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Le roi Mukengwa, d'un pas lent et solennel, traversa le chemin menant à la modeste maison de Kafuma, le guérisseur. Ce matin-là, il ne s'était pas fait accompagner comme d'habitude. Il avait ressenti le besoin de se rendre là-bas seul, de voir de ses propres yeux l'état de ses fils, de sentir de ses propres mains si leur santé était véritablement restaurée. Les nouvelles quotidiennes qui lui étaient envoyées ne parvenaient pas à apaiser entièrement ses inquiétudes. Il devait les voir, les entendre, sentir leur présence à nouveau pleine de vie.
Le vent du matin soufflait doucement, et les oiseaux semblaient chanter plus fort que d'habitude, comme si l'air était moins lourd, plus léger, porteur d'espoir. Alors que le roi approchait de la porte de Kafuma, il s'arrêta un instant. Ses yeux se posèrent sur la scène devant lui : ses fils, Jérôme et Jérémie, étaient en train de jouer dans la cour. Ils étaient assis par terre, riant et s'amusant comme deux enfants heureux, insouciants de toute maladie, comme si les jours sombres du passé étaient oubliés.
Ce qui attira encore plus son attention, c'était la présence de la jeune fille qu'ils avaient trouvée sur la plage, celle dont l'histoire restait encore enveloppée de mystère. Elle était assise non loin d'eux, un sourire discret mais serein sur son visage, observant les garçons avec une douceur qui contrastait avec la gravité de leur rencontre. Sa santé semblait être revenue à la normale, presque comme si elle n'avait jamais souffert. Le roi la regarda un instant, un frisson étrange le parcourut. Il n'avait pas imaginé qu'elle se rétablirait si rapidement, ni qu'elle ferait partie de cette scène familiale.
Lorsque les princes aperçurent leur père, leur jeu s'interrompit instantanément. Ils se levèrent précipitamment, leurs yeux brillants d'une lueur de joie mêlée de soulagement. Jérôme, l'aîné, fut le premier à courir vers lui, suivi de Jérémie, qui s'élança avec une énergie retrouvée.
- Père ! s'écria Jérôme en se jetant dans ses bras, suivit de près par Jérémie, qui enroula également ses bras autour de lui.
Le roi les serra tendrement contre lui, son cœur se remplissant d'un amour profond, de cette fierté paternelle qu'il n'avait pas ressentie depuis les événements difficiles. Il posa ses mains sur leurs têtes, les écartant doucement pour les regarder dans les yeux.
- Vous allez bien ? Vous êtes guéris ? demanda-t-il, sa voix un peu tremblante, marqué par l'émotion.
- Oui, père, nous allons bien maintenant ! répondit Jérémie, un large sourire sur le visage. Kafuma nous a soignés, tout va bien !
Jérôme acquiesça vigoureusement, son visage serein, enfin débarrassé de la fièvre et de la maladie.
Le roi les observa un moment, comme s'il cherchait à s'assurer qu'ils disaient bien la vérité. Leur énergie retrouvée était palpable, mais il avait encore besoin de comprendre.
- Et la jeune fille ? demanda-t-il, son regard se posant sur la jeune inconnue qui se tenait en retrait, toujours souriante mais silencieuse.
À la mention de la jeune fille, les princes se tournèrent presque simultanément vers elle, comme si c'était un réflexe naturel.
- Elle va bien aussi, père, dit Jérémie. Kafuma l'a aussi soignée. Elle a dit qu'elle n'avait plus de douleur. Elle est devenue notre amie !
Le roi observa la jeune fille qui, bien qu'immobile, semblait tout de même être connectée à eux, comme une présence apaisante. Elle avait retrouvé une certaine tranquillité, mais quelque chose dans son regard, une lueur furtive, laissait entendre qu'elle portait un secret. Son visage, bien que radieux, demeurait mystérieux, presque irréel, comme si elle venait d'un autre monde.
Elle s'approcha doucement, s'inclinant légèrement en signe de respect devant le roi.
- Mon seigneur, je vous remercie, dit-elle d'une voix douce, empreinte de gratitude mais aussi d'une étrange sérénité. Je vais bien maintenant, et je serai en paix.
Le roi la regarda, intrigué par ses paroles et son regard calme. Quelque chose en elle le perturbait, mais il ne pouvait expliquer pourquoi. Cette jeune fille semblait avoir été une ombre, un mystère, et maintenant qu'elle était présente devant lui, il ne pouvait s'empêcher de se demander qui elle était réellement. Mais il n'eut pas le temps de poser davantage de questions, car la chaleur de l'instant familial le rattrapa. Ses fils étaient là, guéris, et ils étaient ensemble, heureux. C'était tout ce qu'il avait toujours désiré.
- Que Dieu vous bénisse, dit-il à la jeune fille, sa voix pleine de bienveillance.
Il se tourna ensuite vers Kafuma, qui était resté en retrait, observant la scène avec une sagesse silencieuse.
- Kafuma, vous avez fait un travail remarquable, merci. Mais j'aimerais en savoir plus sur cette jeune fille. D'où vient-elle, et comment se fait-il qu'elle soit apparue sur nos côtes ?
Le guérisseur, après un moment de silence, hocha la tête gravement.
- Elle n'est pas de ce monde, Mukengwa. Elle a traversé des épreuves que je ne saurais expliquer. Mais ce qui est certain, c'est que son arrivée ici n'est pas un simple hasard. Son rôle dans cette histoire... pourrait être bien plus grand que ce que nous pensons.
Le roi écouta attentivement, mais une part de lui se demandait si le guérisseur ne cachait pas quelque chose. Cependant, il n'eut pas le temps de questionner davantage, car ses fils, déjà tournés vers lui, l'appelaient joyeusement, impatients de retrouver leur père dans leur monde de jeu et de rires.
Mukengwa sourit, un sourire qu'il n'avait pas eu depuis longtemps. Peut-être que le royaume avait encore des épreuves à traverser, mais aujourd'hui, il pouvait apprécier ce moment de paix, ce retour à la normalité, et surtout, la santé retrouvée de ses enfants.
Dans un murmure presque imperceptible, il se dit que tout finirait par s'éclaircir, que tout cela faisait partie du grand cycle de la vie.
Le guérisseur, Kafuma, resta silencieux un moment après avoir parlé. Il scrutait la jeune fille du regard, comme s'il percevait quelque chose que le roi ne pouvait voir. Ses mains étaient pleines de sagesse, mais aussi d'une étrange réserve. Il avait passé des années à soigner et à observer, et il savait qu'il y avait des mystères que même lui ne pouvait expliquer.
Le roi, encore sous l'effet de l'étonnement, attendait des réponses plus claires, mais Kafuma demeura impassible. Il n'était pas un homme à céder à la curiosité du souverain.
- Le passé de cette jeune fille, dit Kafuma d'une voix grave, est quelque chose que ni vous ni moi ne pourrons comprendre en un instant. Ce que je sais, c'est qu'elle a traversé des ténèbres, des épreuves qui n'ont pas encore été révélées. Peut-être est-ce mieux ainsi, car certains secrets sont trop lourds à porter, même pour ceux qui cherchent la vérité. Tout ce que je peux vous dire, Mukengwa, c'est qu'elle est arrivée ici comme un signe, et qu'il y a quelque chose en elle qui dépasse notre compréhension.
Le roi n'osa pas répondre, absorbant lentement les paroles du guérisseur. Il sentait qu'il y avait quelque chose de plus derrière ce mystère, mais il n'était pas sûr de vouloir le savoir tout de suite. Son esprit était occupé par d'autres pensées, surtout par la santé de ses enfants.
- Quant à vos fils, ils sont sur le chemin de la guérison, continua Kafuma en observant les garçons jouer dans le fond de la cour. La dernière dose de remède qu'ils prendront demain les rétablira complètement. Il leur reste juste un peu de temps pour se remettre entièrement, mais je suis confiant qu'ils seront prêts dans trois jours. Vous pouvez revenir les chercher à ce moment-là.
Le roi ne put s'empêcher de laisser un sourire se dessiner sur ses lèvres. Enfin, après tant de jours d'inquiétude et d'angoisse, il allait retrouver la paix. Ses fils, ces précieux héritiers, seraient à nouveau en pleine santé. Ils pourraient reprendre leur place au palais, et peut-être qu'avec le temps, la mystérieuse jeune fille trouverait sa place parmi eux également.
- Merci, Kafuma. Vous avez fait un travail admirable, dit-il avec sincérité, un poids soudainement levé de ses épaules. Je reviendrai dans trois jours, comme vous le dites.
Kafuma acquiesça d'un simple mouvement de tête. Il savait que le roi était satisfait, mais aussi qu'il restait des zones d'ombre qu'il ne pouvait pas éclaircir pour lui. Il se tourna ensuite vers la jeune fille, toujours là, calme et distante, son regard perdu dans la contemplation des princes qui couraient et riaient autour d'elle.
- Elle a déjà commencé à articuler correctement, ajouta Kafuma. Cela pourrait prendre du temps pour qu'elle retrouve sa mémoire, mais je suis certain qu'elle s'en sortira. Il faudra lui donner de l'espace, du temps. Parfois, la mémoire ne revient pas d'un coup, mais elle reviendra. Tout à son rythme.
Le roi le regarda, réfléchissant un instant. Il se sentait reconnaissant envers Kafuma pour sa franchise, mais également plus perturbé que jamais par la présence de cette jeune fille. Qui était-elle vraiment ? Et pourquoi était-elle arrivée ici, au milieu de tant d'événements perturbants ?
Mais pour l'instant, ces questions restaient sans réponse. Il se concentra sur ce qu'il pouvait comprendre : ses enfants étaient guéris, et ils seraient bientôt prêts à revenir au palais. La santé de sa famille était la priorité. Tout le reste, il pourrait y réfléchir plus tard.
Il se tourna vers ses fils, les observa une dernière fois. Jérôme et Jérémie, heureux et pleins d'énergie, étaient de nouveau des enfants en bonne santé, riant sans souci. Il les appela, leur fit signe de venir, et les embrassa tous les deux.
- Vous m'avez fait une grande frayeur, mes chers, dit-il tendrement. Mais je suis si heureux de vous voir sur pied.
Les garçons sourirent, et le roi ressentit, pour la première fois depuis des jours, une vraie tranquillité d'esprit. Il avait ses enfants avec lui, en vie, en santé.
- Nous allons bien, père, tout va bien maintenant, répondit Jérémie avec un éclat de joie dans les yeux.
Jérôme hocha la tête, souriant également, les yeux brillants de cette lumière enfantine retrouvée.
La jeune fille, de son côté, les observait toujours de loin. Son sourire semblait plus marqué, et bien qu'elle n'eût pas encore parlé de sa propre histoire, le roi la regarda longuement. Une question persistante tourbillonnait dans son esprit, mais il n'avait pas le courage de la poser tout de suite.
Il s'inclina légèrement devant Kafuma.
- Je reviendrai dans trois jours. Et merci encore.
Kafuma, en silence, acquiesça, puis se tourna vers la jeune fille pour lui adresser un mot qu'elle seule pouvait comprendre. Le roi se détourna, ses fils à ses côtés, pour faire demi-tour et quitter la maison de Kafuma, le cœur plus léger qu'il ne l'avait été depuis des semaines.
Sur le chemin du retour, un sentiment étrange l'envahit. Tout semblait revenir à la normale, mais une partie de lui savait que la paix retrouvée n'était que temporaire. Il y avait toujours des mystères à élucider, des ombres à dissiper. Mais pour l'instant, il savourait la chaleur de sa famille réunie.
Arrivé au palais, le roi Mukengwa fut accueilli par l'air frais du soir et le silence paisible de la cour royale. Il savait que sa femme, la reine Mwabana, l'attendait avec impatience. Depuis le début de la maladie de leurs enfants, elle vivait dans une angoisse silencieuse, partageant son inquiétude avec le roi sans toutefois exprimer pleinement ses craintes.
Il entra dans leurs appartements et la trouva assise près d'une lampe à huile, les mains jointes sur ses genoux, le regard perdu dans le vide. Lorsqu'elle aperçut son mari, elle se leva d'un bond et s'approcha de lui avec une hâte contenue.
- Mukengwa ! Dis-moi, comment vont-ils ?
Le roi posa une main rassurante sur son épaule et lui offrit un sourire apaisant.
- Nos fils vont bien, Mwabana. Ils sont en pleine convalescence, et selon Kafuma, ils seront complètement rétablis d'ici trois jours.
Un long soupir de soulagement s'échappa des lèvres de la reine, et ses yeux s'embuèrent légèrement. Elle plaça une main sur sa poitrine, comme si elle essayait de calmer son cœur qui battait trop vite.
- Oh, grâce aux ancêtres ! dit-elle d'une voix tremblante. J'avais si peur, Mukengwa. Si peur de les perdre...
Le roi comprenait cette peur. Il la partageait lui aussi. Il prit doucement la main de sa femme et la serra dans la sienne.
- Moi aussi, j'ai eu peur, admit-il. Mais nous devons rester forts. Ils sont entre de bonnes mains. Kafuma veille sur eux et il a assuré qu'ils étaient pratiquement guéris.
Mwabana acquiesça, essuyant d'un revers de main les larmes qui menaçaient de couler.
- Trois jours encore, dit-elle dans un souffle. Trois jours, et ils seront là...
Elle s'approcha du roi et posa son front contre son épaule, cherchant du réconfort. Mukengwa passa un bras autour d'elle et la laissa se calmer contre lui. Pendant un long moment, ils restèrent ainsi, unis dans leur soulagement et leur amour pour leurs enfants.
Puis, Mwabana releva la tête et plongea son regard dans celui de son mari.
- Et la jeune fille ? demanda-t-elle doucement.
Mukengwa s'attendait à cette question. Il savait que sa femme, aussi inquiète qu'elle fût pour leurs fils, n'avait pas oublié cette mystérieuse inconnue qu'ils avaient trouvée sur la plage.
- Elle va beaucoup mieux, répondit-il. Elle parle désormais, mais elle ne se souvient de rien. Son passé reste un mystère.
Mwabana hocha la tête lentement.
- Alors que va-t-on faire d'elle ?
Mukengwa resta silencieux un instant, réfléchissant.
- Pour l'instant, elle restera chez Kafuma. Il continue de veiller sur elle et espère qu'avec le temps, sa mémoire reviendra.
La reine sembla accepter cette réponse, bien qu'une lueur de préoccupation brilla un instant dans ses yeux.
- Très bien, dit-elle finalement. Nous verrons ce que l'avenir nous réserve.
Mukengwa acquiesça. Il savait que cette histoire n'était pas encore terminée, mais pour ce soir, il voulait simplement savourer la bonne nouvelle : leurs fils allaient bientôt rentrer à la maison.
Il prit doucement la main de sa femme et l'entraîna vers le balcon, où le vent du soir caressait la cour du palais. Ils restèrent là, à contempler la nuit tombante, unis par un même espoir : celui de voir leur famille réunie et en bonne santé, malgré les mystères qui planaient encore sur leur destinée.