Il y a une cabine au coin de la rue, l'agence est visible depuis l'intérieur, pas de caméras dans la rue et luxe suprême un bar en face pour attendre en buvant une bière, bref une agence trois étoiles.
Après le tapage médiatique fait avec mes bougies, je reviens à la pâte à modeler, j'achète un petit poste radio, je n'en ai pas trouvé dans les encombrants, mon téléphone jouet, il me reste du fil électrique. Impossible de trouver une boîte de chocolats, il vient de pleuvoir et tout ce que je trouve est dégradé et a pris l'eau. Je vais chez un fleuriste, j'achète un bouquet et une boîte pour le transporter. Je rentre à la maison et je prépare mon matériel, j'ai un nouveau sac pour les courses, je le laisse dans la boîte à côté de ma pâte à modeler et de mon téléphone jouet collé au fond de la boîte, je place le bouquet de fleurs dessus, je vérifie et mon installation, est invisible.
Le matin, je suis devant l'agence, dès l'ouverture, la directrice arrive avec deux jeunes enfants qu'elle tient par la main. Ma casquette de livreur sur la tête, je dépose mes fleurs à l'accueil, et je me dirige vers la cabine téléphonique, je débite mon discours habituel, je raccroche et m'installe à la terrasse du bar déjà repéré, je prends un café si l'attente est trop longue j'abandonne et je rentre.
Trois minutes plus tard, la directrice sort en courant l'air affolé avec mon sac à la main. Je sors du bar, récupère mon sac de courses, le glisse dans un sac de sport et je retourne au bar boire une bière en regardant ce qu'il se passe dans la rue. La même voiture de police arrive suivie de peu par plusieurs fourgons et enfin les démineurs. Cette fois, une ambulance de pompiers arrive avec un véhicule du SAMU. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, je vois les pompiers partir avec la directrice de l'agence, visiblement elle a eu très peur et elle a craqué. Je prends conscience que mes braquages ne sont pas sans conséquence pour le personnel des agences, personne ne s'est soucié de moi quand je risquais de me retrouver à la rue.
Une fois l'agitation calmée, je retourne à la voiture et je fais un peu de tourisme avant de rentrer. Une petite route de montagne me permet de tester les performances de ma voiture et je m'arrête pour manger dans un restaurant en altitude avec une vue superbe sur la vallée. Une fois rentré, je vide mon sac sur la table, je fais vingt paquets de mille euros plus quelques billets en vrac, cette fois c'est décidé j'arrête tout et je me fais oublier pour les deux ans à venir.
Le lieutenant Laurent est avec son commissaire, les politiques commencent à mettre la pression et tout le monde exige des résultats, il n'a aucune piste, aucun indice rien qui permette d'identifier le braqueur aux explosifs, le commissaire lui explique qu'il a une conférence de presse l'après-midi et qu'il ne peut pas dire aux journalistes qu'ils n'ont rien, il doit donner un minimum d'informations pour les satisfaire. Il n'a rien, impossible d'identifier le braqueur sauf un coup de chance et la seule fois qu'il est arrivé à temps le braqueur n'est pas venu récupérer son butin. Il explique à son commissaire qu'il est convaincu que j'étais à proximité et en le voyant arriver j'ai abandonné.
Le lendemain matin, je fais la une des journaux, je suis présenté comme Robin des bois, je braque des banques sans armes, sans victimes et les journaux plutôt de gauche me présente comme celui qui n'hésite pas à prendre l'argent où il est, que les banquiers peuvent payer avec tout l'argent qu'ils gagnent, pour eux ces vols ne sont que le voleur volé. Je deviens une vedette et de nombreuses émissions télévisées, plusieurs hebdomadaires me consacrent des articles, toute cette publicité m'inquiète, la police va mettre le paquet pour me trouver, ils ne peuvent se permettre de se faire ridiculiser par un amateur. Je décide de me faire discret et d'attendre au moins deux ans avant de remettre ça.
Plusieurs semaines passent, les médias m'ont oublié, ils ont d'autres sujets à traiter et je n'intéresse plus personne à part le lieutenant Laurent qui ne désespère pas de m'identifier et de m'arrêter dès que l'occasion se présente, il est cependant certain que je ne vais pas recommencer bientôt, j'ai un capital qui me permet de rester discret longtemps.
Je vis tranquillement, j'ai caché mon butin un peu partout dans l'appartement et je tiens une comptabilité stricte qui me permet de connaître en temps réel ma situation financière et le délai avant de reprendre du service. Je respecte mon planning et le délai de deux ans est tout à fait raisonnable. Je ne suis pas retourné dans ma zone commerciale, je ne veux plus passer devant le vendeur de voitures d'occasion, j'ai peur de craquer encore une fois, je suis très satisfait de ma voiture et je prends du plaisir à la conduire. Régulièrement, je pars pour la journée faire du tourisme en montagne ou au bord de la mer, je rentre le soir et je n'ai plus loué de bungalow, je pense le faire bientôt, mais pour le moment je préfère économiser mon capital.
Ce matin, en prenant mon café, je regarde une chaîne d'informations en continu et je sursaute, ils annoncent l'arrestation du braqueur aux explosifs, il a été pris en flagrant délit en récupérant son sac d'argent dans le local à proximité de la banque qu'il vient de braquer, le journaliste précise que c'est un chômeur en fin de droits et qu'il affirme que c'est la première fois qu'il tente de voler de l'argent. Son profil ressemble étrangement au mien, et je comprends sa démarche, je sais qu'il est innocent, sauf pour sa tentative, je suis perturbé, je ne peux pas me dénoncer et je ne peux pas laisser un innocent payer pour moi, je ne sais pas quoi faire et je reste pensif.
Le lieutenant Laurent sait qu'il a arrêté un amateur qui a essayé de m'imiter, le mode opératoire est différent et surtout les reconnaissances préalables n'ont pas eu mon sérieux, il y a des caméras dans la rue, on peut donc facilement l'identifier et la réalisation des explosifs factices est très grossière, le directeur de la banque a tout de suite vu la supercherie, bien que non spécialiste, mais des souvenirs de son service militaire lui ont permis de téléphoner à la police. Il ne tient pas son homme
Je dors très mal, je suis perturbé, je ne peux laisser un innocent être condamné à ma place, mais je ne veux pas me dénoncer pour un incompétent qui a voulu m'imiter. Je retourne le problème dans tous les sens, je ne vois pas de solution. Soudain, je la trouve, je dois attaquer une nouvelle agence pendant que le principal suspect est incarcéré, la preuve de son innocence pour tous les braquages sera apportée, je le laisse gérer la dernière attaque. Je prends tous les risques, alors que j'avais décidé de tout arrêter voilà qu'un inconscient vient et m'oblige à sortir de ma tanière, je suis cependant très prudent et je soupçonne la police d'avoir organisé cette arrestation pour m'obliger à sortir de ma tanière.
Cette fois, je vais m'éloigner de la ville, au cours de mes promenades j'avais repéré une agence dans un petit village, si la police doit intervenir j'aurai le temps de partir et cette banque correspond à tous mes critères, le seul changement c'est ma voiture, je ne peux pas la prendre, garée sur la place du village elle va attirer l'attention je vais donc en louer une. En prenant ma voiture, j'ai le voyant qui m'indique que je dois faire la révision, il est allumé, je vais passer chez le vendeur et lui demander un véhicule de prêt, ce sera beaucoup plus discret. J'ai rendez-vous dans deux jours, j'en profite pour préparer ma pâte à modeler, un téléphone factice, et tout mon matériel, au cours d'une promenade j'ai récupéré une boîte de chocolats, j'ai tout ce qu'il me faut.
Après être passé chez mon vendeur, je pars avec une petite berline très courante et anonyme, garée sur la place du village personne ne va la remarquer. Je vais dans l'agence, dépose ma boîte de chocolats, et depuis une cabine téléphonique à proximité, j'appelle et débite mon discours. À peine trois minutes plus tard, le directeur sort de l'agence avec mon sac et se dirige vers le local poubelle à proximité. J'attends quelques minutes puis je récupère mon sac, le mets dans mon grand sac de sport et je m'installe sur une terrasse de bar en buvant une bière. La gendarmerie arrive très rapidement, je viens de réagir que je suis à la campagne et donc hors de la zone d'action de la police. Un fourgon de déminage arrive quelques instants plus tard et enfin la voiture de police avec les deux policiers habituels en civil.
L'agitation a attiré du monde et la terrasse est bondée, dans ces petits villages les animations sont rares. Je pars avant que la police ne commence à interroger les spectateurs, comme je ne suis pas du coin je vais rapidement être repéré. Je prends ma voiture et je rentre chez moi sans encombre. Je vide mon sac sur la table, toujours le même rituel, j'aligne les liasses de mille et j'en compte vingt-deux, je disperse le tout dans mes différentes cachettes. Je dois trouver une autre solution pour tout cet argent liquide, certes la résidence est tranquille, mais en cas de cambriolage les conséquences peuvent être très graves.
Le lieutenant Laurent est avec son commissaire, mon dernier braquage confirme ses soupçons, le suspect arrêté est un imitateur qui a tenté sa chance, mon mode opératoire est caractéristique, la police comprend que j'ai réalisé cette attaque uniquement pour innocenter le suspect qu'ils ont incarcéré. Comme d'habitude, aucun témoin, aucun indice, aucune trace et donc aucune piste. Son commissaire lui propose de renforcer son équipe pour les investigations, il refuse, il n'y a rien à chercher ou à surveiller et à part surveiller toutes les agences bancaires pendant une durée indéfinie, ce qui est impossible, il n'y a pas de solution. En rentrant, je passe chez mon vendeur et je récupère ma voiture.
Le soir, je fais la une des journaux télévisés, on ne parle que de moi et du suspect arrêté, tout le monde convient qu'il n'est pas le braqueur aux explosifs, mais un amateur qui a imité ma technique après avoir regardé les journaux. Je suis un héros, pour la plupart des journalistes j'ai attaqué cette agence uniquement pour innocenter un suspect, certains n'hésitent pas à me comparer à Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, un producteur de films passe un message me demandant de le contacter pour réaliser un film sur mes exploits, un romancier me fait la même proposition pour écrire un livre sur mon histoire. Je dois reconnaître que j'ai un moment d'hésitation, toutes ses propositions pécuniairement intéressantes, j'en suis certain, me permettraient de vivre jusqu'à la fin de mes jours sans soucis d'argent, mais très vite je reviens sur terre, autant me constituer prisonnier et dépenser mon argent dans une cellule de prison. Cette fois, le tapage médiatique a duré plus longtemps que la dernière fois, les mêmes spécialistes sont revenues débattre et confirmer mon profil de militaire et banquier. Je me couche l'esprit tranquille et je dors profondément.