Chapitre 3 No.3

Le lendemain matin, le soleil traversait les rideaux poussiéreux, révélant des millions de particules en suspension dans l'air. Anya s'était réveillée sur le canapé de la chambre principale. Asher avait pris le lit. Il avait prétexté que son dos nécessitait un matelas orthopédique spécifique et qu'il ne pouvait pas dormir ailleurs.

Elle portait un vieux t-shirt trop grand qu'elle avait trouvé dans une commode et son jean de la veille. Sa robe de mariée gisait en boule dans un coin, comme le cadavre d'une vie antérieure.

Elle avait trouvé un balai et un chiffon. Elle frottait. C'était thérapeutique. Frotter pour effacer Blake. Frotter pour oublier qu'elle était mariée à un inconnu ruiné.

Vers dix heures, la sonnerie de la grande porte retentit. C'était un son agressif, insistant.

Henderson n'était pas visible. Il avait mentionné plus tôt qu'il devait "réparer une fuite au sous-sol" avec les moyens du bord.

Elle descendit, le chiffon à la main.

Elle ouvrit la lourde porte en chêne.

Le sang se figea dans ses veines.

Blake Miller était là. Et Chelsea Ye était accrochée à son bras.

Chelsea portait une robe blanche d'été, légère, innocente. Elle ressemblait à une mariée en vacances. Blake avait l'air fatigué, mais il avait cette arrogance naturelle des hommes qui n'ont jamais entendu le mot "non".

- Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Anya, bloquant l'entrée de son corps.

- On s'inquiétait, Anya, dit Blake. Il tenta de faire un pas à l'intérieur. On a appris ce que tu as fait. Tu as épousé ce... déchet.

- Anya, chérie, minauda Chelsea, sa voix dégoulinante de fausse sollicitude. Ne gâche pas ta vie par dépit. On peut tout arranger.

Anya eut un rire nerveux, un son qui ressemblait à du verre brisé.

- Ma vie ? Vous l'avez libérée. Et maintenant, dégagez.

Ils forcèrent le passage. Blake était plus fort qu'elle. Il la poussa légèrement sur le côté et entra dans le hall.

Chelsea regarda autour d'elle, plissant le nez de dégoût en voyant les draps sur les meubles.

- Mon Dieu, c'est ici que tu vis ? C'est un mausolée. Ça sent la pauvreté.

- C'est toujours mieux que de sentir la trahison, répliqua Anya.

Blake attrapa le bras d'Anya. Ses doigts s'enfoncèrent dans sa chair.

- Arrête tes conneries. Annule ce mariage. Je te paierai un appartement en ville. Je prendrai soin de toi. Mais ne reste pas avec cet infirme. C'est gênant pour tout le monde.

Le contact de Blake la répugnait. C'était physique. Une nausée violente.

- Ne me touche pas ! cria-t-elle en se dégageant violemment. Tu as perdu ce droit hier à 14h00 précises !

Un bruit de roues en caoutchouc sur le parquet se fit entendre en haut de l'escalier.

Asher apparut sur la galerie du premier étage. Il était dans son fauteuil manuel. Il portait un pull noir à col roulé qui accentuait la pâleur de son visage et la noirceur de ses yeux. Ses mains reposaient sur les mains courantes des roues, prêtes à l'action.

- Qui a laissé entrer les ordures ? demanda-t-il. Sa voix était calme, mais elle claqua comme un fouet.

Blake leva les yeux et ricana.

- Sterling. Toujours à rouler, je vois ? Tu ne peux même pas descendre pour accueillir tes invités ?

Asher ne répondit pas. Il fixa Blake. Si les regards pouvaient tuer, Blake aurait été désintégré sur place. Asher calculait. Il évaluait la distance, la menace. Il savait qu'il pouvait briser le bras de Blake en trois secondes s'il était en bas. Mais il devait rester dans son rôle.

Chelsea s'accrocha plus fort au bras de Blake, jouant la femme effrayée.

- Il me fait peur, Blake. Allons-nous-en.

Anya fit un pas. Elle se plaça entre les deux intrus et l'escalier. Elle se plaça en bouclier devant Asher.

- Sortez. C'est une propriété privée.

Chelsea murmura, assez fort pour être entendue :

- Pauvre Anya. Regarde-la, elle défend son infirme comme un chien de garde. C'est pathétique.

Quelque chose craqua en Anya. Le dernier verrou de sa civilité sauta.

Elle se tourna lentement vers Chelsea.

- Pathétique ? répéta-t-elle. Chelsea, ton "malaise" d'hier... c'était une performance digne d'un Oscar. Mais on sait toutes les deux que tu n'as jamais eu mal au cœur. Tu n'en as pas.

Chelsea pâlit légèrement.

- Comment oses-tu...

Anya avança vers eux, serrant son chiffon sale comme une arme.

- Je sais tout, Chelsea.

Du haut de l'escalier, Asher observait le dos d'Anya. Il voyait la tension dans ses épaules. Il voyait sa férocité. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un le défendait. Lui, le monstre, le puissant, le milliardaire caché... défendu par une femme armée d'un chiffon à poussière.

C'était absurde. C'était magnifique.

            
            

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