qu'Abigail s'installe à la table.
Après un succulent repas rythmé par nos discussions autour de nos vies respectives, nous repartons au boulot puisqu'il est déjà treize heures quarante. Joy et Abigail parlent devant moi, les garçons traînent derrière pendant que j'observe les environs. Je ne connaissais pas ce quartier avant de travailler ici. Disons que ce n'est pas un quartier pour les pauvres ce qui prouve l'existence de nombreux bâtiments de marques connues.
Lorsque nous entrons dans l'entreprise, le même agent de sécurité de ce matin nous fouille et nous repartons chacun de notre côté.
Je pars me poster devant l'ascenseur et sors mon téléphone de la poche de ma veste de tailleur. Après tout je suis toujours en pause.
Reçu aujourd'hui à 13h43 : Si tu as besoin de parler, compte sur nous. Austin .
Je souris devant mon mobile et lui réponds avant de m'engouffrer dans l'appareil.
Encore quelques heures et je pourrais rejoindre ma mère.
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Point de vue Liam
Dans mon bureau à rien faire, je soupire et regarde l'écran de mon ordinateur qui affiche désormais treize heures cinquante-quatre. J'ai mangé il y a vingt minutes, un simple sandwich et maintenant je m'ennuie encore. Comme d'habitude, je mange seul malgré le fait que mon père m'encourage à aller vers mes employés. Mais que voulez-vous ? Un patron fait certainement peur à ses employés. Et puis, je ne suis pas très sociable et ce depuis plusieurs années déjà. Le seul et unique vrai ami à mes côtés est Tyler et disons que sa petite famille ainsi que son travail l'occupe déjà bien trop.
Je me lève de mon siège et avance vers les baies vitrés pour contempler la vue de New York. C'est bien pour ça que j'ai choisi ce bureau. La vue était trop magnifique pour passer à côté. Mon père avait fait installé ce bureau de l'autre côté du bâtiment et je n'ai jamais compris pourquoi. Aussi dès que j'avais eu l'occasion, je l'avais fait déplacé de ce côté donnant sur l'entrée de l'entreprise. Et un seul mot convient pour cette vue : époustouflant.
En évoquant à ce mot, le visage de la petite nouvelle me revient en mémoire. Même si plus tôt dans la matinée je n'avais pas hésité à la prendre à l'essai pour son ancien travail excellent, je ne cache pas qu'elle m'a tout de même étonné. Qui aurait cru qu'une si petite femme puisse avoir autant de courage en elle ?
Bien que son ton et ses propos m'aient aussi poussé à jouer au crétin avec elle, je ne peux qu'être content de l'avoir déniché parmi toutes les interviews qu'avait prévu cet idiot de directeur des ressources humaines. Non mais qui proposerait une ancienne barmaid à un poste aussi influent que celui de secrétaire de rédaction ?
Bien que son courage m'ait étonné, ce n'est pas la seule chose que je parviens à retenir de nos courtes entrevues de la matinée. Ce petit bout de femme ne sort pas de ma tête depuis plusieurs heures même si j'essaie de toutes mes forces. Son joli visage, ses beaux cheveux blonds, ses yeux bleus profonds, ses magnifiques courbes. Tout me reste en tête sans que je n'arrive à l'en faire sortir .
Ouais, elle m'a marqué en seulement quelques heures physiquement parlant. Elle ressemble à ses sublimes créatures que tous les hommes rêvent de côtoyer et même plus.
Merde j'ai l'impression d'être un adolescent de seize ans enfermé dans le corps d'un homme de trente-deux ans ! Alors que je rejoins ma chaise et m'y assois, la porte voisine à la mienne s'ouvre et je reconnais les talons de la belle blonde de ce matin.
Elle est de retour.
Et c'est l'heure pour moi de la déranger. Qui a dit que c'était mal de tester les limites de quelqu'un ?
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Point de vue June
Pour ne pas réveiller l'affreux patron de mes cauchemars, je referme délicatement la porte de mon minuscule bureau. J'ai passé un agréable déjeuner, je n'ai pas envie que l'après-midi gâche tout. Sans bruit, je dépose mon sac à mes pieds et m'installe mollement sur la chaise dont le dossier explose mon dos. Je vais finir avec un mal de dos énorme à la fin de cette semaine.
Tandis que mon ordinateur se rallume, on frappe à la porte et je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que mon voisin de bureau entre la main sur la poignée, une autre dans la poche de son costume.
- Je peux vous aider ? J'ose parler après avoir passé plus de deux heures à éviter une quelconque conversation ce matin.
Ne te laisse pas avoir June. Ne laisse pas ses beaux yeux te transpercer.
- Oui vous pouvez, il affirme et je suis simplement heureuse de servir à quelque chose.
Au moins il a l'air d'avoir besoin de mon aide et je me dis que mon travail ne doit pas lui déplaire.
- J'ai besoin qu'à partir d'aujourd'hui, vous m'apportiez mon café et qu'il soit sur mon bureau à neuf heures tapantes.
Mon sourire se fane et je fronce les sourcils.
- Pardon ? Mais je ne commence qu'à neuf heures trente le matin.
- Et bien, commence t-il avec un sourire malicieux et je déglutis, il semblerait que vous viendrez à neuf heures exprès pour moi Mademoiselle Miller.
D'une démarche assurée, il fait deux pas en arrière et repart comme il est arrivé. Mon cœur menace de traverser ma poitrine pour aller lui-même l'étrangler. Comment vais-je faire pour me contenir s'il ne cesse de me provoquer comme il le fait ?