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Le matin s'était levé comme tous les autres.
Mais moi, je ne savais pas encore que ce serait le dernier matin de mon ancienne vie.
Un matin presque parfait
Maman tournait dans la cuisine, les cheveux attachés, un châle rose sur les épaules.
- « Tu veux du miel ou de la confiture aujourd'hui ? »
- « Surprise-moi. », dis-je en souriant.
Papa, assis à la table, attachait ses chaussures.
- « Trois jours, mon fils. Juste trois jours pour cette conférence. Et on revient. Je te ramènerai ce vin du village que tu aimes. »
- « Et moi, je te ramènerai une écharpe tissée à la main. », ajouta maman
Je les ai regardés avec une tendresse étrange, comme si quelque chose en moi refusait déjà de les laisser partir.
- « Vous n'êtes pas obligés d'y aller, vous savez. »
- « Oh, si. Ta mère a besoin d'air. Et moi... j'ai besoin de marcher un peu. »
Ils souriaient.
Mais leurs sourires... ce jour-là... me faisaient mal.
Je ne comprenais pas pourquoi.
Le départ
La voiture était chargée.
Maman m'a pris dans ses bras, longtemps, trop longtemps.
- « Sois sage. Ne dors pas trop tard. Et mange, d'accord ? »
- « Toujours.
Papa me serra contre lui.
- « Je t'aime, mon fils. »
- « Je vous aime aussi... Tellement. »
Je les ai regardés s'éloigner.
Et mon cœur s'est serré d'une manière que je ne connaissais pas.
Une douleur aiguë, froide, irrationnelle.
Les heures passent
Je suis allé à l'université, tenter de penser à autre chose.
Donald m'a retrouvé près de l'auditorium.
- « T'as une tête de mec qui a mal dormi. »
- « Ils sont partis ce matin... Je sais pas. J'ai l'estomac noué. »
- « Tu veux qu'on fasse un truc ce soir ? Pizza, film ? »
- « Ouais... peut-être. »
Hilaire nous a rejoints peu après. Il m'a observé sans un mot.
- « Quelque chose cloche chez toi. »
- « Je sais... »
Mais je ne trouvais pas les mots.
Mon esprit était ailleurs.
Comme si, très loin de là, une partie de moi s'était déjà éteinte.
Le crépuscule frappe trop tôt
Le soir, je suis rentré seul.
J'ai allumé la lumière du salon.
Tout semblait paisible, trop paisible.
Puis le téléphone a sonné.
Un numéro inconnu.
J'ai décroché sans penser.
- « Allô ? »
- « Monsieur Makial Altos ? »
- « Oui... c'est moi. »
Un silence. Un souffle au bout du fil.
- « C'est le capitaine Diala, de la brigade routière de Kangalé. Vos parents... ils... »
Je sentis mon estomac se nouer. Mes jambes trembler.
- « Quoi ?... Parlez. »
- « Leur véhicule a été percuté par un camion citerne ce matin. La voiture a explosé... Nous n'avons retrouvé que des débris. Je suis... désolé. »
Le monde s'est arrêté.
Un cri est monté dans ma gorge mais rien n'est sorti.
Le téléphone est tombé de ma main.
Et moi... je suis tombé avec lui.
Un abîme sans fin
Je ne sais pas combien de temps j'ai hurlé.
Combien de fois j'ai frappé les murs.
Combien de larmes ont inondé le carrelage froid.
Je suis devenu un vide ambulant.
Un souffle sans voix.
Un cœur sans rythme.
Je suis monté dans leur chambre.
Le lit était encore défait. Leur odeur flottait encore sur les draps.
J'ai pris leur photo. Je l'ai serrée contre moi.
Je me suis recroquevillé sur le sol, comme un enfant.
Et j'ai murmuré :
- « Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi eux ? »
Mais le silence ne m'a jamais répondu.
Enterrement – Le silence le plus lourd
Trois jours plus tard.
Des visages flous.
Des prières mécaniques.
Des fleurs sans odeur.
Des regards de pitié.
Je voulais hurler, gifler le ciel, arracher la terre pour les reprendre.
Mais je suis resté là, droit, vide, absent.
- « Tu n'es pas seul. », m'a dit Donald, la main sur mon épaule.
- « Tu as encore nous. », a soufflé Hilaire, les yeux humides.
Mais rien ne remplissait ce gouffre.
Le monde avait changé de texture.
Plus rien n'était réel.
Et maintenant ?
La maison est vide.
Le réfrigérateur aussi.
Personne ne dit « bonjour ».
Personne ne rentre le soir.
Personne ne m'attend.
Je parle aux murs.
Je dors sans rêve.
Je mange sans goût.
Et je me demande...
Est-ce que je peux encore aimer après ça ?