Mon Sauveur Silencieux
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Chapitre 1

Je me souviens encore de la faim qui me tordait l'estomac au lycée. C'était une douleur constante, une compagne silencieuse pendant les cours.

Mon ventre gargouillait si fort que je devais me pencher en avant, espérant que personne n'entende.

Ce jour-là, le cours de maths semblait interminable. Le professeur parlait, mais je ne voyais que des chiffres flous. Ma tête tournait. Je n'avais rien mangé depuis le dîner de la veille, un simple bol de riz.

La sonnerie du déjeuner a retenti comme une libération. Tout le monde s'est précipité hors de la salle. Je suis restée, la tête posée sur mon bureau, essayant de rassembler mes forces.

« Tu ne vas pas manger ? »

J'ai levé la tête. C'était Antoine. Il se tenait devant moi, son sac de déjeuner à la main. Il était dans ma classe, mais on ne se parlait jamais. Il venait du 16ème arrondissement, un autre monde. Il avait toujours l'air de s'ennuyer, les yeux perdus dans le vague.

J'ai secoué la tête.

« Je n'ai pas faim. »

Mon estomac a gargouillé à ce moment-là, me trahissant. Un rouge de honte m'est monté aux joues.

Il n'a rien dit. Il a juste ouvert son sac et en a sorti un sandwich emballé dans du papier de luxe. Il l'a posé sur ma table.

« Tiens. Ma mère m'oblige à manger ce que la cuisinière prépare. Il y en a toujours trop. »

Le sandwich était épais, rempli de jambon de Parme et de fromage. L'odeur m'a presque fait pleurer. J'ai hésité. Ma fierté luttait contre ma faim.

« Je ne peux pas accepter. »

« Alors jette-le. Je le ferai de toute façon. »

Il s'est assis à la table d'à côté, a sorti ses propres affaires et a commencé à manger. Il ne me regardait pas.

Finalement, j'ai cédé. Mes doigts tremblaient en déballant le sandwich. La première bouchée était le paradis. J'ai mangé vite, sans lever les yeux, la honte et le soulagement se mélangeant dans ma poitrine.

Quand j'ai fini, il a poussé une petite pâtisserie vers moi. Un macaron de chez Ladurée.

« Il y a ça aussi. »

J'ai avalé ma salive. J'ai pris le macaron.

Le lendemain, il a fait la même chose. Et le jour d'après. C'est devenu notre rituel silencieux. Il me donnait son déjeuner, et en échange, je glissais discrètement ses devoirs corrigés dans son casier. Il ne me l'a jamais demandé, mais je savais que c'était un échange juste.

On ne parlait presque pas, mais ce lien secret était la chose la plus stable de ma vie.

Des années plus tard, sur un balcon étroit à Paris, il me dirait que ces déjeuners n'ont jamais été une question de pitié. Mais à ce moment-là, au lycée, j'étais juste une fille affamée, et il était mon sauveur silencieux.

            
            

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