Trois ans ont passé, j'ai maintenant 16 ans. Une journée banale dans la vie d'une personne qui est débordée par les divers devoirs que les professeurs assignent. Comme à l'accoutumée après mon deuxième cours, je dîne avec mes amis. Je prends huit tranches de pizza au fromage tout droit sorti de la cafétéria avec trois Fanta. Faut dire que je n'ai pas la meilleure alimentation du monde. On discute de ce qu'on veut faire dans le futur tout en se taquinant avec le nom de certaines filles de l'école.
Quand la cloche de l'école sonne, je me précipite tout droit vers mon casier, mais aujourd'hui je sais que j'aurais des embrouilles. En effet, un groupe de trois gars tous trois plus âgé d'un an et plus costaud que moi se tient devant mon casier. Malheureusement pour moi, ils ont l'habitude de me déranger après les cours. Ces fameux trois garçons portent le nom de Terry, Alex et Lucas. Aucun enseignant ne peut les voir agir vicieusement car ils sont subtils. Quant aux élèves, ils ne disent rien, de peur qu'ils subissent le même sort que les victimes. Si vous voyez bien où je veux en venir, il est bien de spécifier que je fais partie de ces victimes.
Cette fois, ils se tiennent devant mon casier. Comme d'habitude je reste pas loin en me disant qu'ils partiront sous peu. Par malheur pour moi, ils ont l'air obstiné. Je prends alors mon courage à deux mains et je m'avance vers eux.
« Excusez-moi, est-ce que vous pouvez vous déplacer un peu s'il vous plaît, » dis-je d'un ton assez faible.
« OH OH OH, mais qui vois-je là, » dit Terry.
« C'est toi mon Samsam, ha ha ha ha ha, » dit Alex à son tour
En effet, ils ont l'habitude de m'affubler de noms plus ridicules les uns que les autres.
« Alors comme ça on dit que t'es amoureux de Mathilde, » dit Terry
En effet, ils m'ont eu cette fois-ci. Surpris, fâché, déçu, confus et gêné. Je vis pour la première fois un tas d'émotions, sans trop savoir comment les gérer. Mais avant toute chose, je suis surpris car les seules personnes à qui j'avais révélé ce secret étaient tous des gens de confiance... Toutefois je n'ai pas le temps de jouer les détectives, je dois me défendre maintenant et vite.
« Non! C'est n'importe quoi, » dis-je d'un ton emporté.
« Ah vraiment? En tout cas, c'est vrai que c'est clair que Mathilde ne t'aimera jamais, » dit Luca.
« Elle n'aimera jamais un gars comme toi, » ajoute Terry.
Ces mots ne me font rien. Évidemment, je sais que Mathilde ne pourra jamais s'intéresser à moi. C'est de loin la fille la plus connue de l'école et sûrement la plus belle. De mon côté, je ne suis qu'une pauvre victime qui ne sait pas comment se défendre. Même ces trois-là ont l'air de tenir aussi à elle. À ces pensées j'ajoute:
« Vous par contre vous l'aimez, » dis-je.
Après avoir prononcé ces mots, je finis par regretter sur-le-champ. Terry s'avance vers moi d'un air très énervé. Je prends une apparence de confiance, cependant tout au fond de moi je sais que j'aurais dû fermer ma grande gueule.
Après s'être suffisamment rapproché jusqu'au point que je ressens sa respiration et que j'entends son coeur battre, il dit avec un ton impatient:
« Ne prends pas cet air petit vaurien, tu vas voir »
Ses deux compagnons finissent donc par m'immobiliser avec force. Par la suite, Terry assène un coup de poing qui finit par heurter le milieu de mon visage. Ses coups de poings s'arrêtent lorsque je saigne terriblement du nez.
« On se reverra petit vaurien, » dit celui-ci.
Un jour l'auteur Wayne Dyer a dit « La façon dont les gens vous traitent est leur karma, la façon dont vous réagissez est le vôtre ». Cela dit, il est mieux pour moi de les laisser partir et de m'essuyer le nez pour prendre l'autobus.
Effectivement pour rendre ma fin de journée plus mauvaise qu'elle ne l'était, je devais bien sûr l'avoir raté. La seule solution que je vois c'est de courir de l'école jusqu'à chez moi. C'est donc dans une haine et une disgrâce intérieure que je rentre.
* * *
De retour à la maison, mon père et ma mère ne sont pas encore rentrés du travail. Mais en me fiant à l'horloge du rez-de-chaussée placé par-dessus la cheminée, je sais qu'ils ne tarderont pas trop longtemps.
Toutefois, mon petit frère qui est déjà à la maison finit quand même par se douter de quelque chose. Comme toute autre journée bien entendu, il me pose une multitude de questions dont je laisse sans réponse en essayant de changer de sujet. Par contre aujourd'hui, il persiste plus qu'à l'habitude.
« Pourquoi t'es rentré en retard?, » dit-il.
« En quoi ça te concerne?, » réplique ai-je.
« Ça fait trop de fois que tu esquives la question et ça a tendance à attirer ma curiosité, » dit-il.
« Ouais mais ça te concerne pas OK! »
« Je voudrais juste savoir. De toute façon tu ne dis jamais rien aux parents, mais moi je veux savoir. »
Mais avant qu'il me donne du temps pour lancer mon argument, il ajoute:
« Est-ce que tu... tu prends de ... la drogue?, » dit-il d'un ton hésitant.
« Wow, wow! Tu vas un peu vite là. qu'est-ce qui te fait croire que... »
« Euh tu viens tard. On dirait que tu es abattu et tu es un adolescent. D'autant plus, ce n'est pas parce que j'ai seulement 12 ans que je n'y comprends rien à la drogue, » finit-il par s'empresser de dire.
« Bon ce n'est pas parce que j'ai l'air fatigué que je prends de la drogue. En plus tu me connais, tu sais très bien que je ne le ferai jamais, » dis-je.
« On pourrait avoir des doutes. C'est vrai, tu parles à personne, tu as l'air ailleurs et chaque fois qu'on parle d'un sujet sensible, tu l'esquives, » dit-il.
Je ne peux pas lui en vouloir parce qu'il est vrai que je ne suis pas vraiment quelqu'un qui parle de ses problèmes. Donc pour le rassurer je lui dis:
« Bon, bon, bon. La vérité c'est que je me suis battu à l'école. »
Je me suis rendu à un consensus avec moi-même que pour éviter une dispute le mieux est de dire la vérité. Évidemment que je ne rentre pas dans les détails lors de l'explication. Le minimum que je peux raconter c'est que je me suis battue avec trois garçons plus grands que moi à l'école. Bien qu'à vrai dire la vérité soit que je me suis fait battre vu que je ne me suis aucunement défendu physiquement. Tant bien que mal, il finit par valider l'explication de ma mésaventure.
* * *
Couché sur mon lit, je réalise à quel point ma journée a été basculée et mouvementée. Je finis par être exténué par les péripéties que cette journée m'a apporté.
C'est donc exténué que je passe le reste de ma journée jusqu'au soir venu. En effet, je dors épuisé et à la fois soulagé car je sais que demain c'est samedi. Ces circonstances me rappellent les événements d'il y a exactement trois ans que ma mémoire avait mis à l'écart. Toutefois, le sommeil m'a permis d'échapper à ce souvenir insolite. Cela dit, contre toute attente, j'ignorais complètement que j'allais vivre de nouveau une autre mésaventure de la sorte.