Chapitre 5

Quelques jours plus tard, c'était la fête de fin d'année du lycée, un événement incontournable. Je n'avais aucune envie d'y aller, mais mes parents ont insisté, disant que ce serait ma dernière chance de dire au revoir à tout le monde. L'ironie de la situation ne m'a pas échappé. Je me suis habillée simplement, sans effort, déjà détachée de tout ce que cette soirée représentait.

Dès mon arrivée, j'ai été assaillie de questions. "Camille ! Alors, c'est vrai ce qu'on dit ? Toi, Marc et Léo, c'est un triangle amoureux ?" a demandé une fille que je connaissais à peine. La rumeur avait visiblement fait son chemin. Je me suis contentée de hausser les épaules et de m'éloigner.

Puis j'ai entendu des chuchotements plus méchants. "Regarde-la, elle fait la tête parce que les garçons préfèrent Chloé maintenant." "On dirait qu'elle ne supporte pas la compétition." "Chloé est tellement plus douce et gentille. Pas étonnant qu'ils l'aient choisie." Chaque mot était une petite piqûre, mais j'ai gardé un visage impassible. Leurs opinions n'avaient plus d'importance.

Marc, Léo et Chloé sont arrivés ensemble, riant et se bousculant comme s'ils étaient les rois de la soirée. Chloé portait une robe spectaculaire, clairement choisie pour attirer l'attention. Ils m'ont vue, mais n'ont fait aucun effort pour venir me parler. Ils ont rejoint leur groupe d'admirateurs, renforçant mon sentiment d'être une paria.

La soirée a continué. Les gens se sont mis à me lancer des piques ouvertement. "Alors, Camille, pas trop dur d'être la troisième roue du carrosse ?" a lancé un garçon, ce qui a provoqué des rires étouffés. Je l'ai ignoré, prenant une gorgée de mon verre d'eau, mon regard fixé sur un point vague au loin. Ma froideur semblait les déconcerter.

J'ai observé Marc ajuster délicatement une mèche de cheveux de Chloé, et Léo lui apporter un verre, s'assurant qu'elle ne manquait de rien. Ils la couvaient, la traitaient comme un trésor fragile. La vue de leur dévotion aveugle ne me faisait même plus mal, elle me paraissait juste... pathétique. Je me suis installée dans un fauteuil dans un coin sombre, une spectatrice silencieuse de leur petite comédie.

Inévitablement, quelqu'un a eu l'idée de jouer à "Action ou Vérité". J'ai été entraînée dans le cercle contre mon gré. La bouteille a tourné et, bien sûr, elle s'est arrêtée sur moi. "Vérité," ai-je dit d'une voix lasse, voulant en finir au plus vite.

"Quel est ton plus grand secret en ce moment ?" a demandé la fille qui m'avait interrogée plus tôt, un sourire malicieux sur les lèvres. Tous les regards se sont tournés vers moi. Je pouvais sentir l'attente de Marc et Léo. "Mon plus grand secret," ai-je commencé lentement, en les regardant droit dans les yeux, "c'est que je prépare le plus grand voyage de ma vie." C'était vague, mais lourd de sens pour moi. Ils ont froncé les sourcils, perplexes.

La bouteille a tourné à nouveau. Encore moi. "Action, cette fois," ai-je soupiré. "Appelle la personne que tu aimes le plus et dis-lui ce que tu ressens." Le piège était évident. Ils s'attendaient tous à ce que j'appelle Marc ou Léo. Je pouvais voir la tension sur leurs visages, un mélange de nervosité et d'ego. Ils voulaient que je choisisse, là, devant tout le monde.

J'ai sorti mon téléphone. Le silence était total. J'ai fait défiler mes contacts, puis j'ai appuyé sur un numéro. "Allô, maman ?" ai-je dit, ma voix soudainement douce. "Je voulais juste te dire que je t'aime plus que tout au monde." Un murmure de déception a parcouru le groupe. Marc et Léo semblaient... déçus.

Soudain, Chloé a poussé un petit cri. "Oh, mon Dieu, ma robe !" Elle a fait semblant de trébucher et a renversé son verre sur elle. C'était une manœuvre si évidente pour détourner l'attention, pour mettre fin à un moment qui ne la mettait pas en valeur. Elle a couru aux toilettes, suivie de près par ses deux chevaliers servants.

Elle est revenue quelques minutes plus tard, ayant "réparé" les dégâts. Mais ce n'était pas tout. Elle portait maintenant un magnifique bracelet de diamants au poignet, un de ceux que Marc lui avait offert après "l'incident du collier". Elle l'a fait scintiller sous les lumières, s'assurant que tout le monde, et surtout moi, le voie bien. Le message était clair : elle avait gagné. Elle avait tout ce qui aurait dû être à moi. Et je m'en fichais éperdument.