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Entre balles et Baisers

Vini
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Chapitre 1 Chapitre 1 – La fin de l'innocence

Je n'aurais jamais dû prendre cette ruelle.

Mais il pleuvait, mon père allait encore crier, et je voulais juste rentrer vite à la maison.

Il était 20h36. Je m'en souviens parce que mon téléphone a vibré dans ma poche à ce moment-là. Un message de maman : "Tu es où ? Ton père est furieux."

Comme si c'était nouveau.

Je venais de finir la répétition de la chorale à l'église. J'avais encore cette voix douce dans la tête, ce chant qui parlait de paix et de pardon. Ironique, non ? Vu ce qui allait se passer.

Je marchais vite, la tête baissée, la Bible dans mon sac et mon parapluie au-dessus de moi. Les lampadaires grésillaient, certains clignotaient comme s'ils aussi avaient peur. Le quartier de Zongo n'était pas un endroit pour les âmes sensibles la nuit. Mais je n'étais pas peureuse. Pas vraiment. Juste... prudente.

Et pourtant, j'ai entendu ce bruit.

Pan.

Un seul coup. Sec. Proche.

Je me suis figée.

Puis un autre.

Pan – pan.

Des cris. Une moto qui démarre en trombe. Et le silence. Un silence épais, lourd.

Mon cœur battait trop vite. J'ai tourné la tête, lentement.

C'est là que je l'ai vu.

Un homme – non, un garçon peut-être – courait vers moi. Il titubait légèrement. Je pouvais distinguer une tache sombre sur son bras gauche. Il était mouillé jusqu'aux os. Et même dans l'obscurité, je pouvais sentir quelque chose de dangereux émaner de lui.

Il s'est arrêté à trois mètres de moi. Il m'a regardée droit dans les yeux.

Et je n'ai pas bougé.

- T'as vu quelqu'un passer ici ? qu'il a demandé.

Sa voix était grave, légèrement essoufflée.

J'ai ouvert la bouche. Rien n'est sorti.

Il a penché la tête.

- T'es muette ou tu fais exprès ?

Je l'ai regardé. Et malgré moi, j'ai vu le sang. Il coulait lentement le long de son bras, jusqu'à sa main, où il tenait un pistolet noir.

Un vrai. Pas un jouet. Un pistolet qui venait de tuer quelqu'un, peut-être.

- Tu... tu es blessé, j'ai murmuré.

Il a souri. Un sourire en coin. Presque amusé.

- Bien vu, princesse. Et maintenant ? Tu vas hurler ? Courir ? Ou t'évanouir comme dans les films ?

Je ne sais pas ce qui m'a pris. Peut-être que j'étais sous le choc. Peut-être que j'étais curieuse. Peut-être que j'avais juste besoin que, pour une fois, ma vie soit différente.

Mais j'ai dit :

- Tu peux te cacher dans la remise de l'église, là-bas.

Il a cligné des yeux.

- Sérieux ?

J'ai hoché la tête.

Il m'a regardée comme si j'étais un puzzle trop compliqué pour lui. Puis il a rengainé son arme sous sa veste et a marché vers moi.

Chaque pas qu'il faisait me faisait reculer d'un demi-mètre. Son regard était dur, noir, magnétique. Il avait un tatouage sur le cou – un loup. Sa mâchoire était marquée, ses lèvres fendues, peut-être à cause d'un coup. Mais il était... magnifique. Brutalement beau.

Quand il est arrivé à ma hauteur, il m'a chuchoté :

- Si c'est un piège, je te jure que je te fais sauter la cervelle avant de tomber.

J'ai dégluti.

- Ce n'est pas un piège.

J'ai poussé la vieille porte métallique sur le côté de l'église. C'était le local où on rangeait les instruments, les chaises, parfois les bibles trop vieilles. J'ai allumé mon téléphone pour faire un peu de lumière.

- Là. Tu peux t'asseoir. Il y a un vieux matelas.

Il est entré, lentement. Il a grogné en s'asseyant. Sa main tremblait.

- Merde. Ça pique, cette connerie.

Je suis restée à la porte, hésitante.

- Tu veux... que je regarde ?

Il a levé les yeux vers moi, surpris.

- T'as pas peur ? Je pourrais être un tueur, une bête, un fou.

- Peut-être. Mais... tu saignes.

Il m'a observée quelques secondes. Puis a retiré sa veste trempée. Sous son débardeur noir déchiré, une plaie ouverte au niveau de l'épaule. Pas profonde, mais sale.

J'ai sorti un mouchoir en tissu de mon sac.

- Je suis pas infirmière, hein. Mais je peux essayer de nettoyer.

Il a haussé un sourcil.

- T'es quoi alors ? Une bonne sœur ?

J'ai failli rire.

- Je suis la fille du pasteur.

Là, il a éclaté de rire. Un vrai rire. Fort, moqueur, un peu amer.

- Putain. Fallait que ça tombe sur moi.

Je me suis approchée. J'ai nettoyé doucement la plaie. Il serrait les dents. Mais ne disait rien.

Son torse était brûlant sous mes doigts. Et moi, j'avais chaud. Trop chaud pour un soir de pluie.

Il a murmuré :

- Comment tu t'appelles ?

- Naya. Et toi ?

- Ace.

Silence. Nos regards se sont croisés. Longtemps. Il n'y avait plus de bruits dehors. Juste nos souffles. Mon cœur cognait contre mes côtes comme s'il voulait sortir.

- Tu devrais partir, Naya, a-t-il dit doucement. C'est dangereux. Je suis dangereux.

- Je sais.

- Et pourtant, t'es là.

Je n'ai rien répondu. Parce qu'il avait raison. Et que je ne comprenais pas moi-même pourquoi je restais.

Il a glissé sa main sur la mienne.

- Merci. Si on se revoit pas... t'oublies jamais ce que t'as vu ce soir, ok ?

- Je t'ai vu... blessé. C'est tout.

Il a souri. Un vrai sourire, cette fois. Fatigué. Triste.

Et moi, je suis sortie. J'ai refermé la porte derrière moi.

Et j'ai couru. Loin. Très loin. Avec dans le cœur un feu que je ne connaissais pas encore.

Cette nuit-là, j'ai fait mon premier pas en enfer.

Et Ace... a laissé une trace sur moi que même Dieu ne pourrait effacer.

            
            

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