Mon téléphone a vibré à nouveau. Un message de Marc.
« Virement de 500 EUR effectué. Fais-en bon usage. ;) »
Le clin d'œil. Ce clin d'œil arrogant m'a donné la nausée. 500 euros. Sur les deux millions qu'il convoitait, il me jetait des miettes comme à un chien. Dans ma vie passée, j'aurais été reconnaissante. J'aurais pensé : « Oh, il pense à moi. » Quelle idiote j'étais.
Je me suis souvenue de toutes les fois où il m'avait dit qu'on était "un peu justes ce mois-ci". Toutes les fois où j'avais dû renoncer à acheter quelque chose pour moi ou pour Manon parce que "les affaires étaient dures". Pendant ce temps, il payait des dîners hors de prix à Camille, des week-ends romantiques, des bijoux. Il finançait sa double vie avec l'argent que je croyais que nous économisions pour notre avenir. La rage était un feu qui brûlait froidement dans mes veines, me donnant la force de continuer.
J'ai attrapé Manon par la main.
« Viens, mon cœur, on va faire une petite surprise à tata Sophie. »
Sylvie est sortie de la cuisine.
« Où est-ce que vous allez comme ça ? Et c'est quoi ce sac ? »
« On va passer la journée chez ma sœur », ai-je répondu d'un ton léger. « On a besoin de prendre l'air. »
Elle m'a regardée avec méfiance, mais l'idée de nous avoir hors de ses pattes pour la journée a dû lui plaire.
« Hmph. Fais ce que tu veux. Mais ne rentre pas trop tard, Marc n'aime pas quand le dîner n'est pas prêt. »
Je lui ai adressé un sourire qui n'a pas atteint mes yeux.
« Ne t'inquiète pas pour ça, Sylvie. »
Nous sommes parties. Une fois dans la rue, j'ai respiré profondément. L'air de Paris m'a semblé différent. C'était l'air de la liberté. J'ai appelé un taxi et nous nous sommes dirigées vers le quartier du Marais, où vivait ma sœur Sophie.
Sophie. Mon ancre, ma seule véritable alliée dans ce monde. Elle avait toujours détesté Marc, sentant instinctivement sa fausseté. Je ne l'avais jamais écoutée. J'allais réparer cette erreur.
Quand nous sommes arrivées devant son immeuble, j'ai senti une pointe d'appréhension. Et si elle ne me croyait pas ? Et si elle pensait que je devenais folle ?
Nous sommes montées. La porte de son appartement était entrouverte. J'ai entendu des rires. La voix de ma sœur, et une voix d'homme.
J'ai poussé la porte doucement. Sophie était dans le salon, en train de rire avec un homme assis sur son canapé. Ils buvaient du café. L'homme s'est retourné en nous entendant.
Mon sang s'est glacé.
Je le connaissais.
Thomas. Un soi-disant "ami" de Marc. Un de ses plus proches collaborateurs chez le promoteur Moreau. Dans ma vie passée, après ma mort, c'est lui qui avait aidé Marc à "gérer" mes dernières affaires, s'assurant que tous les biens restants soient liquidés et que l'argent finisse dans la bonne poche.
Et il était là. Dans le salon de ma sœur. La regardant avec un sourire charmeur que je savais maintenant être aussi faux que celui de Marc.
Ce n'était pas une coïncidence.
Il n'était pas le nouveau petit ami de Sophie.
Il était un espion.
Marc, ne recevant pas la confirmation que l'argent était arrivé, avait déjà mis en place son plan B. Il avait envoyé son larbin pour surveiller ma sœur, mon seul refuge possible, pour savoir si je lui cachais quelque chose.
La toile d'araignée était déjà tissée autour de moi. Mais cette fois, je n'étais pas une mouche sans méfiance. J'étais l'araignée.