En descendant de ma voiture je me trouve face à mon ancien délégué syndical, il regarde envieux ma voiture, mon visage bronzé, mes vêtements de marque, il n'a pas trouvé de travail, j'ai vraiment peur, il va se demander où je trouve l'argent pour avoir un niveau de vie plus élevé que lorsque je travaillais, il a de l'expérience et il va vite comprendre que tout cet étalage n'est pas honnête. Tout de suite, je lui explique que la voiture n'est pas à moi, je travaille chez un vendeur de voitures d'occasion, ce qui explique ma tenue et je lui dis que je travaille à la commission, que celle-ci m'est versée en liquide et que donc pour les autorités je suis toujours sans emploi, bref je travaille au noir et je continu de toucher mes indemnités. Le syndicaliste, tendance gauche est scandalisé par mon discours, un patron exploite un ancien au chômage pour gagner de l'argent en l'exploitant sans couverture sociale et cotisations. Je lui réponds que c'est tout ce que j'ai trouvé avant de finir à la rue, je réfléchis pour vérifier mentalement que tout est caché à mon domicile et je lui propose de monter prendre un verre. Il regarde mon whiskey de 20 ans d'âge d'un air rêveur, se sers un deuxième verre puis il me déclare :
« En arrivant, je pensais te donner une bonne nouvelle, maintenant je n'en suis plus certain, voilà, les Américains ont d'énormes problèmes de qualité de fabrication avec les Chinois, ils perdent tous leurs marchés avec les avionneurs, ces gens ont besoin d'une qualité de production irréprochable et c'est loin d'être le cas, ils manquent d'expérience, notre ancien patron leur a proposé de reprendre l'usine et la production, ils refusent de revendre le brevet et ils toucheront des dividendes, mais ils sont d'accord pour la relocalisation de l'usine et la réintégration de tout le personnel qui le souhaite, autrement dit nous avons besoin de ton expérience de chef d'atelier pour démarrer la production le plus rapidement possible, nous sommes mercredi, tu passes demain au bureau pour signer ton contrat et lundi nous reprenons la production. »
Je tombe dans mon fauteuil, je m'attendais à beaucoup de choses, mais certainement pas à reprendre mon ancienne vie et mon travail, je bafouille et je ne sais quoi répondre, je le regarde j'ai les larmes aux yeux, je lui confirme que je passe demain matin au bureau et je lui sers un autre verre pendant que j'en bois un aussi, j'ai besoin d'un remontant.
Le lendemain, je vais à l'usine à pied, je pense que ce n'est pas une bonne idée d'exposer ma voiture à tout le personnel, je retrouve les anciens, les jeunes ont trouvé du travail ou déménagé dans une autre région, tout le monde est ému et parle de ses difficultés, je ne dis rien et avec l'équipe chargée de l'entretien et de la maintenance nous faisons le tour des ateliers, tout est tel que nous l'avons laissé, reprendre la production ne présente aucune difficulté et dès lundi matin nous pourrons travailler. Le représentant syndical, pendant que je suis dans mon bureau s'approche et ferme la porte :
« Ton histoire de vente de voiture et de travail au noir, je n'y crois pas, je suis certain que tu as récupéré de l'argent d'une façon qui n'est pas nette, de toutes les façons maintenant que nous avons du travail tu n'as aucune raison de continuer, j'espère seulement que la police ne viendra pas et que la production va pouvoir démarrer normalement. »
Je ne réponds rien et j'espère comme lui que je vais pouvoir reprendre mon travail sans avoir des problèmes avec la police et la justice.
Notre production a repris avec la routine et le train-train quotidien, maintenant que je travaille je ne touche pratiquement pas aux liasses qui sont cachées un peu partout dans l'appartement, je ne peux pas les laisser comme ça et je ne peux pas les enlever, je vais acheter un coffre-fort pour tout mettre à l'intérieur en attendant de trouver mieux, certes je pourrais louer un coffre dans une banque, mais je pense, et c'est ridicule, qu'un ouvrier qui prend un coffre particulier c'est suspect.
Le samedi suivant, je passe dans une boutique spécialisée dans le matériel de sécurité et j'achète un petit coffre-fort pour protéger mon argent liquide, le vendeur m'a expliqué que c'est l'idéal pour sécuriser des bijoux ou des documents importants, je ne lui explique pas ce que je compte protéger
Le lundi, j'emprunte à l'atelier de maintenance une perceuse, les chevilles et les fixations sont fournies avec le coffre-fort. Je trace les trous, deux au fond et deux sur le bas, je fixe le tout et j'entasse mes liasses, plus de cinquante mille euros. Je prends conscience de l'importance de la somme en regardant tous ces billets. Par souci de discrétion vis-à-vis de mes collègues de travail, je vends ma voiture et je rachète une petite Peugeot presque neuve, bien que très équipée elle est courante et me permet d'aller travailler avec de temps en temps. J'ai vendu mon coupé à un particulier et exigé un règlement en liquide, je rajoute des liasses dans mon coffre, il est plein.
Le lendemain matin, je pars au travail, je ne suis pas tranquille, tout cet argent en liquide chez moi me perturbe, je ne pense qu'à ça en travaillant et ceci se ressent dans mon travail, j'ai la tête ailleurs. En milieu de matinée je ne tiens plus en place et je dois retourner chez moi, je suis certain que quelqu'un tente de me cambrioler, arrivé chez moi j'ouvre mon coffre tout est parfait et personne n'est venu. Je retourne au travail, mais je ne suis pas tranquille, tout cet argent me perturbe. À midi, je ne mange pas à l'atelier avec les autres, je rentre chez moi pour tout vérifier et me rassurer. Le soir en rentrant du travail, je passe chez mon propriétaire pour lui demander son accord pour installer une porte blindée, il hésite et je lui réponds que se sera à mes frais, il accepte. Le samedi suivant, j'achète une porte blindée très haut de gamme, avec alarme et message sur mon téléphone en cas d'ouverture non prévue.
La porte est installée dans la semaine, je suis plus tranquille, enfin pendant quelques jours, je me rends alors compte que ma porte est comme un panneau indicateur, si j'ai une telle protection c'est que j'ai des valeurs à protéger, j'habite au deuxième étage et accéder à mes fenêtres est facile pour un cambrioleur entraîné. Je recommence mes allées et venues entre le travail et mon logement plusieurs fois par jour, ce qui n'est pas sans conséquence sur mon travail. Ce qui devait arriver arriva, je suis convoqué au service du personnel, je me vois remettre un avertissement pour mes nombreuses absences sans justificatif, je ne peux pas expliquer pourquoi je rentre à la maison plusieurs fois par jour.
Pendant plusieurs jours je me tiens tranquille, mais je suis angoissé quand je rentre à midi et le soir, je n'ai pas la tête au travail et je fais de nombreuses bêtises, finalement je suis à nouveau convoqué et cette fois c'est le licenciement, à force de tirer sur la corde elle a lâché, je me retrouve donc à la case départ, chez moi avec pôle emploi comme patron. Lors de mon entretien avec mon conseillé, celui-ci m'informe que ma période de travail est trop courte pour me permettre d'avoir le maximum, je vais donc toucher une petite indemnité, je souris avec ce qu'il y a dans mon coffre je n'ai pas besoin de son aumône pour vivre comme un prince.