"Au fait," a-t-elle ajouté, "un colis est arrivé pour toi. C'est le cadeau de fin d'études que ta grand-mère t'a commandé avant de... avant de partir. Il devrait arriver aujourd'hui. C'est une édition limitée, quelque chose que tu voulais depuis longtemps." Mon cœur s'est emballé. Je savais exactement de quoi il s'agissait. Un stylo plume de collection, gravé à mon nom. Ma grand-mère et moi partagions une passion pour l'écriture. C'était son dernier cadeau, un trésor inestimable.
J'ai passé le reste de la journée à guetter le livreur, l'excitation se mêlant à la tristesse du souvenir de ma grand-mère. Quand la sonnette a enfin retenti, j'ai dévalé les escaliers. Mais il était trop tard. Chloé était déjà à la porte, signant pour le colis. Elle l'a pris, a regardé le nom sur l'étiquette et l'a ouvert sans la moindre hésitation, juste devant moi.
"Oh, c'est pour toi, Camille ? " a-t-elle dit avec un faux air de surprise, sortant le magnifique stylo de son écrin. "Wow, il est superbe. Je peux l'essayer ?" Avant que je puisse répondre, elle l'avait déjà saisi et commençait à gribouiller sur un bout de papier.
La colère a explosé en moi, chaude et violente. "Lâche ça, Chloé ! Ce n'est pas à toi ! Tu n'avais pas le droit de l'ouvrir !" J'ai tendu la main pour le récupérer.
Elle a reculé, serrant le stylo contre sa poitrine. "Pourquoi es-tu si agressive ? Je voulais juste regarder." Son ton était celui d'une victime, comme toujours.
"Je t'ai dit de le lâcher !" J'ai fait un pas en avant, et nos mains se sont rencontrées sur l'objet. Nous avons tiré, chacune de notre côté. Il y a eu un craquement horrible. Le stylo s'est brisé en deux. Le silence est tombé, lourd et choquant. Je regardais les deux moitiés de mon dernier lien avec ma grand-mère, gisant sur le sol.
Les larmes me sont montées aux yeux, des larmes de rage et de chagrin. "Regarde ce que tu as fait ! " ai-je crié, ma voix brisée. "Tu as tout cassé ! Tout !" C'était plus que le stylo. C'était tout. Notre amitié, mes souvenirs, mon cœur.
Attirés par mes cris, Marc et Léo sont arrivés en courant. Ils ont vu la scène : moi, debout et furieuse, Chloé, assise par terre, le visage baigné de larmes, les morceaux du stylo entre nous.
"Je suis désolée, Camille," a sangloté Chloé. "Je ne sais pas ce qui m'a pris. Tu as tiré si fort... je n'ai pas pu le retenir. Je ne voulais pas le casser, je le jure." Elle a tourné son visage plein de larmes vers Marc et Léo, l'incarnation de l'innocence bafouée.
"Camille ! Qu'est-ce qui te prend ?" a hurlé Marc, se précipitant pour aider Chloé à se relever. "Regarde dans quel état tu l'as mise ! Ce n'est qu'un stupide stylo !"
"Ce n'est pas un stupide stylo !" ai-je répliqué, tremblante. "C'était un cadeau de ma grand-mère ! Et elle l'a ouvert sans ma permission ! "
"Elle ne l'a pas fait exprès !" a défendu Léo. "Tu es toujours en train de l'attaquer ! Tu ne vois pas qu'elle est fragile ? Tu dois t'excuser auprès d'elle."
M'excuser ? L'absurdité de la situation m'a frappée de plein fouet. "Il y a une caméra de surveillance juste au-dessus de la porte," ai-je dit d'une voix glaciale. "Regardons l'enregistrement. On verra bien qui a fait quoi."
Le visage de Chloé a pâli. Elle s'est mise à pleurer encore plus fort, de manière hystérique. "Non, non ! Je ne veux pas ! J'ai tellement honte ! Camille, s'il te plaît, pardonne-moi ! Ne me fais pas subir ça !" Ses sanglots étaient si convaincants, si pitoyables.
Marc a été complètement conquis. "Arrête, Camille. Tu vas la traumatiser. C'est bon, on a compris. Tu es en colère. Mais tu n'as pas besoin de l'humilier comme ça. Demande-lui pardon et passons à autre chose."
"Tu es méchante," a ajouté Léo, son regard dur. "Tu es devenue une personne méchante et amère. Je ne te reconnais plus."
Leurs mots m'ont transpercée, mais ma décision était prise. Je les ai regardés, eux et leur précieuse Chloé, et je n'ai ressenti qu'un dégoût profond. Je ne me suis pas excusée. Je ne leur ai plus rien dit. J'ai ramassé les morceaux brisés de mon stylo et je suis remontée dans ma chambre, le cœur lourd mais l'esprit clair. Le compte à rebours avant mon départ venait de commencer. Je comptais chaque seconde qui me séparait de ma libération.