Chapitre 2

« Élise ? Ta journée est finie. Il est temps d'y aller. » Ma collègue, Maria, une femme au visage aimable et aux yeux fatigués, a appelé du bout du couloir, brisant enfin le silence étouffant. C'était une bouée de sauvetage.

Le regard de Catherine s'est attardé sur mon dos alors que je me tournais pour répondre à Maria, une accusation silencieuse dans ses yeux. Je pouvais le sentir, un poids brûlant entre mes omoplates, même en m'éloignant.

Le chef de chantier, un homme trapu à l'expression perpétuellement grincheuse, m'a tendu une fine enveloppe. « Voilà ta paie, Martin. Ne sois pas en retard demain. » Le froissement des quelques billets à l'intérieur semblait dérisoire, à peine de quoi couvrir le loyer de la semaine.

Le loyer. Cette pensée était un nœud familier dans mon ventre. Chaque centime était compté, un exercice de funambule entre la survie et la misère.

Alors que je commençais à sortir, une main s'est agrippée à mon bras. Catherine. Sa poigne était étonnamment forte, presque désespérée.

« Élise, s'il te plaît. Laisse-nous t'aider. » Ses yeux étaient suppliants, remplis d'une culpabilité que je ne voulais pas voir. « On peut te donner de l'argent, un travail. Tout ce dont tu as besoin. »

Je me suis retournée lentement, mon regard balayant le visage de Catherine strié de larmes, puis Adrien, qui se tenait quelques pas derrière elle, la tête toujours baissée. Une lueur d'espoir a brillé dans les yeux de Catherine, une étincelle dangereuse que j'ai immédiatement reconnue.

D'un mouvement délibéré et lent, j'ai détaché ses doigts de mon bras, un par un. La peau où elle m'avait touchée semblait froide, engourdie.

« Vous ne pouvez pas me donner ce dont j'ai besoin », ai-je dit, ma voix plate, sans émotion.

La bouche de Catherine s'est ouverte, puis s'est refermée, ses mots étouffés. Ses yeux, remplis d'un mélange d'impuissance et de frustration, reflétaient un désespoir familier. Elle ne m'a pas suivie quand je suis sortie de l'immeuble.

Pas de temps pour les distractions. Cette vie, cette coquille d'existence, exigeait chaque once de ma concentration. La survie était un travail à plein temps. Je m'étais déjà étirée au-delà du point de rupture, juste pour rester en vie.

Ma chambre minuscule était à vingt minutes de marche du chantier où je prenais parfois des heures de nettoyage supplémentaires. Elle faisait moins de dix mètres carrés, une simple cloison la séparant d'un espace de vie commun, à peine plus qu'un placard. Les jours de pluie, le plafond fuyait, formant des taches sombres et grandissantes sur le matelas fin que j'appelais mon lit. Elle partageait un mur avec des toilettes publiques, et la faible odeur âcre d'urine rance était une compagne constante, surtout la nuit.

Le temps que j'arrive à ma porte, le ciel avait avalé les derniers vestiges de la lumière du jour, plongeant la ruelle dans une obscurité profonde et oppressante. J'étais épuisée, chaque muscle hurlant de protestation. J'ai enlevé mes chaussures d'un coup de pied, trop fatiguée pour même allumer l'unique ampoule nue qui pendait du plafond. Je me suis juste effondrée sur le matelas, prête pour l'oubli du sommeil.

Puis, on a frappé.

Un coup sec et insistant contre la porte en bois fragile. Ma première pensée a été pour le propriétaire, venant réclamer le loyer un jour en avance. Mon cœur a martelé contre mes côtes, une peur familière.

Je me suis redressée, traînant mes pieds las jusqu'à la porte. J'ai déverrouillé, l'ouvrant juste d'une fente, prête avec une excuse. Mais ce n'était pas le propriétaire.

Catherine se tenait là, le visage tiré, les yeux rougis. Et à côté d'elle, Jacques. Mon ex-mari. Il tenait son bras, sa main posée de manière protectrice sur son ventre visiblement arrondi. Ils détonnaient comme des oiseaux exotiques dans cette ruelle sordide, leurs vêtements de marque et leurs chaussures cirées contrastant violemment avec la saleté et le pavé fissuré.

J'ai instinctivement voulu claquer la porte, les repousser dans le passé auquel ils appartenaient. Mais Jacques a été plus rapide. Il a glissé son pied dans l'entrebâillement, m'empêchant habilement de la fermer.

Il a poussé la porte, entrant nonchalamment dans l'espace exigu. Il a jeté un coup d'œil autour de lui, son nez se plissant de dégoût, sa main se levant un instant pour couvrir sa bouche et son nez. Ses yeux, dépourvus de toute pitié réelle, se sont finalement posés sur moi.

« On a appris que tu étais en vie », dit-il, sa voix douce, presque répétée. « On n'arrivait pas à y croire. »

            
            

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