L'Héritage Maudit de Manon
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Chapitre 1

Les souvenirs de ma vie passée me frappent comme un marteau. Le visage de ma fille, Manon, froid et sans vie sur un lit d'hôpital. L'odeur stérile du couloir et le silence assourdissant qui a suivi le moment où le médecin a secoué la tête. Elle n'avait que cinq ans. Cinq ans.

Puis, il y a eu Marc. Mon mari. Le père de Manon. Je me souviens de son visage, non pas tordu par le chagrin, mais par une sorte de soulagement impatient. À l'enterrement, il tenait ma main, mais son regard était ailleurs. Il pensait déjà à l'argent.

L'argent de l'héritage de ma grand-mère. La boutique de fleurs, notre petit coin de paradis à Paris, avait été vendue de force pour un projet de réaménagement urbain. Deux millions d'euros. Une somme qui devait nous assurer un avenir, un avenir qu'il avait déjà planifié sans moi, sans Manon.

La vérité a éclaté quelques semaines plus tard. Une lettre anonyme. Des photos. Marc avec sa maîtresse, Camille. Enceinte. Ils souriaient sur les photos, trinquant avec du champagne. La lettre expliquait tout. L'« accident » de Manon sur le chantier n'était pas un accident. C'était une négligence calculée, orchestrée par Bernard Moreau, le promoteur, pour qui Marc travaillait. Moreau voulait le terrain, et Marc voulait l'argent, libre de toute attache. Il voulait un fils, et Camille le lui donnait. Manon n'était qu'un obstacle.

Le chagrin s'est transformé en une rage froide. Mais j'étais seule, brisée. Quand j'ai confronté Marc, il n'a même pas nié. Il a ri. Il m'a dit que j'étais une idiote et que je ne pourrais jamais rien prouver. Il a pris l'argent et il est parti. Je suis morte ce jour-là. Pas physiquement, pas tout de suite. Mais mon âme a quitté mon corps. Je me suis laissée dépérir, seule dans l'appartement vide, jusqu'à ce que mon cœur s'arrête.

Et puis, je me suis réveillée.

La lumière du matin filtrait à travers les rideaux de notre chambre. L'odeur du café venait de la cuisine. J'ai regardé mes mains. Elles n'étaient pas les mains émaciées d'une femme en deuil. Elles étaient pleines, vivantes. J'ai attrapé mon téléphone sur la table de chevet. La date. 15 juin 2023. Un an. Un an avant la mort de Manon. Un an avant que tout ne s'effondre.

Mon cœur battait à tout rompre. Était-ce un rêve ? Une hallucination ?

Soudain, le téléphone a vibré dans ma main. Une notification est apparue sur l'écran.

[BNP Paribas] : Virement reçu. Montant : 2 000 000,00 EUR. Motif : Vente propriété Dubois.

L'argent.

L'argent qui avait causé ma perte était maintenant entre mes mains, avant même que Marc ne puisse y poser ses sales pattes.

Une vague de froid m'a parcourue, suivie d'une chaleur intense. Ce n'était pas un rêve. C'était une seconde chance. Une chance de tout changer. Une chance de me venger.

Ma première pensée, mon seul impératif : Manon.

Je me suis levée d'un bond, ignorant le vertige. J'ai couru hors de la chambre, le cœur dans la gorge. Je suis entrée dans sa petite chambre décorée de papillons et d'étoiles.

Elle était là.

Assise sur son tapis, jouant avec ses poupées. Elle a levé la tête, ses grands yeux bruns brillant d'innocence.

« Maman ? »

Je me suis effondrée à genoux et je l'ai serrée dans mes bras. Je l'ai serrée si fort que j'avais peur de lui faire mal. Je respirais son odeur, l'odeur de ses cheveux, de sa peau. Elle était chaude. Vivante. Réelle. Des larmes coulaient sur mes joues, des larmes de soulagement si intenses qu'elles me brûlaient.

« Maman, tu m'écrases », a-t-elle babillé.

J'ai desserré mon étreinte, mais je ne l'ai pas lâchée. Je lui ai caressé le visage, les cheveux. Elle était là. Je l'avais sauvée, sans même savoir comment.

« Je t'aime, mon trésor. Je t'aime plus que tout au monde. »

C'est à ce moment-là que la porte s'est ouverte. Ma belle-mère, Sylvie, se tenait sur le seuil, un torchon à la main. Son visage était pincé, comme toujours.

« Jeanne, qu'est-ce que tu fais par terre ? Tu vas la rendre capricieuse. Et puis, arrête de pleurer, tu vas lui faire peur. »

Le son de sa voix m'a glacé le sang. Dans ma vie passée, elle avait été la complice silencieuse de Marc. Elle avait toujours méprisé Manon parce que c'était une fille. Elle voulait un petit-fils pour perpétuer le nom des Moreau.

Elle a regardé Manon avec dédain.

« Si seulement ça avait été un garçon. Un garçon aurait su se faire respecter. »

J'ai senti la rage monter en moi, pure et noire. Je me suis relevée lentement, en gardant Manon derrière moi, comme une lionne protégeant son petit.

« Ne parle plus jamais de ma fille comme ça, Sylvie. »

Elle a haussé un sourcil, surprise par mon ton.

« Pardon ? Mais pour qui te prends-tu ? »

Avant que je puisse répondre, Marc est entré dans l'appartement. Il était pimpant dans son costume, tout sourire. Le même sourire charmeur et faux qui m'avait trompée pendant des années.

« Bonjour ma chérie ! Bonjour maman ! »

Il a essayé de m'embrasser, mais j'ai tourné la tête. Son regard s'est immédiatement posé sur mon téléphone, que je tenais toujours fermement dans ma main. Ses yeux se sont illuminés d'une lueur avide.

Le masque est tombé. Il n'a même pas attendu cinq minutes.

« Alors, chérie ? L'argent de la vente de la boutique de ta grand-mère... c'est arrivé ? »

            
            

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