Chapitre 4

Trois jours plus tard, le téléphone a sonné au milieu de la nuit. C'était Julien. Sa voix était paniquée, mais je pouvais déceler la fausse note, la performance.

« Éloïse, c'est une catastrophe ! C'est Sophie ! »

Sophie. Sa complice. Sa maîtresse. La femme qui m'avait regardée mourir avec un sourire.

« Qu'est-ce qui lui arrive ? » ai-je demandé, ma voix plate.

« Elle a eu un accident... Ses reins... les médecins disent qu'elle a besoin d'une greffe, et vite. Ils ont fait des tests... Éloïse, c'est incroyable, tu es parfaitement compatible. »

Le silence s'est installé. Il attendait ma réaction.

Le deuxième sacrifice. La santé. Ma propre chair.

Dans notre vie passée, Sophie n'avait jamais eu de problème de santé. C'était un mensonge, un stratagème cruel. Il voulait me diminuer, me briser physiquement, me rendre plus dépendante de lui. Et il utilisait l'amour comme une arme.

« Éloïse, je sais que c'est beaucoup demander, a-t-il repris, sa voix suintant la fausse compassion. Mais c'est ma plus vieille amie, elle est comme une sœur pour moi. Je ne peux pas la laisser mourir. S'il te plaît, mon amour. Fais-le pour moi. »

Fais-le pour moi. Ces mots résonnaient dans ma tête. La dernière fois, il les avait utilisés pour me convaincre de lui céder mes droits de vote dans l'entreprise.

Je suis restée silencieuse un long moment. Je l'ai laissé mariner dans son anxiété.

« D'accord, Julien. »

« Vraiment ? » Sa surprise était authentique. Il s'attendait à devoir se battre, à me manipuler pendant des jours.

« Oui. Si c'est si important pour toi, je le ferai. »

L'opération a été programmée en urgence. Mon grand-père était là, à l'hôpital. Il ne m'a pas posé de questions. Il m'a juste tenu la main avant que je ne m'endorme sous l'effet de l'anesthésie. Son contact était la seule chaleur dans ce monde de glace.

Quand je me suis réveillée, la douleur était vive sur mon flanc. J'étais affaiblie. Le médecin est venu me voir.

« L'opération a été un succès, Mademoiselle. Mais vous devez savoir qu'avec un seul rein, une future grossesse serait extrêmement risquée. Nous vous le déconseillons fortement. »

J'ai perdu la capacité de porter un enfant. Un sacrifice de plus sur l'autel de ma vengeance.

Julien est venu me voir plus tard. Il m'a apporté des fleurs, son visage débordant de gratitude. Il a embrassé mon front.

« Tu es un ange, Éloïse. Un véritable ange. »

Alors qu'il se penchait, sa manche a glissé. J'ai vu son bras.

Le premier sceau en forme de serpent était maintenant plus sombre, plus net. Et à côté, un deuxième était apparu, s'enroulant autour du premier.

Il a vu que je regardais. Il a souri.

« Notre lien se renforce, mon amour. Je le sens. »

J'ai fermé les yeux, cachant le dégoût et le triomphe qui se battaient en moi.

Deux sacrifices accomplis. Il n'en restait plus qu'un.

Le pire.