Ma vie sans toi
img img Ma vie sans toi img Chapitre 5 No.5
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Chapitre 5 No.5

II

Mon ami

Décembre 1996

- Bonjour Monsieur. Sophie Horteaux, c'est moi qui suis en charge de vous interviewer pour la construction du nouveau journal.

- Très bien madame, enchanté ! répond-il en la suivant jusqu'à son bureau. Oh, je suis reçu avec des viennoiseries ? C'est sympa.

- On traite toujours bien les personnes avec qui on va bosser. Surtout celles qui vont nous construire un nouveau petit paradis pour un meilleur confort !

Sophie lui fait signe de s'asseoir. Elle lui apporte une desserte à roulettes sur laquelle se trouve une tasse de café accompagnée de mini chaussons aux pommes et de pains aux raisins. Elle s'installe, à son tour, en face de son interlocuteur. Elle soulève ses longs et lourds cheveux bruns et les enroule pour former un chignon qu'elle fixe naturellement avec un crayon à papier parfaitement taillé. Elle ajuste ses lunettes à monture rouge avant de prendre son calepin en cuir et son stylo plume. Elle pose sur la table un dictaphone qu'elle active avant de commencer l'interview.

- Alors, rassurez-vous monsieur, je vais vous enregistrer mais ce n'est pas comme au poste de police, c'est juste un outil pour pallier les détails que je n'aurais pas notés. Alors, vous avez été récemment désigné comme architecte pour la réalisation des nouveaux locaux du journal catalan. Comment avez-vous été retenu par les commanditaires ?

- Écoutez, peut-être ai-je eu la chance d'avoir très peu de concurrence ?

- Jeune architecte de seulement vingt-trois ans, jeune premier et modeste ?

- Non, je pense simplement que j'ai toujours eu une bonne étoile. Je suis devenu architecte DPLG, diplômé par le gouvernement à ma sortie de l'ENS d'Architecture, il y a cinq mois. Sans prendre de vacances, j'ai enchaîné mon stage de fin d'études avec un petit CDI, puis d'une relation à une autre, j'ai eu la chance d'intégrer Archis Perp, une boîte de jeunes archis libéraux à Perpignan dont la co-créatrice était une de mes professeures à Nantes. La taille de l'agence n'excède pas cinq salariés, secrétaire comprise. J'ai toujours travaillé de manière autonome en apprenant les implications concrètes de la création au suivi de projet et de chantier, et aussi de la gestion d'entreprise, essentiellement dans le cadre de projets de réhabilitation en site occupé. Et voilà, on m'a immédiatement confié ce projet d'envergure.

- Pouvez-vous me l'expliquer ?

- Il s'étendra sur cinq cent cinquante mètres carrés et sera réalisé en pensant à l'avenir. Un projet futuriste, pas tant au niveau architectural mais au niveau environnemental. Aujourd'hui, il y a quelques prémices et quelques ébauches d'articles qui nous sensibilisent à la protection de l'environnement. Mais c'est l'avenir tout proche, celui du nouveau millénaire ! D'ici à peine dix ans, je suis sûr que nous serons contraints par des normes drastiques pour préserver l'environnement, alors autant y penser dès aujourd'hui !

- Comment ça ? Votre projet a conquis pour son côté environnemental futuriste ?

- Tout à fait, oui, avec une orientation plein sud, une toiture végétalisée, une ventilation naturelle pour une utilisation de la climatisation uniquement en cas de canicule, une isolation extérieure du bâtiment... en bref de nouveaux dispositifs qui permettront des économies énergétiques de fonctionnement qui sont estimées à dix mille francs par an

Sophie est fascinée par un tel charisme à un si jeune âge, un tel langage et un tel engagement pour la cause environnementale. Elle prend activement note et s'imprègne de toute la passion que ce jeune architecte dégage lorsqu'il évoque les idées de son projet. Il tapote ses poches. Il jette un vaste coup d'œil qui balaye la pièce, et sans trouver ce dont il a besoin, il se lève soudainement et se dirige vers Sophie.

- Vous permettez ? Je suis venu les mains vides, excusez-moi, juste une seconde.

Sous le regard ahuri de Sophie qui effectue un léger mouvement de recul, il se permet d'arracher une feuille blanche du calepin de Sophie et de retirer le crayon gris de son chignon.

- Mon dossier de présentation se trouve dans le bureau de votre direction mais je vais vous montrer vos futurs locaux. J'ai toujours besoin de schématiser avec un crayon et un papier pour mieux expliquer.

Sans s'excuser une seconde de s'être introduit dans la zone intime interpersonnelle de Sophie, il se met à dessiner l'esquisse du bâtiment en détaillant les dispositifs astucieux favorisant la protection de l'environnement. Sophie ne prend plus de note, subjuguée par tant de talents, elle l'observe et l'écoute. Le projet lui paraît si bien ficelé et tellement bien pensé qu'elle se demande si elle sera à la hauteur pour le retranscrire comme il se doit, mais sa collègue Béatrice, frappe à la porte, ouvre et les interrompt.

- Sophie, excuse-moi, c'est 15 h, on t'attend pour le départ, pour le collège !

- Le collège ? Ah oui, put... pardon. J'arrive, Béa. Excusez-moi, mais je dois filer, je dois couvrir un forum d'emplois pour le collège.

- Ah, c'est ma faute, je suis arrivé en retard et puis je suis bavard, alors le temps passe trop vite ! Mais bon, écoutez, normalement vous savez tout, et puis vous avez les schémas en bonus.

- C'était vraiment super. S'il me manque des éléments, je vous recontacte mais je pense que j'en ai assez. Je vous rédige ça très vite. Vous avez un fax ?

- Mieux que ça, j'ai un email : hotmail

- Je suis impressionnée. Vous êtes à la page.

- Même si je ne suis pas journaliste, je sais vivre avec mon temps, rétorque-t-il en lui donnantsa carte de visite.

Il la regarde de façon plus insistante, et le temps d'une seconde, il reprend la page d'esquisses pour y inscrire, en bas à droite, son email personnel, telle une signature. Il la regarde à nouveau et lui tend la feuille et le crayon à papier, le tout accompagné d'un grand sourire. Elle lui sourit timidement, plie le papier, l'insère dans son bloc-notes et se rattache les cheveux.

- Merci et à bientôt.

- Merci à vous !

Il est 22 h 14, lorsque Sophie, chez elle, confortablement vêtue d'un pyjama difforme à carreaux jaunes et chaussée de pantoufles mules en velours gris brodées du portrait de Titi, le petit canari de Looney Tunes, termine son article sur son Windows 95et l'enregistre sur la disquette. Elle lance alors la connexion avec un modem 56K et se lève pour prendre son paquet de Lucky Strikeaffichant, sur le dessus, une jolie pin-up rétro américaine des années 60. Au rythme du son saccadé et strident de la connexion internet, tels des cris provenant tout droit d'extraterrestres en détresse, elle fume tranquillement quelques bouffées de nicotine. Elle regarde à travers le carreau, le ciel est noir et étoilé, ce soir c'est la nouvelle lune. Ça y est, la mélodie hachurée cesse enfin, elle pose sa demi-cigarette dans le cendrier, sur le rebord de la fenêtre et va ouvrir sa messagerie électronique. Le temps que la page internet s'affiche en intégralité, elle termine sa cigarette. Elle prend la carte professionnelle que le jeune architecte lui a transmise pour entrer ses coordonnées électroniques professionnelles puis s'arrête un instant. Elle déplie alors la feuille blanche de son calepin sur laquelle il avait griffonné les croquis du bâtiment à venir. Son regard se positionne en bas, à droite. Elle décide d'entrer son hotmailpersonnel afin de lui envoyer la proposition d'article. Habituellement, Sophie ne mélange jamais le professionnel et le personnel, elle scinde toujours les deux mondes. Elle a cette capacité de pouvoir s'adapter à un univers, puis de s'intégrer rapidement avec aisance à une autre sphère. Mais ce soir-là, comme pour faire exception à ses habitudes de vie, elle rédige depuis sa boîte mail personnelle : « Bonsoir, je viens de finir l'article, et comme convenu, le voici en pièce jointe. Bien cordialement, Sophie Horteaux », et clique sur envoyer. Elle sort de l'espace bureau et va faire sa toilette du soir. Les dents soigneusement lavées et le visage débarbouillé au gant de toilette, elle s'apprête à passer sa crème de nuit sur le visage quand elle entend un bip provenant de son PC. En s'approchant de l'écran, elle remarque qu'une réponse est affichée : « Merci pour votre promptitude, je m'empresse de le lire sur le champ. Bien à vous. M.C». Impressionnée par la rapidité de cette réponse, elle se hâte de rédiger : « Eh bien, je vous retourne le compliment pour ce qui est de la promptitude. Quelle rapidité ! Nous ne sommes pas sur ICQet pourtant nos échanges sont aussi rapides ». C'est en lui répondant spontanément cela que Sophie a l'idée d'ouvrir ICQ, la toute nouvelle messagerie instantanée qui offre la possibilité de communiquer en temps réel. Après tout, elle tente de l'inviter à communiquer en direct « s'il sait vraiment vivre avec son temps », pense-t-elle amusée. Connectée à la messagerie instantanée, elle entre ses identifiants et son mot de passe et, incroyable, elle constate, stupéfaite, qu'il a déjà effectué une demande d'ajout en l'invitant à discuter. Elle sourit et clique sur accepter. Le message suivant s'affiche : « J'en étais sûr : vous aussi vous avez déjà ICQ! Il n'y a pas que moi qui suis à la page, Madame Horteaux ! ». Réjouie et amusée, elle soupire d'exaltation et se hâte de lui répondre. Elle a bien fait d'essayer cette toute dernière technologie. C'est fou de pouvoir écrire en temps réel à une personne loin de soi à travers des écrans. Il est son premier et son seul contact sur ICQ.Cette soirée est la première d'une longue série qui va marquer le début des quatre prochaines années. C'est le début d'une belle rencontre, d'une évidence, d'une complicité, d'une connivence, à travers des connexions, des rires, des tchats. Sans savoir pourquoi, dès le lendemain, elle propose à sa patronne la réalisation d'un support de communication décrivant le projet architectural du futur bâtiment du journal. Cela nécessitera naturellement sa présence aux réunions de chantiers hebdomadaires sur un an. Jeanne, directrice et ancêtre du journal, enthousiaste à chaque nouvelle proposition intéressante, valide l'idée en moins de cinq secondes ! Sophie va suivre intensément ce chantier durant quelques mois pour produire une plaquette promotionnelle. Cela va étendre son champ de compétences, au départ rédactionnel, elle va s'essayer à la mise en page éditoriale. De l'information, elle va tenter tout doucement d'accéder, en autodidacte, aux marches de la communication. Quel bonheur ce nouveau projet à venir pour l'année 1997. Il occupe toutes les discussions de cette fin d'année 1996, rapprochant ainsi le jeune architecte de toute l'équipe du journal.

                         

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