La main au feu
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Chapitre 4 No.4

L'inspecteur regardait le chien en biais, il n'était pas vraiment content d'avoir dû se plier aux ordres, cette fille était clairement une manipulatrice folle, tueuse de surcroit. Il avait appris, dans sa carrière, à ne pas se fier aux blondes aux yeux bleus et à la gueule d'ange, celle-ci avait toutes les caractéristiques d'un démon.

Comment Lafleur avait-il pu tomber dans le panneau, quelle idée de la libérer, de quoi était-elle encore capable ? Elle courrait dans la neige en criant « c'est par là ! » comme si tout cela n'avait été qu'un jeu, un jeu démoniaque qu'elle avait elle-même agencé et dans lequel elle était en train de les prendre, comme une araignée tissant sa toile. Elle était la principale suspecte et ça n'avait pas l'air de lui faire grand-chose... tant que le chien était à ses côtés. Ils n'auraient pas dû lui rendre, elle aurait fini par craquer et par tout avouer, maintenant elle était libre comme l'air et gambadait dans la forêt. Le pire dans tout ça, c'est que lui, un inspecteur droit et intègre, était obligé de suivre et de récolter les indices que cette fille allait débusquer. Il avait presque l'impression d'être devenu son subalterne. Le jeune policier qui les accompagnait fit une remarque qui le glaça :

« Elle est cute quand même, avec son chien, j'avoue que j'ai du mal à croire que ça soit elle la tueuse

- C'est exactement ce qu'elle essaye de nous faire croire, mais c'est elle, crois-en mon expérience

- Mais Lafleur a dit...

- Laisse Lafleur, c'est un gâteux ! »

Ils arrivèrent au sommet sur le versant ouest, elle désigna un emplacement noirci par les flammes que la neige n'avait pas encore recouvert. L'inspecteur s'accroupit et demanda au policier de surveiller la fille qui faisait des tours en scrutant le sol et les arbres. Il cherchait des indices dans les cendres mais n'arrivait pas à se concentrer, il pensait à la fille qui avait reçu sa liberté en plus de la possibilité de suivre l'enquête et ça le mettait en rage, il imaginait Lafleur en train de l'innocenter et cette idée lui brouillait la tête, sa main gantée ratissait les cendres mais sa tête refusait de se prêter à un exercice qui aurait pu innocenter la fille. Il ne la détestait pas, non, il ne lui souhaitait pas la prison, juste Pinel, par exemple, où elle aurait été hors d'état de nuire pour quelques années. Il ne remarqua pas qu'elle était en train de se rapprocher du policier et de lui désigner quelque chose dans la neige. Le policier se pencha, examina l'objet, sortit un sachet de sa poche et saisit délicatement l'indice. Il se retourna vers l'inspecteur et lui montra la trouvaille. L'inspecteur ronchonna, dit que c'était futile, que de toute manière ils ne trouveraient rien, que cette piste était encore une idée de Lafleur et qu'on allait rentrer au poste.

Quand ils furent dans le bureau de Lafleur, il leur demanda de raconter l'expédition. L'inspecteur prit les devants en disant qu'ils n'avaient rien trouvé, qu'il y avait en effet de la cendre mais aucun autre indice. Le policier objecta, sortit le sachet contenant le crayon de couleur trouvé dans la neige en disant que ce n'était peut-être pas grand-chose mais que c'était tout de même étrange. Lafleur interrogea Blanche du regard qui reconnut que c'était elle qui l'avait remarqué et qui avait cru que ce pourrait être intéressant, ce qui mit l'inspecteur en rogne. Comprenant que ce n'était pas la trouvaille du policier, il s'emporta en disant que c'était à lui qu'elle aurait dû le montrer en premier. Lafleur lui intima de se calmer, affirmant que ce n'était pas important, l'important était de trouver les indices et de dénouer cette histoire. L'inspecteur se tue en durcissant le regard. Lafleur demanda pourquoi ce crayon de couleur pouvait être digne d'intérêt, elle répondit que c'était un Faber Castelqui ressemblait fort à ceux qu'elle avait reçus, une nuit, d'un peintre. L'inspecteur explosa, il ne comprenait pas qu'on puisse écouter de pareilles âneries, qu'une marque de crayon de couleur puisse donner quelque indice que ce soit. Lafleur lui demanda de sortir.

Lafleur, Blanche et Safran étaient maintenant seuls dans le bureau. Il lui proposa de s'assoir, elle hésita, il lui dit qu'elle pouvait rester debout, elle s'assit. Il était calme et offrit à Blanche un court silence qui lui permit de glisser les yeux tout alentour dans le bureau. Des tonnes de dossiers étaient sévèrement empilées sur les meubles derrière lui mais le mur était décoré de cartes postales dont la disposition fantaisiste assouplissait le tableau général. Lafleur ouvrit un tiroir, fouilla en faisant du bruit et sortit un petit bol. Il demanda :

« Est-ce que Safran a soif ?

- Heu, je sais pas...

- Safran, as-tu soif ? Oui, il a soif, ne bouge pas, je vais chercher de l'eau. »

Elle resta perplexe. Depuis la veille, les seuls commentaires qu'elle avait reçus sur le chien étaient plutôt de l'ordre du reproche, et encore, c'était quand il n'était pas royalement ignoré. Elle craignait qu'on le lui enlève à nouveau. Pour le moment, elle n'avait pas encore eu le droit de rentrer chez elle et ne savait pas où elle passerait la prochaine nuit. Sa seule valeur sûre était son compagnon à quatre pattes. Lafleur était-il en train d'essayer de l'amadouer pour garder Safran et s'en servir comme pièce à conviction ? Cette bienveillance au milieu de tant de violence et d'indifférence avait quelque chose de suspect. Elle devait regagner sa liberté, rentrer retrouver Roderic et Marie-Hélène qui devaient s'inquiéter. Elle essayait de penser à ce qu'elle pourrait dire pour qu'il lui donne congé lorsqu'il entra avec le bol d'eau. Safran se dandina joyeusement jusqu'à lui, bu vigoureusement pendant que Lafleur lui caressait la tête en souriant et Blanche pensa : « traitre ».

« Alors, on parlait des crayons de couleur Faber Castel, tu en as toi aussi ?

- Oui, j'en ai

- Quelqu'un te les a donnés ?

- C'est ça

- la nuit ?

- oui

- Où ?

- Dans un parc

- Quel parc ?

- Au carré Saint-Louis

- Et il t'a juste donné des crayons ?

- Oui

- Comment ça s'est passé ?

- Et bah... il m'a interpelé, il m'a demandé si j'étais une artiste, j'ai bafouillé, il a dit qu'il savait que j'en étais une et il a sorti une feuille et sa grosse boîte de crayon. Il a dit qu'on allait faire un dessin alors j'ai accepté, moi j'aime ça dessiner.

- Safran était avec toi ?

- Oui, d'ailleurs si vous pouviez le laisser revenir vers moi j'apprécierais

- Pardon. Allez, va voir Blanche

- Merci.

- Alors vous avez dessiné ?

- Oui, on a fait un dessin, c'était bien

- Et ensuite ?

- Il a dit qu'il allait garder le dessin mais qu'il m'offrait sa superbe boîte de crayons. Moi j'étais trop contente au début j'osais même pas accepter.

- Mais tu as accepté

- Oui, parce qu'il a insisté, il a dit que c'était ça l'art de la rue, le vrai

- Et tu l'as revu ?

- Oui

- C'est devenu ton ami ?

- Oui

- Quand tu as vu le crayon dans la neige, tu as cru que c'était à lui ?

- Non

- Pourquoi pas ?

- Parce qu'il les a plus, ses crayons

- Il te les a donnés

- C'est ça

- Donc enfaite c'est ton crayon qu'on a trouvé

- Oui et non

- Comment ça ?

- Parce que moi aussi j'en ai donné, des crayons

- À qui ?

- Je vous l'ai dit, je connais pas les noms

- Mais lui, celui qui te les a donnés en premier, il t'a dit son nom ?

- Oui

- pis ?

- Vous allez l'accuser ? C'est pas à lui le crayon, c'est moi qui les avais et on peut même vérifier si c'est une couleur qui me manque parce que je l'ai donnée à quelqu'un d'autre. C'est pas lui qui a fait ça, il a rien à voir là-dedans

- Oui mais toi, Blanche, as-tu quelque chose à voir là-dedans ?

- J'ai trouvé le corps

- Oui mais je répète ma question : as-tu quelque chose à voir là-dedans ?

- Non

- Es-tu en ce moment en train de subir cet interrogatoire parce que tu es coupable ?

- Non, je suis pas coupable

- Ça sera la même chose pour ton ami, on va juste l'interroger, comme on t'interroge, pour dénouer cette histoire et en profiter pour t'innocenter parce que je sais pas si t'as vu mais les gars là-bas sont pas mal sûrs que c'est toi qui as commis le meurtre.

- Mais j'ai pas envie que mon ami subisse cette suspicion, en plus par ma faute, non merci

- Écoute, on va le trouver quand même si tu nous dis pas son nom, pis l'inspecteur, tu l'as vu, il risque d'être pas de très bonne humeur si tu coopères pas

- Il s'appelle Georges

- Georges ?

- oui

- Georges comment ?

- Georges c'est tout, je connais que son prénom

- Tu l'as pas sur Facebook ?

- Non

- Son numéro de téléphone ?

- Il en a pas

- Vous vous rejoignez comment ?

- Il passe chez moi, s'il a de la chance je suis là

- Il connait ton adresse ?

- oui, je l'ai invité à prendre le thé après qu'il m'a donné la boîte

- Et tu connais la sienne ?

- Non

- Il est mystérieux ton Georges

- Il a pas le droit ?

- Si, mais ça nous facilite pas la tâche...

- Mais puisque je vous dis que ça sert à rien ! C'est pas lui ! Cherchez plutôt à qui je les ai donnés, mes crayons !

- Oui, tu as raison on va regarder ça. Ramène déjà ta boîte ici, qu'on vérifie si on est pas en train de chercher pour rien.

- Je peux rentrer chez moi ?

- Oui, mais rapporte la boîte

- Ce soir ?

- Non repose toi, demain

- OK »

Elle s'était levée d'un bond, avait atteint la poignée en moins d'une fraction de seconde et Safran à son pied, elle courrait presque dans le couloir quand Lafleur avait passé la tête dans l'embrasure de la porte et demandé :

« Combien de crayons tu as donnés ?

- 6

- Dis-moi que c'est à la même personne ?

- Non, 3 et 3

- OK, ça va, allez, file, au revoir Safran. »

            
            

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