Ma vie sans toi
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Chapitre 4 No.4

Lui, c'est Colin. Le plus antagoniste des jeunes hommes : si jeune avec un langage si soutenu, presque impeccable ; si doux et imberbe et pourtant si viril à travers sa poigne et sa détermination ; si mystérieux et ténébreux au premier abord, pour très vite se montrer si romantique en exprimant aisément et sans filtre ses sentiments ; si mature avec une ouverture d'esprit hors pair et à la fois si enfantin, n'ayant aucune honte à faire la roue sur le sable lors d'un premier « date ». Élevé dans la paix et l'amour d'un couple équilibré, il se sent libre d'être ce qu'il est.

Tolérant, il se fiche des jugements et il va droit au but lorsqu'il veut quelque chose. Musicien, batteur de rock, il assume facétieusement sa part de yin.

Cette rencontre fulgurante et naturelle donne, très tôt, naissance à un amour qui s'épanouit aisément et se solidifie au fil des jours. Deux mois viennent déjà de s'écouler. Ces soixante-neuf jours de complicité hors norme, vécus dans une totale évidence, sont passés aussi vite qu'un camion-toupie peut déverser, en soixante-neuf secondes, des tonnes et des tonnes de béton brut sur un gros chantier.

Le soir du 15 août, à la place Maillol, au cœur de la station balnéaire, quatre groupes de rock enchaînent leur set et jouent leurs propres morceaux devant un parterre de touristes saupoudré de quelques locaux, amis et familles, venus les soutenir. Il est 22 h 30 quand Roxane, deux bières à la main, fend la foule pour rejoindre Marion qui fait des photos et des vidéos de la scène. Elle mitraille, avec béatitude, Colin qui se déchaîne derrière ses fûts.

- Hello meuf. T'es repassée par chez ton oncle ? Ou t'es venue direct après le taf ?

- Non. Pas l'temps. Je me suis douchée au poste et j'ai pris des burgers chez Jo. J'ai mangé avec Colin entre deux balances et me voilà, je fais les photos et les vidéos de son concert. C'est sympa hein ?

- Pfff, heureusement que je t'ai pour moi la journée de taf. Parce que le reste du temps c'est mort. C'est trop le big love avec ton p'tit jeunot depuis deux mois.

- Allez ça va, ne fais pas ta jalouse, on a pas mal traîné ensemble tout l'été quand même, t'abuses !

- Non mais allo, MDR. T'as pas trop dérangé ton oncle durant ces deux mois. Colin et toi, vous avez littéralement emménagé dans le poste 2, sérieux !

- Ahahah mais n'importe quoi, comme t'abuses ! nie Marion, avant de remarquer l'air dubitatif de Roxane et de reconnaître la vérité. Bon un peu... Bon, peut être que c'est le big big love et que je vis un conte de fées de malade ! Mais allez pour me faire pardonner, un jour, tu seras ma demoiselle d'honneur OK ?

- Chaud ! Mais j'accepte que si j'ai une big robe meringuée fuchsia avec des épaulettes à la taille de l'évènement ! D'ac ?

- Oh my god ! À la Friends ? Cap !

Le dernier morceau se termine. Les Mozsaluent le public et Colin rejoint les filles, les baguettes à main. Il embrasse avec élan sa dulcinée et salue Roxane.

- Hello, Roxane. Tu vas bien ? Tu viens d'arriver ?

- Ouais et le peu que j'ai vu, c'est grave carré !

- Merci c'est gentil. Alors Marion, ces photos ?

- J'ai pas mal de clichés. J'crois que j'ai géré. Tu veux les voir quand ?

- L'autre groupe va jouer là. Ils en ont pour une heure aussi, après je dois démonter toute ma batterie, donc pas ce soir. Demain, c'est possible ? Tu bosses comment ?

- Comme d'hab', dix heures/six heures et demie.

- Meuf, t'as pas des heures en rab ? Prends-les sinon c'est mort ! lui précise Roxane.

- Ouais, pas faux, je vais voir les plannings des tournées, mais à mon avis, de quatre à six, ça pourrait le faire.

- Cool, tu prendras tout ton matos et on verra tout ça à la maison.

- Et Colin, demain c'est pas ton anniv' en plus ? Deux heures en rab' avec ta chérie ! Tu vas le fêter au fait ? demande Roxane.

- On avait pensé à faire une grosse soirée mi-septembre pour fêter le mien, celui de Marion et la fin de la saison avec tous les saisonniers.

- C'est vrai qu'on n'a pas fêté le tien, meuf, depuis juin ! Carrément, y'a moyen de faire un bon truc en s'y prenant maintenant et faudrait demander à Théo s'il a de bons plans, se réjouit Roxane avant de siffler avec ses doigts pour accueillir le nouveau groupe de rock qui monte sur scène pour jouer le dernier set de la soirée.

Le lendemain, les deux jeunes amoureux se retrouvent chez Colin, dans la maison de ses parents. Ils s'installent derrière l'ordinateur professionnel de la mère de Colin, dans son bureau. Ses parents travaillent dans l'édition. Plus précisément, son père gère une imprimerie d'une dizaine de personnes, et sa mère exerce le métier de chargée d'édition. Ils sont équipés de deux écrans, et de divers logiciels de mise en page éditoriale et de montage de sources multimédias. Colin, insensible à tout ce domaine, se contente pour son quotidien d'utiliser un ordinateur portable des plus basiques. L'espace professionnel très confortable de ses parents paraît nettement plus familier à Marion qui, assise dans le fauteuil de bureau en cuir noir rembourré, sélectionne efficacement les photos et les vidéos du concert sur de bons écrans, sous l'œil aiguisé et perfectionniste de l'artiste.

- Nickel, ça rend bien comme ça déjà hein ? Y'a encore du taf mais on a de bonnes bases pour faire un teaser de ouf ! dit Marion en fouillant dans son sac. Je te mets tout ça sur... Bon j'ai encore oublié ma clé USB dans mon autre sac. Je te les envoie par Wetransfer?

- Attends, on doit en avoir une.

Colin ouvre un tiroir du bureau, fouille dans un pot à stylos, et en renverse le contenu, lorsqu'un trombone glisse dans une fente. Il s'aperçoit ainsi, pour la première fois, que le tiroir est à double fond. Tandis que Marion vérifie le volume de son dossier numérique, et qu'elle se demande si une clé lambda aurait la capacité de stockage suffisante pour basculer les six gigas de photos sélectionnées, Colin est entré dans une bulle. Il ne l'écoute absolument pas. Il essaie de comprendre comment accéder à ce double fond auquel il n'avait jamais fait attention avant. Il essaye de soulever le fond, de le faire glisser, mais rien ne bouge.

- Allo ? Colin ?

Colin ne répond pas. Il ne l'entend même pas. Il découvre, du bout des doigts, une discrète encoche, sur le côté gauche au fond du tiroir, dissimulée par une tige en plastique relevée. Il a l'air intrigué et très curieux.

- Mais allo Colin... tu fais flipper sérieux, il se passe quoi ? Y a genre une bestiole morte ou quoi ?

- Non. Un double fond dans ce tiroir... c'est quoi ce truc ?

- J'savais même pas que ça existait ! Voyons ? C'est chelou, tes parents planquent peut-être des trucs importants, voire illégaux ? Vas-y, on ouvre !

- Ahahah, tu te crois dans une série Netflix? rit-il en déplaçant la tige et en accédant à ce mystérieux fond de tiroir.

Mais le visage de Colin se brouille d'incompréhension car il perçoit un fond totalement vide. Rien ! Que dalle ! Mais Marion s'approche et passe sa main sur toutes les parois du fond. Elle s'enthousiasme alors de sentir le relief d'un bout de plastique rectangulaire. Quelques torsions de dos pour mieux entrevoir le tiroir et quelques torsions de doigts pour décrocher proprement l'objet, et Marion détient, entre son index et son majeur tordus, une vieille clé USB noire, avec le logoIBMbleu strié sur le capuchon. Elle est prise d'un élan de moqueries en se disant que cette antiquité, tout droit sortie du début des années 2000, sera loin de lui offrir la capacité de stockage suffisante qu'elle avait demandée, quelques instants auparavant. Tout en fronçant ses délicats sourcils bruns, Colin l'insère immédiatement dans le port USB de l'ordinateur.

- Alors ? Que nous donne cette vieillerie ? Il y a de l'espace de stockage ?

Ils découvrent un document Word intitulé« Maviesanstoi ». Surpris par cette étrange dénomination sans espace tel un mot de passe, ils s'interrogent sur la nature de ce document.

- C'est un doc' pour le boulot de tes parents ? continue-t-elle. Remarque ça m'étonnerait c'est un Word 2000. C'est peut-être un roman...

Colin reste silencieux. Les yeux rivés sur la date de création de ce document numérique 31/12/2000, il est happé par la curiosité et double-clique. Cent quatorze pages s'affichent alors sous leurs yeux : « Écrire un journal ? Pour quoi faire ? Est-ce que je le relirai ? Est-ce que quelqu'un le lira ? Peut-être. Ce n'est pas le but. Quel est le but ? Écrire pour me soulager ? Écrire pour parler de ce que je suis, ce que je ressens, d'où le mot intime ?». Marion, légèrement gênée, stoppe sa lecture et se retourne vers Colin. Ce dernier, fronçant à nouveau ses sourcils et se rapprochant un peu plus de l'écran, continue de lire quelques lignes supplémentaires : « Aujourd'hui, j'ai presque trente ans, nous sommes à la fin de 1997 et j'ai mal, mal de quoi ?». Ces mots sont tout droit sortis du cœur de la mère de Colin, des années auparavant, quelques années avant sa venue au monde. Marion lui saisit la main pour attirer gentiment son attention. Il s'interrompt.

- Quoi ?

- T'es sûr que tu veux continuer ?

- Non t'as raison ça ne se fait pas.

- Ce n'est pas ce que j'ai dit.

- Disons qu'on a toujours envie de savoir. Pourquoi elle dit qu'elle a mal ? Même si ça peut faire peur, je suis tenté de lire... Mais pas ici, mes parents ne vont pas tarder. J'enregistre le doc sur la tablette. On se retrouve au poste à 20 h, je prends des burgers chez Jo. Je remets tout en place.

Deux heures plus tard, Colin, muni de deux sacs en papier remplis de bonnes choses bien grasses, retrouve Marion au poste de secours.

- Hello boy ! Deux sacs ? Rien que ça ? T'as peur qu'on meure de faim ?

- T'as vu le nombre de pages ? On en a pour un moment !

- T'es sûr que tu ne veux pas faire ça tout seul ?

- Non, j'ai besoin de quelqu'un... En l'occurrence de toi. Ma mère te ressemble un peu en apparence, toujours pleine d'entrain, de conneries, de joie de vivre, pétillante, mais des fois, je me dis qu'elle traîne une certaine souffrance qu'elle essaye de cacher.

- T'as pas peur de ce que tu pourrais lire ? Les premières lignes sont... ont l'air... enfin, t'as envie de savoir ? Et t'as envie de partager le passé intime de ta mère ?

- C'est la femme de ma courte vie jusqu'ici, jusque toi. Alors oui, j'ai totalement confiance en toi. Il y a une évidence entre nous depuis le départ, donc non, zéro crainte.

- Oh chouchou. Quand t'es vulnérable et à la fois si sûr de toi, ça me fait te kiffer encore plus !

Elle sourit et l'embrasse tendrement. Le document s'ouvre le temps qu'ils sortent les burgers et les frites des sacs. Tous deux assis sur le lit inconfortable du début d'été, qu'ils ont transformé en nid d'amour au fil des dernières semaines, ils commencent à dévorer les burgers tout comme ils dévorent les premières lignes du journal intime de Sophie, la mère de Colin : « Moi, c'est Sophie. Aujourd'hui, j'ai presque trente ans, nous sommes à la fin de l'année 1997 et j'ai mal, mal de quoi ? Je viens de me marier, je m'éclate dans mon boulot de journaliste, je compte bien devenir rédactrice, j'ai de merveilleux amis, je fais la fiesta, je suis censée aimer la vie car, rares sont les femmes qui, comme moi, ont un mari extraordinaire : grand, beau, adorable, drôle et terriblement amoureux de moi. MOI, qui suis pourtant incapable de lui rendre cet amour depuis peu. Pourquoi je vais mal ? Personne ne pourrait le comprendre car pour comprendre il faut juste être moi et vivre ce que je vis. Une histoire inattendue dans laquelle je me suis plongée, tête baissée, sans penser au lendemain, sans anticiper les conséquences. J'ai mal ! Tellement mal. C'est pitoyable, l'amour est une sorte de folie, un désir obscur qui me tire vers ce gouffre. Il n'y pas une nuit où je ne rêve de lui, dix minutes qui ne se passent sans que je ne pense à lui, à ses mots, ses sourires, ses phrases, nos moments partagés, sa déclaration, ses baisers par milliers... son regard. Mais comment faire pour ne plus me sentir aussi anéantie ? Alors, j'écris»

            
            

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