Le retour à l'appartement fut un supplice. À peine Adèle avait-elle franchi la porte que Sophie l'attendait dans le salon, un sourire triomphant aux lèvres.
« Adèle, te voilà enfin. Marc s'inquiétait. » Son ton était faussement compatissant. Elle s'approcha, comme pour lui confier un secret. « Tu sais, Marc et moi, on se connaît depuis si longtemps. Bien avant qu'il ne te rencontre. Il y a toujours eu quelque chose entre nous. »
C'était une provocation directe, une déclaration de victoire. Adèle la regarda, son visage inexpressif.
À cet instant, Marc sortit de sa chambre. Voyant la tension, il se précipita vers Adèle et la poussa doucement vers leur chambre.
« Viens, ma chérie. Tu as l'air fatiguée. Sophie, laisse-nous. »
Il ferma la porte derrière eux, essayant de la prendre dans ses bras, mais Adèle le repoussa. Elle avait besoin d'air. Elle quitta la chambre et se dirigea vers la cuisine pour se servir un verre d'eau.
Et c'est là qu'elle les vit.
Dans le reflet de la grande baie vitrée du salon, elle vit Marc rejoindre Sophie. Il ne perdit pas une seconde. Il la plaqua contre le mur, sa bouche dévorant la sienne dans un baiser sauvage, désespéré. Ses mains parcouraient son corps avec une familiarité qui fit mal à Adèle.
Sophie ne le repoussa pas. Au contraire, elle répondit à son baiser avec la même ardeur, ses doigts s'agrippant à ses cheveux. Puis, lentement, elle tourna la tête et son regard croisa celui d'Adèle dans le reflet. Un sourire mauvais, plein de mépris, se dessina sur ses lèvres. Elle ne rompit pas le baiser, défiant Adèle du regard, savourant son humiliation.
Adèle resta figée, le verre d'eau tremblant dans sa main. Le son de son propre cœur battait à ses oreilles, un rythme assourdissant. Elle se souvint d'une époque, au début de leur relation, où Marc la regardait avec cette même faim, cette même possessivité. Il lui avait dit un jour : « Tu es à moi, Adèle. Seulement à moi. Je ne pourrais jamais supporter de te voir avec un autre homme. »
Ces mots, qui lui avaient semblé si romantiques à l'époque, résonnaient maintenant comme une blague cruelle.
Le baiser prit fin. Marc, le souffle court, se détacha de Sophie. Sans même un regard en arrière, il se tourna et revint vers la cuisine, où Adèle se tenait, immobile.
Il lui sourit, comme si de rien n'était.
« Ça va mieux, mon amour ? Ton mal de tête est passé ? »
Sa voix était douce, pleine de sollicitude. Le contraste entre ce qu'elle venait de voir et ce qu'elle entendait maintenant était si violent, si absurde, qu'Adèle sentit un rire hystérique monter en elle. Elle le ravala de justesse. Son visage resta un masque de calme, mais à l'intérieur, c'était un chaos de douleur et de rage.
Cette nuit-là, Marc se réveilla en sursaut, hurlant.
« Adèle ! Ne me quitte pas ! »
Il était en sueur, tremblant. Il se tourna vers elle et la serra contre lui avec une force désespérée.
« J'ai fait un cauchemar horrible. Tu partais. Tu me laissais tout seul. »
Adèle le laissa faire, son corps passif dans ses bras. Elle le regarda, les yeux grands ouverts dans l'obscurité. Son cauchemar. Bientôt, ce serait sa réalité. Et elle, elle serait enfin libre. La pensée lui apporta une étrange forme de paix.