La douleur a commencé dans mon ventre, une brûlure froide qui s'est étendue à tout mon corps. Je suis tombée. La dernière chose que j'ai vue, c'est le visage de Julien, déformé non pas par l'inquiétude, mais par une impatience à peine contenue.
Puis, le noir.
Et maintenant, je suis de retour.
J'ai vingt-et-un ans. Je suis dans la crypte du château de ma famille en Bretagne. L'air est froid et sent la pierre humide et les siècles passés. Devant moi, sur un autel de granit, repose un morceau de parchemin jauni et un stylet en os.
Mon grand-père se tient à mes côtés. Ses yeux, d'un bleu délavé, sont pleins d'une sagesse ancienne. Il est le gardien de notre secret, celui de la lignée de la fée Mélusine.
« Éloïse, le moment est venu. »
Sa voix est un murmure grave.
« Tu dois choisir. Ce choix définira qui tu seras pour le reste de ta vie. Il est irréversible. »
La dernière fois, j'ai choisi de rester une femme. Pour Julien. J'étais folle de lui, un jeune homme ambitieux venu de rien. J'ai utilisé la fortune et l'influence de ma famille pour faire de lui un roi de la finance parisienne. En retour, il m'a tuée pour cette même fortune.
Dehors, j'entends des pas impatients. C'est lui. Julien. Il attend, convaincu que je ferai le même choix. Il est revenu, lui aussi. Je le sens. L'arrogance dans son âme est une odeur que je ne pourrai jamais oublier.
Mon grand-père me tend le stylet. Ma main ne tremble pas.
Je me penche sur le parchemin. Je n'écris pas « Femme ».
Avec une détermination glaciale, je trace les lettres du mot « Homme ».
La magie crépite dans l'air, une énergie froide qui me parcourt. C'est fait. Le processus est enclenché. Il prendra une semaine pour être complet.
Je me tourne vers mon grand-père.
« S'il vous plaît. Gardez le secret pendant une semaine. Ne dites rien à personne. »
Il hoche la tête, son regard ne me quittant pas.
« Ta volonté est la mienne, Éloïse. »
Je sors de la crypte. La lumière du jour m'aveugle un instant. Julien se précipite vers moi, son visage une parfaite composition d'amour et d'inquiétude.
« Mon amour ! Alors ? Tout s'est bien passé ? »
Je le regarde. Je vois le meurtrier derrière le masque de l'amant.
Je lui souris.
« Oui, Julien. Tout s'est parfaitement bien passé. »