« J'ai appelé la banque ce matin », ai-je menti sans ciller. « Ils ont dit qu'il y avait un délai administratif. Ça peut prendre encore quelques jours. »
Je savourais la déception qui passait comme une ombre sur son visage. Il essayait de la cacher, mais je la voyais. Cette cupidité pure, non dissimulée.
Sylvie, sa mère, est intervenue, la voix pleine de reproches.
« Quelle incompétence ! Ces banquiers sont tous les mêmes. On ne peut jamais leur faire confiance. »
Marc a fait un pas vers moi, tendant la main.
« Laisse-moi voir ton téléphone. Je vais vérifier sur l'application de la banque. Tu as peut-être mal compris. »
Mon corps s'est raidi. C'était le moment de vérité. Je devais jouer mon rôle à la perfection, celui de la femme un peu naïve et soumise qu'il avait toujours connue. J'ai reculé d'un pas, serrant le téléphone contre ma poitrine comme s'il était un objet précieux et fragile.
« Mais non, Marc, je t'assure. Et puis, tu sais bien que je ne comprends rien à ces applications. C'est trop compliqué pour moi. »
J'ai baissé les yeux, feignant la confusion et une pointe de honte. C'était une performance, et ma vie en dépendait. Il m'a regardée avec un mélange de pitié et d'agacement, exactement la réaction que j'espérais. Il a toujours pensé que j'étais stupide. Parfait.
Pour rendre la scène encore plus crédible, j'ai changé de sujet, adoptant un ton enjôleur et un peu enfantin qui, je le savais, l'agaçait mais le désarmait en même temps.
« D'ailleurs, chéri... » J'ai fait une petite moue. « Mon portefeuille est complètement vide. Tu sais bien, avec toutes les dépenses pour Manon... Tu pourrais me donner un peu d'argent pour faire les courses aujourd'hui ? S'il te plaît ? »
Il m'a regardée, visiblement pris au dépourvu. Passer de deux millions d'euros à une demande de quelques dizaines d'euros pour les courses a dû provoquer un court-circuit dans son cerveau avide. C'était humiliant de devoir mendier de l'argent de la sorte, mais c'était nécessaire. C'était une pilule amère à avaler pour un gain futur bien plus grand.
Il a soupiré, l'air exaspéré, et a sorti son portefeuille. Il a hésité un instant entre un billet de vingt et un billet de cinquante. Finalement, il a sorti le billet de cinquante, comme s'il me faisait une faveur immense.
« Tiens. Et essaie d'être économe. »
J'ai pris le billet avec un grand sourire, jouant la gratitude.
« Oh, merci mon amour ! Tu es le meilleur ! »
Il a semblé satisfait de retrouver son rôle de mari généreux et supérieur. Il a jeté un dernier regard suspicieux vers mon téléphone, mais mon jeu d'actrice l'avait apparemment convaincu. Pour l'instant.
« Bon, je dois y aller. J'ai une réunion importante avec Moreau. On se voit ce soir. »
Il a embrassé sa mère sur la joue, m'a donné une bise rapide sur le front – que j'ai subie en serrant les dents – et est parti. La porte s'est refermée derrière lui. Je savais exactement où il allait. Pas à une réunion. Il allait rejoindre Camille. Il allait probablement utiliser l'argent qu'il me refusait pour lui acheter un cadeau.
Le silence est retombé dans l'appartement. Sylvie m'a fusillée du regard.
« Tu vois ? Tu dois toujours lui demander de l'argent. Si tu gérais mieux le budget, tu n'aurais pas à le faire. »
Je ne lui ai pas répondu. Je me suis retournée, le billet de cinquante euros froissé dans ma main. J'ai regardé Manon, qui jouait toujours tranquillement, ignorant tout du drame qui se nouait autour d'elle.
Dès que Sylvie a eu le dos tourné pour aller dans la cuisine, mon sourire a disparu. Mon visage est devenu un masque de haine pure.
Je l'ai maudit en silence. Chaque mot était un poison que je retenais dans ma gorge.
Espèce d'ordure. Animal. Monstre.
Tu crois que tu vas t'en tirer ? Tu crois que tu vas me voler, me détruire et prendre mon argent pour commencer une nouvelle vie sur les cendres de la mienne ?
Cette fois, les choses seront différentes.
Je vais te détruire. Toi, ta mère, ta maîtresse. Je vais vous anéantir. Vous ne m'enlèverez pas ma fille. Et vous ne toucherez pas à un seul centime de mon argent.
C'est une promesse.