« Ne t'inquiète pas, » répondit Sébastien, sa voix basse et apaisante. « C'est juste un caprice. Elle reviendra. Elle a toujours été comme ça, un peu fragile. Il suffit de lui couper les vivres, de l'isoler, et elle reviendra supplier. C'est la technique que j'ai toujours utilisée pour qu'elle reste sage. »
Mon sang se glaça dans mes veines. Une technique ? Il avait délibérément manipulé mes émotions, mes peurs, pendant des années, pour me garder sous son contrôle ? Tous ces moments où je me sentais seule, où je pensais qu'il était juste "distant" ou "occupé", c'était une stratégie calculée. J'ai repensé à ma vie passée, à toutes les fois où il m'avait subtilement rabaissée, critiqué mes amitiés, découragé mes ambitions. Ce n'était pas de la négligence. C'était de la malveillance.
« Mais Sébastien, » reprit Chloé, sa voix mielleuse. « Et si cette fois elle ne revenait pas ? Et si elle rompait vraiment les fiançailles ? Tu sais à quel point j'ai travaillé pour ça... pour nous. »
J'ai senti une nausée monter en moi. Elle avait travaillé pour ça ? Pour briser mon mariage ?
La réponse de Sébastien a été le coup final. « Chut, mon amour. Rien ne nous arrêtera. Ce mariage avec Amélie n'est qu'une formalité pour apaiser ma famille et sécuriser ma position. Une fois que ce sera fait, je divorcerai et nous pourrons enfin être ensemble, au grand jour. Personne ne pourra te reprocher d'avoir brisé une union, tu seras juste la pauvre petite qui a consolé un homme malheureux. Le plan est parfait. »
Le souffle m'a manqué. La douleur était si intense que j'ai cru que j'allais vomir. J'ai dû m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber. Tout était un plan. Ma vie entière avec lui, ma future vie, tout avait été orchestré par ces deux monstres.
Je suis sortie de la chambre en silence, me dirigeant vers la salle de bain. J'ai pris la bague de fiançailles de mon doigt, ce symbole de leur tromperie, et je l'ai posée sur une petite table dans l'entrée. Je ne voulais même plus la lui rendre en personne. J'ai appelé un service de coursier, leur demandant de venir chercher des boîtes. J'allais tout lui renvoyer.
Quelques jours plus tard avait lieu le bal de charité annuel de la Fondation Moreau. Ma mère m'a suppliée d'y aller, pour "sauver les apparences". J'ai accepté, non pas pour elle, mais pour moi. Je voulais leur montrer que je n'étais pas brisée.
Je suis arrivée seule, dans une robe sobre qui contrastait avec les tenues extravagantes des autres invitées. Sébastien était là, bien sûr, avec Chloé à son bras. Il m'a vue et s'est approché, un paquet à la main.
« Amélie. Je suis content que tu sois venue, » a-t-il dit, comme si de rien n'était. « Je t'ai apporté quelque chose. »
Il m'a tendu la boîte. Je l'ai ouverte. C'était un flacon de parfum commercial, une marque de luxe très connue, mais aussi très commune. Un parfum que n'importe qui pouvait acheter.
« C'est pour remplacer celui qui s'est cassé, » a-t-il ajouté, fier de son geste.
Le geste était tellement insultant, tellement révélateur de son ignorance de qui j'étais. Il pensait pouvoir remplacer une essence rare et personnelle, un héritage familial, par un produit de masse.
J'ai refermé la boîte et la lui ai tendue. « Garde-le, Sébastien. Tu n'as jamais su quel parfum je portais, n'est-ce pas ? Tu ne m'as jamais vraiment vue. »
Son visage s'est décomposé. Il a ouvert la bouche pour répondre, mais Chloé, sentant qu'elle perdait le contrôle, a choisi ce moment pour intervenir.
« Oh... je ne me sens pas bien, » a-t-elle murmuré, vacillant et s'appuyant lourdement contre Sébastien. « J'ai la tête qui tourne. »
Immédiatement, toute l'attention de Sébastien s'est tournée vers elle. Il a oublié mon existence, la conversation, tout. « Chloé ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Viens, je t'emmène prendre l'air. »
Il l'a prise dans ses bras et l'a emmenée vers la terrasse, me laissant seule au milieu de la foule. C'était le même schéma, encore et encore. Sa fausse fragilité était son arme la plus puissante.
Plus tard dans la soirée, en cherchant un endroit calme, je suis passée près de cette même terrasse. La porte était entrouverte. Par curiosité morbide, j'ai jeté un œil. Et je les ai vus. Il n'y avait aucune trace de malaise sur le visage de Chloé. Elle était pressée contre Sébastien, ses bras autour de son cou, et ils s'embrassaient. Un baiser passionné, profond, un baiser qu'il ne m'avait jamais donné. La vue était si choquante, si crue, que j'ai senti mon estomac se retourner. C'était la preuve ultime, indéniable.