Le lendemain, j'ai engagé un détective privé. Un homme discret recommandé par un ami de Sophie.
Je lui ai tout dit. Le groupe sanguin. La conversation de Louis. Chloé.
Il m'a écoutée sans un mot, son visage impénétrable.
Une semaine plus tard, il m'a appelée.
« J'ai des informations. Pouvons-nous nous voir ? »
Nous nous sommes retrouvés dans un café anonyme. Il a posé un dossier brun sur la table.
« Votre fils... le garçon que vous avez mis au monde... a bien été échangé à la naissance. »
Chaque mot était un coup de marteau.
« Il a été déclaré mort-né à cause d'une erreur administrative. C'est ce que les documents officiels disent. C'est un faux. »
Il a poussé le dossier vers moi.
« La vérité est... différente. »
J'ai ouvert le dossier. Mon cœur battait à tout rompre.
La première page était une photo. Une photo prise de loin, à travers une fenêtre. Chloé Renaud, dans un laboratoire. Sur une paillasse, un bocal en verre.
Dans le bocal, flottant dans un liquide jaunâtre, il y avait une petite forme. Un bébé.
Mon bébé.
Le détective a parlé, sa voix basse.
« Elle l'a emmené le jour de sa naissance. Elle l'a tué. Et elle l'a conservé. Comme un trophée. »
Le monde s'est effondré. Le bruit du café a disparu. Je ne voyais que cette photo. Ce bocal.
Le soir, Louis est rentré avec un grand sourire.
« Chérie, devine quoi ? J'ai une surprise pour Léo. »
Il ne savait pas que j'avais passé l'après-midi à vomir, l'image de mon fils assassiné gravée dans mon esprit.
Il m'a envoyé un message plus tard, alors que j'étais enfermée dans la chambre. Une photo de lui et Léo, souriants. La légende disait : "Le père et le fils. Rien ne peut nous séparer."
L'ironie était si cruelle qu'elle m'a fait rire. Un rire sans joie, qui s'est transformé en sanglots.
Le lendemain, Chloé est arrivée.
Je l'ai vue depuis la fenêtre. Elle est sortie d'un taxi. Louis était là pour l'accueillir.
Il l'a prise dans ses bras. Pas une étreinte amicale. Une étreinte passionnée, désespérée. Il a enfoui son visage dans son cou. Il l'a embrassée sur les lèvres. Longuement.
Juste là, dans la rue, devant notre immeuble.
Je me suis reculée de la fenêtre. Mes jambes ont flanché. Je me suis assise par terre, le dos contre le mur froid.
La trahison n'était plus un soupçon. C'était une certitude, brûlante et douloureuse.
Cette nuit-là, j'ai fait un cauchemar. J'étais dans un laboratoire sombre. Chloé était là, un scalpel à la main. Elle souriait. Sur la table, il y avait le bocal. Elle le soulevait et me le montrait.
« Regarde comme il est beau, ton fils. »
Je me suis réveillée en sueur, le cœur battant la chamade. J'avais de la fièvre. Mon corps entier me faisait mal.
Quand je suis sortie de la chambre, Chloé était dans le salon. Elle portait un de mes peignoirs.
Elle tenait une tasse de café.
« Bonjour Amélie. J'espère que tu as bien dormi. Louis m'a dit que tu étais un peu fragile ces derniers temps. »
Son sourire était doux. Ses yeux étaient froids comme la mort.
Léo est arrivé en courant. Il s'est arrêté net en la voyant.
« Bonjour, Léo. Je suis Chloé, une amie de ton papa. »
Léo l'a regardée, a hésité, puis il s'est approché d'elle.
« Tu es jolie », a-t-il dit.
Chloé a ri. Un rire cristallin.
« Toi aussi, tu es un très beau garçon. »
Elle lui a caressé la joue. Et à ce moment-là, j'ai vu. La même forme de menton. Les mêmes yeux.
Mon monde s'est brisé en un million de morceaux.