Chapitre 5

Puis Jacques est revenu. Pas Jacques Bray, mon mari. Mais Jacques Bray, le premier amour de Catherine Dubois. L'homme qui l'avait abandonnée quand elle était au plus bas, au plus pauvre.

Quand il est revenu en ville, Catherine s'est enfermée dans son bureau pendant des jours, en ressortant avec les yeux gonflés et un regard lointain. Peu après, elle a commencé à rentrer tard, ses explications vagues, son téléphone toujours juste hors de ma portée.

Adrien a commencé à changer aussi, lentement, subtilement.

J'étais en voyage d'affaires quand Jacques a emménagé. Je suis rentrée chez moi après presque un mois d'absence, et il était là, assis sur le canapé, aidant Adrien avec ses devoirs. Adrien, qui souriait rarement, même pour moi, riait. Un rire sincère, sans retenue, qui m'a tordu les entrailles. Mon fils, dont j'avais passé des années à essayer de réparer les jambes juste pour qu'il puisse marcher sans douleur, riait avec Jacques.

Tout a dégénéré après ça. Notre famille, mon monde si soigneusement construit, a été brisé par la présence de Jacques.

J'ai confronté Catherine. Nous nous sommes disputées, nous nous sommes battues comme des étrangères. Elle a tout nié, bien sûr. « Il n'y a rien entre nous, Élise », disait-elle, la voix tendue, sur la défensive. « Nous sommes mariées. Pourquoi es-tu si jalouse ? C'est juste un collègue, ici pour le travail. » Elle prétendait que Jacques l'aidait simplement « avec le cabinet ».

Adrien s'est aussi éloigné de moi. Il a commencé à en vouloir à ma discipline, à mes tentatives de le guider. « Jacques ne me dit jamais quoi faire ! » se plaignait-il, les yeux pleins d'accusation. « Tu es tellement énervante, Maman ! »

Puis, les mots qui ont coupé plus profondément que n'importe quelle lame. « J'aimerais que Jacques soit mon père », avait-il dit, son jeune visage tordu de colère. « Il m'achète tout ce que je veux ! Toi, jamais ! »

Le verre brisé du cadre photo m'avait coupé le doigt. Une entaille profonde et irrégulière. Le sang a perlé, épais et sombre, tachant le blanc immaculé du petit visage souriant d'Adrien. La famille parfaite, se vidant de son sang sur le sol.

Cette photo avait été prise pour le cinquième anniversaire d'Adrien. Je me souvenais encore de son vœu, murmuré à mon oreille alors qu'il soufflait les bougies. « J'aimerais qu'on soit une famille pour toujours, Maman. Que ça ne change jamais. »

Un sourire amer a tordu mes lèvres. Pour toujours.

J'ai ramassé la photo tachée de sang, les éclats de verre encore accrochés aux bords, et je l'ai jetée dans la poubelle qui débordait. Elle a atterri avec un bruit sourd, disparaissant sous les détritus de ma vie brisée.

Juste à ce moment-là, mon téléphone a vibré. Une notification de message texte s'est affichée à l'écran.

            
            

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