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Je n'ai pas cessé de penser à lui. Il me hantait comme une ombre. Pas une ombre qui glisse furtivement dans la nuit, mais une ombre gigantesque qui recouvre tout, qui étouffe tout.
Ce matin-là, en me levant, l'odeur de sa présence me frappait encore. Une fragrance de cuir, de sueur, et d'un parfum presque sauvage. Je n'arrivais pas à me défaire de l'image de ses yeux. Noirs, perçants, une lueur dangereuse qui m'avait glacée sur le moment, mais qui maintenant m'attirait comme un aimant. J'avais l'impression d'être une proie, mais au fond de moi, une petite voix chuchotait que j'avais envie d'être capturée.
Ce n'était pas raisonnable. Pas du tout.
Je secouai la tête, comme pour chasser ses pensées. J'avais des choses plus importantes à faire aujourd'hui, comme la journée avec Chloé. Elle me parlait souvent de ses derniers rendez-vous, de ses histoires de garçons et de ses rêves de voyage, mais moi, mon esprit se perdait à chaque instant. Toujours sur lui.
Je mis du temps à me préparer, mon regard fuyant le miroir. C'était comme si je n'étais plus vraiment moi. Comme si une autre version de moi, plus sombre, m'avait pris en otage. Mais je n'étais pas prête à l'admettre. Pas encore. Alors je fis comme si tout allait bien.
Je crois que je suis allée voir Chloé plus pour m'occuper que pour autre chose. Pour oublier. Mais c'était en vain. Elle m'accompagna dans une boutique de vêtements, mais même les robes de créateurs ou les sacs à main de luxe ne faisaient plus battre mon cœur comme avant. Je n'étais pas là, pas vraiment. Je souriais pour faire bonne figure, mais mon esprit était ailleurs.
Chloé n'avait pas tort de me regarder avec insistance, cherchant un indice dans mes yeux, une expression qui trahirait ce que je vivais. Mais j'étais douée pour cacher ce que je ressentais. Douée pour faire semblant.
Je n'étais pas prête à parler de lui. Pas encore. Et surtout, je n'avais pas les mots.
Alors quand elle me posa la question, je m'étonnai moi-même.
"Dis-moi, Naya, t'as l'air un peu... ailleurs ces derniers temps. C'est un garçon qui te fait tourner la tête, hein ?" Elle m'observa en haussant un sourcil. Elle me connaissait trop bien. Trop de petites choses avaient changé, comme mon regard plus distant ou mon sourire plus forcé.
Je m'étouffai presque avec la gorgée d'eau que j'avais prise.
"Non, t'es folle !" Je ris nerveusement, cherchant une échappatoire. "C'est juste que j'ai beaucoup de trucs en tête. T'as raison, je suis un peu... perdue."
Elle me fixa un moment, comme pour décoder ma réponse. Mais elle n'insista pas. Elle savait que je n'étais pas prête à tout lui dire.
Le reste de la journée passa dans une sorte de flou. À chaque instant, une pensée revenait sans cesse : Et lui ? Où est-il ? Que fait-il ? Mais je savais aussi que je devais rester éloignée. Il n'était pas fait pour moi. Ce genre d'homme, il ne fallait pas s'en approcher. C'était une règle de survie. C'était la rue qui m'avait appris ça. On ne touche pas à ce qui est toxique, sinon on finit par se brûler.
J'essayais de me concentrer sur autre chose. Mais plus je le repoussais, plus je le voyais. C'était presque comme si le destin voulait que je le retrouve.
Ce soir-là, quand je rentrai chez moi, ma mère me lança un regard suspicieux. Elle avait ce regard qui disait : Je sais que quelque chose ne va pas, mais je n'insisterai pas. C'était son regard de maman. Celui qu'elle avait quand elle devinait que mes pensées étaient ailleurs, que mes rêves étaient remplis de quelque chose ou de quelqu'un qu'elle ne pouvait pas comprendre.
Je montai dans ma chambre sans un mot. De toute façon, elle ne m'aurait pas écoutée. Elle avait toujours essayé de me protéger des mauvais garçons, des mauvaises influences. Je savais pourquoi. Elle ne voulait pas me voir sombrer dans ce monde de violence, ce monde auquel elle appartenait autrefois. Mais... comment lui expliquer ce que je ressentais ?
Le téléphone vibra sur ma table de nuit. C'était un message de Chloé. Je l'ouvris mécaniquement.
"T'es sure que tu vas bien ? T'as l'air perdue. Fais attention à toi, hein."
Je répondis rapidement, histoire de ne pas paraître trop distante.
"Oui, t'inquiète. Juste fatiguée. On se voit demain."
Je pensais que ça allait me calmer, mais c'était faux. En laissant mon téléphone posé, je sentais un vide dans ma poitrine. Ce vide qu'il avait laissé, lui. Ace. Sa présence, son absence... tout ça était trop.
Il fallait que je le voie à nouveau.
Je ne savais pas pourquoi. Ce n'était pas logique. Ce n'était pas intelligent. Mais ce désir de comprendre, de connaître cet homme qui m'avait marquée d'une manière si étrange... Il m'envahissait.
Je me levai brusquement. Ma tête me criait de m'arrêter, mais mes jambes me portaient déjà vers la porte. Une fois dehors, je marchai, sans but précis, jusqu'à la remise derrière l'église. C'était risqué. C'était stupide. Mais je ne pouvais pas m'en empêcher.
En arrivant, je m'arrêtais à quelques mètres de la porte. Le silence était assourdissant. Je pensais qu'il serait là, dans l'ombre, quelque part, m'attendant. Mais... rien. Il n'y avait que des traces de sang, des débris, et la bouteille d'eau vide. Mais pas lui.
Je soupirai. Et c'est à ce moment-là que j'entendis une voix.
"Tu es revenue."
Je me figeai. C'était lui. Ace.