986 Nuits de Trahison
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Chapitre 2

Le bruit de la porte d'entrée se refermant résonna dans le penthouse silencieux. Charles-Édouard avait emmené Chloé aux urgences, au cas où. C'était une routine qu'il connaissait bien. Mon cœur, qui aurait dû s'emballer de colère, était étrangement calme. C'était le calme d'un champ de bataille après la défaite.

Cette maison, notre maison, ressemblait à un musée d'une vie qui n'avait jamais vraiment été la mienne. Les tableaux aux murs étaient les préférés d'Éléonore. Le piano à queue dans le salon était celui sur lequel elle jouait. Même le parfum des lys que la gouvernante plaçait dans le vase chaque matin était sa fleur signature.

Je suis retournée dans la chambre principale. Le duvet que Charles-Édouard avait préparé pour Chloé était froissé sur le sol. Son oreiller bordé de dentelle, l'oreiller d'Éléonore, était toujours sur la méridienne, un monument suffisant à sa victoire.

L'ordre de Charles-Édouard de la nuit dernière flottait dans l'air. « Excuse-toi. » Il ne m'avait pas crue. Il ne me croyait jamais.

Il m'avait aussi infligé une punition avant de partir. « Nettoie cette chambre. Et quand je reviendrai, je veux que tu aies jeté toutes tes huiles qui sentent le bas de gamme. L'odeur donne mal à la tête à Chloé. »

Mes parfums. Mon travail. Ma passion. Il les appelait des huiles bas de gamme.

Je me suis approchée de mon orgue à parfums, un magnifique bureau à gradins qui contenait des centaines de minuscules flacons d'huiles essentielles et d'absolues. C'était mon sanctuaire. Un cadeau de mon père, lui-même parfumeur, avant son décès.

Mes mains tremblaient alors que je commençais à les emballer, non pas pour les jeter, mais pour les sauver. Chaque flacon contenait un souvenir, un morceau de mon âme. Je ne pouvais pas le laisser détruire ça aussi.

J'ai terminé juste au moment où le soleil commençait à se lever. J'étais épuisée, mais je ne pouvais pas me reposer. Je devais trouver Charles-Édouard. Je devais voir son visage quand il n'était pas sous le charme de Chloé. Une petite partie stupide de moi espérait encore qu'il réaliserait son erreur.

J'ai appelé son téléphone. Directement sur la messagerie. J'ai appelé l'hôpital. L'infirmière a dit que M. de Villiers était passé mais était parti il y a des heures avec sa belle-sœur, qui allait parfaitement bien.

Une nausée m'a retourné l'estomac. J'ai consulté un site de potins sur mon téléphone, mes doigts tremblants.

Et voilà. Une photo, horodatée d'il y a à peine une heure. Charles-Édouard et Chloé, non pas à l'hôpital, mais dans une pâtisserie de luxe ouverte toute la nuit en plein centre-ville. Il souriait, lui donnant un croissant à manger, ses yeux pleins de cette douce affection qu'il me réservait autrefois. La légende disait : « Le magnat de l'immobilier Charles-Édouard de Villiers aux petits soins pour sa fragile belle-sœur Chloé Moreau après une frayeur nocturne. Y a-t-il plus dans cette histoire ? »

Les femmes de ménage commençaient à s'activer dans le penthouse, leurs chuchotements me suivant. Je pouvais sentir leur pitié. Madame de Villiers, la femme qui devait nettoyer sa propre chambre pendant que son mari était en rendez-vous public avec la sœur de sa fiancée décédée. L'humiliation était un poids physique.

J'ai placé les boîtes emballées de mes huiles de parfum près de l'ascenseur de service, disant au majordome que c'étaient des dons. C'était un mensonge, mais c'était le seul moyen de les faire sortir de la maison en toute sécurité. Un ami les récupérerait plus tard.

Je vidais les dernières de nos affaires communes d'un placard quand Charles-Édouard est enfin rentré. Il m'a trouvée tenant un album photo de notre lune de miel.

« Qu'est-ce que tu fais, Léna ? » demanda-t-il, sa voix douce, comme si de rien n'était.

« Je nettoie », ai-je dit, ma voix plate. J'ai jeté l'album dans un grand sac poubelle. « Je me débarrasse des vieilleries. »

« Des vieilleries ? » Il avait l'air blessé. « Ce sont nos souvenirs. »

Chloé apparut derrière lui, s'accrochant à son bras comme une liane. « Charles-Édouard, j'ai encore mal à la tête. Tu peux me faire un thé ? »

Elle m'a regardée, ses yeux brillant de triomphe. Elle portait un de ses pulls en cachemire coûteux, qui flottait sur sa petite silhouette, la faisant paraître encore plus enfantine et vulnérable.

« Dans une minute, Chlo », dit Charles-Édouard, ses yeux toujours sur moi. Il semblait sincèrement déconcerté par ma froideur.

« Mais j'en ai besoin maintenant », geignit-elle, sa lèvre inférieure tremblant. « Le médecin a dit que je devais rester calme. »

Il soupira, déchiré. C'était un spectacle pathétique. Il se tourna pour partir avec elle, puis s'arrêta. « On parlera plus tard, Léna. »

Je n'ai rien dit. Je les ai juste regardés s'éloigner, son bras protecteur autour d'elle. J'ai traîné le sac poubelle rempli de nos « souvenirs » jusqu'au vide-ordures et l'ai envoyé brûler sans un regard en arrière.

Plus tard dans la soirée, il m'a trouvée dans la bibliothèque. Il m'a apporté une petite assiette de macarons de la même pâtisserie où il avait emmené Chloé.

« Une offrande de paix », dit-il, un sourire charmant sur le visage.

J'ai regardé l'assiette. « Tu t'es excusé auprès d'elle ? »

Son sourire vacilla. « Léna, ne parlons pas de ça. C'était une nuit stressante pour tout le monde. »

« Est-ce qu'elle s'est excusée auprès de moi ? » ai-je insisté, ma voix toujours calme. « Pour avoir menti ? Pour m'avoir accusée d'avoir essayé de la tuer ? »

« Elle n'est pas bien », dit-il, l'excuse familière sonnant creux même à ses propres oreilles. « Tu connais son stress post-traumatique... elle est confuse. Elle pense qu'elle est en danger. »

« Alors tu m'as punie pour son délire. »

« Je ne t'ai pas punie », dit-il, sa voix montant en frustration. « Je t'ai juste demandé d'être compréhensive. Je l'ai punie, tu sais. Elle n'a pas le droit de faire du shopping pendant toute une semaine. »

Toute une semaine. La punition était si risible, si insultante, qu'un rire sec et sans joie m'échappa. Dans le couloir, je pouvais voir Chloé avachie sur un canapé, faisant défiler son téléphone, sans le moindre souci au monde.

« Je vois », ai-je dit, ma voix dégoulinant de sarcasme. « Comment va-t-elle survivre ? »

J'ai pris un des macarons de l'assiette. C'était à la pistache, mon préféré. Un parfum dont il se souvenait. Pendant un instant, une lueur de l'ancien Charles-Édouard sembla être là. Je l'ai mis dans ma bouche.

Le goût était parfait. Doux, noisetté, délicat.

Et puis les démangeaisons ont commencé.

Ma gorge a commencé à se serrer. Ma peau s'est couverte de plaques. Ma respiration est devenue sifflante, paniquée.

Les pistaches. Je n'y étais pas allergique.

Mais j'étais sévèrement, mortellement allergique aux amandes. Et ce macaron, cette offrande de paix, était fourré à la pâte d'amande.

Les yeux de Charles-Édouard s'écarquillèrent d'horreur en voyant mon visage enfler, ma peau devenir rouge. « Léna ! Oh mon Dieu, Léna ! »

Il chercha son téléphone pour appeler le SAMU. Au même moment, Chloé poussa un cri perçant depuis le couloir.

« Charles-Édouard ! Internet ! Ils disent des choses horribles sur toi et moi ! Ils me traitent de briseuse de ménage ! Je n'arrive plus à respirer ! Je fais une autre crise de panique ! »

Elle s'effondra sur le sol, sanglotant hystériquement.

La tête de Charles-Édouard tournait entre moi, suffoquant sur le sol de la bibliothèque, et Chloé, livrant la performance de sa vie dans le couloir.

Il m'a regardée, ses yeux pleins de panique et d'indécision. « Léna, je... »

Puis il s'est tourné et a couru vers Chloé.

« Tout va bien, Chlo, ne regarde pas ça. Je suis là », l'apaisa-t-il, la prenant dans ses bras. Il l'a choisie, elle. Il a choisi de réconforter sa fausse crise de panique pendant que ma gorge se fermait, pendant que j'étais en train de mourir.

Alors que ma vision commençait à se rétrécir, la dernière chose que j'ai vue fut Charles-Édouard emportant Chloé, me laissant seule sur le sol. Ma main, enflée et rouge, chercha mon sac à main, le stylo d'adrénaline que je portais toujours. J'étais seule. Je devais me sauver moi-même.

Et dans ce moment de trahison pure et atroce, je me suis souvenue d'une époque où il aurait déplacé des montagnes pour moi. Une fois où j'avais eu une légère réaction allergique dans un restaurant, et il m'avait portée lui-même jusqu'à la voiture, enfreignant toutes les règles de circulation pour m'emmener à l'hôpital, ne me quittant jamais des yeux. Cet homme était parti. Ou peut-être n'avait-il jamais vraiment existé.

            
            

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