En revenant à la maison, je passe devant un chantier, je regarde dans la benne et je trouve des chutes de fils électriques de différentes couleurs. Je repasse ma liste et j'ai tout ce qu'il me faut.
Une fois chez moi, je déballe toutes mes trouvailles, j'enfile une paire de gants de vaisselle et je nettoie tout ce que j'ai touché, être un fan de séries policières a des avantages. Je déballe les bougies, je coupe l'extrémité pointue et je les roule dans le papier cuisson, je ferme à chaque extrémité en rabattant le papier et avec un fond d'huile de cuisine, j'imprègne le tout. Je fais un fagot et je lie le tout avec du ruban adhésif de couleur. Je déballe le téléphone, il est très léger, mais personne ne va le soulever, j'enfonce deux fils électriques dans le téléphone et l'autre extrémité du câble est introduite dans le fagot de bougies. J'installe le tout dans la boîte de confiseries. Je regarde mon travail et je suis très satisfait, l'effet est bluffant. Je cale le tout avec du ruban adhésif et dans la moitié vide, je place un sac de course de grande surface. Je referme le tout, content de moi, j'ai fait du bon travail ! J'ouvre et je mange ma boîte de haricots avec seulement un peu de sel, je n'ai pas de beurre. Je m'installe sur mon fauteuil face à la télévision en attendant l'ouverture de mon agence.
En début d'après-midi, je pars pour ma banque, ça passe, ou ça casse. J'attends qu'il y ait du monde au guichet, et je dépose ma boîte à côté de l'accueil. La fille me jette un regard distrait et continue de parler avec son client qui semble très en colère. Je m'installe en face de l'agence, j'ai vérifié, il n'y a pas de caméras dans la rue et j'attends que le client sorte. Depuis une cabine à proximité je téléphone à l'agence, la fille à l'accueil décroche, je la vois depuis ma cabine
« Bonjour, je suis un client de votre agence et votre directrice m'a fait faire un placement qui se révèle très avantageux, pour vous remercier j'ai fait déposer une boîte de confiseries pour le personnel de l'agence, vous pouvez l'ouvrir et me dire s'ils sont bons. »
J'entends un bruit de papier, puis un cri de terreur. Mon interlocutrice a gardé son casque téléphonique sur la tête.
« Vous allez appeler votre directrice, dans le sac à l'intérieur de la boîte, elle va mettre la réserve d'argent liquide que vous avez dans l'agence, je suis du métier et je connais le montant disponible. Ensuite, avec le sac, elle se dirige vers la résidence à proximité, à gauche en sortant et elle va déposer le sac dans le local poubelles. Vous avez cinq minutes, si je vois le moindre uniforme ou si j'entends une sirène de police toute l'agence va sauter avec de très gros dégâts et de nombreux blessés. Mon montage est rudimentaire, mais très efficace, il me suffit de faire sonner le téléphone. Dès que votre directrice sera de retour, vous pourrez téléphoner à la police et des démineurs sécuriseront très rapidement le colis. »
Trois minutes plus tard, la directrice sort de l'agence avec mon sac chargé, elle marche très vite et regarde avec un air effrayé autour d'elle. Dans la résidence, elle abandonne le sac et repart. Je traverse la rue, entre par la deuxième entrée dans le local et je retourne chez moi avec mon sac. En cours de route, je vois passer plusieurs voitures de police toutes sirènes hurlantes et un fourgon noir marqué « déminage ». Chez moi, je suis en nage, je ferme la porte à double tour et mon cœur bat très fort, je me laisse tomber dans mon fauteuil et je me calme. Après de longues minutes, je me lève et je vide mon sac sur la table de la cuisine, il y a de nombreuses liasses marquées mille euros, j'en compte quinze, je les aligne et je reste pensif. J'entends un bruit de sirène dans la rue et je panique, je me précipite à la fenêtre et je vois passer un véhicule de pompiers. En regardant dehors, je me rends compte que j'ai très faim, la boîte de haricots de midi est loin, je regarde le petit restaurant en face dans la rue, j'y allais durant ma première vie pour certaines occasions comme mon anniversaire, c'est bon, mais relativement cher. Je prélève quelques billets de vingt euros dans une liasse, un coup de peigne et je descends, je prends une côte de bœuf, normalement c'est pour deux personnes, mais je suis certain d'en venir à bout, une bouteille de vin rouge, je ramène le reste à la maison et un dessert. Je rentre repu et je vais me coucher. En pleine nuit, je sursaute et me réveille en nage, j'ai rêvé que je braquais ma banque. Je me lève et une fois dans la cuisine, je suis obligé de constater que je ne rêvais pas, je me recouche, tout cela m'a semblé trop simple.
Le lendemain matin, après une douche sans savon et un café, je prélève des billets dans la liasse déjà entamée et je sors. Je sonne chez mon propriétaire, il habite deux étages au-dessus, je lui donne cinq cents euros, je lui explique que c'est un premier acompte et que ma situation sera régularisée rapidement. Il me donne un reçu pendant que je lui explique que j'ai trouvé un travail au noir et que je suis payé en liquide. Entre mon chômage et cet apport clandestin, je vais pouvoir retrouver une vie normale. Je vais ensuite à ma supérette pour remplir mon réfrigérateur et mes placards, au passage j'achète le journal. Après avoir rangé mes courses, j'ouvre le journal et, en page intérieure, il y a un article sur un audacieux braquage de banque à l'explosif, le journaliste ne mentionne pas que les explosifs sont factices, il conclut avec la formule classique : une enquête est en cours. Je vais attendre quelques jours pour passer à ma banque et déposer du liquide pour renflouer mon compte.
L'après-midi, je vais faire des courses dans une zone commerciale pour renouveler ma garde-robe, tous mes vêtements ont trois ans et plus, je fais les boutiques pour prendre des chaussures, pantalons, pull blouson et sous-vêtements, dans le bus en rentrant je me rends compte que je viens de dépenser l'équivalent d'un mois de salaire pour un ouvrier qualifié. J'ai toujours pensé qu'il ne sert à rien de dépenser cinquante euros pour une chemise alors que l'on peut en trouver à douze dans une grande Surface cependant tous mes vêtements sont de marques connues. L'arrêt de mon bus pour rentrer est devant un vendeur de voitures d'occasion, je suis surpris par le prix d'une Clio, elle a un faible kilométrage et paraît en bon état. Le vendeur m'explique que c'est une voiture de société avec deux places, le marché est étroit, un célibataire ou un professionnel, je demande à l'essayer, elle marche très bien, je négocie une remise supplémentaire en précisant que je vais payer en liquide. Je verse un acompte, signe le bon de commande et je dois revenir le lendemain pour payer le solde et récupérer la voiture. Le lendemain au soir, le nombre de liasses sur ma table a fondu, j'ai une voiture, de quoi manger et m'habiller.
Au commissariat, le lieutenant Laurent est morose, il vient de faire le point avec son commissaire, aucun indice, aucun témoin, même pas un début de piste, visiblement l'auteur du casse à la dynamite est un amateur, aucun spécialiste ne va attaquer une banque pour quinze mille euros, il a eu de la chance et soit c'est un coup unique et sauf coup de chance, il ne sera jamais arrêté, soit il va récidiver, après avoir dépensé son argent et dans ce cas aussi ; il va être très difficile de l'arrêter, nous ne pouvons pas surveiller toutes les agences bancaires de France. Ce qu'il redoute le plus, en cas de récidive, c'est que les médias s'emparent de l'affaire et en fassent un héros, une sorte de Robin des bois. Pour le moment, personne ne sait que les explosifs sont factices, les démineurs en voyant le colis ont tout d'abord pensé à un piège, c'était trop grossier, puis après de nombreuses précautions, ils ont confirmé que tout, même le téléphone, est factice et sans danger.
Le lendemain, je récupère ma voiture, je me suis assuré sur internet, je n'ai jamais eu de voiture, je partais travailler à pied et je passais les vacances à la maison parfois je prenais un bus pour aller me baigner dans une zone loisirs proche. J'en profite pour me promener et visiter la région, je me fais un petit restaurant gastronomique et je rentre en fin de journée après être passé à ma banque et m'être fait confirmer que ma carte est débloquée. Pour passer le temps, je navigue sur internet et je tombe sur une publicité pour la location de bungalows dans un camping sur la Côte d'Azur, la dernière fois que j'ai vu la mer j'avais dix ans, une journée organisée par la mairie. Je me renseigne et je décide de partir une semaine au bord de l'eau. Le matin, je retourne en voiture dans ma zone commerciale pour acheter une valise, des maillots de bain, des serviettes tout le nécessaire et sans doute plus. En rentrant, le nombre de liasses sur ma table a bien diminué.
Au petit matin, je pars, mes bagages sont dans le coffre, je respecte scrupuleusement les limitations de vitesse, et après un repas rapide sur l'autoroute j'arrive sur mon lieu de villégiature, j'ai une excellente impression, il y a peu de monde, mon bungalow est petit, mais pour une seule personne c'est plus que suffisant, une douche et je vais au bar près de la piscine boire une bière sur la terrasse. Allongé sur un transat je bois lentement en regardant autour de moi, je vois la mer avec de nombreux voiliers, une jeune femme s'approche de moi, elle me dit qu'elle est seule et me propose de faire la conversation pour passer le temps. Elle m'explique que suite à une rupture elle a souhaité se changer les idées et de passer une semaine au bord de l'eau, je lui réponds que je suis en vacances et célibataire. Nous reprenons une boisson et je lui propose de manger avec moi au restaurant du camping, elle accepte.
Après un repas qui ne restera pas dans l'histoire de la gastronomie française nous repartons en direction de mon bungalow, devant la porte elle me demande si je veux passer la nuit avec elle, surpris je ne suis pas ce que l'on appelle un beau gosse, elle est très belle et honnêtement, je n'ai pas eu de relations sexuelles depuis plusieurs années, je souris pour donner mon accord, elle me répond c'est deux cents euros, je fouille dans ma poche et je lui tends l'argent. Elle entre, se déshabille, elle est superbe, je n'ai jamais couché avec une fille comme ça, et se dirige vers la salle de bains, en sortant elle va dans la chambre entièrement nue et je vais prendre une douche. Je ne vous donnerai pas de détail sur ma nuit, j'avais décidé d'en prendre pour mon argent et c'est ce que j'ai fait.
Au matin, je me réveille, elle n'est plus à côté de moi, je me lève pour prendre mon café et je découvre mon portefeuille ouvert et vide, mes affaires ont été fouillées, heureusement pour moi la plus grosse partie de mon argent liquide est cachée dans la voiture, mais cette nuit m'a coûté beaucoup plus cher que prévu. Je n'ai jamais revu ma compagne d'un soir, si je la croise je ne sais pas si je vais l'insulter ou lui proposer deux cents euros pour repasser une nuit avec moi, enfin l'un n'empêche pas l'autre. Ma semaine entre la plage, la piscine et le farniente au bar passe très vite et je dois rentrer. Une fois à la maison j'étale mes liasses sur la table, je ne vais pas aller loin avec ce qu'il reste, j'ouvre internet et je cherche les agences bancaires correspondant à mes critères.