Chapitre 5 05

Les heures s'étiraient, et la lueur pâle de l'aube commençait à percer les ténèbres. Nairobi, adossée à la fenêtre de sa chambre, observait les premières lueurs du jour s'étendre sur le monde silencieux. L'air frais du matin pénétrait à travers la vitre, mais cela ne suffisait pas à apaiser le tumulte dans son esprit. Marseille n'avait cessé de hanter ses pensées, ses paroles, et tout ce qu'il représentait. Elle avait cru que l'inconnu, l'isolement, l'indépendance seraient les réponses à ses doutes. Mais Marseille était apparu comme un miroir, reflétant tout ce qu'elle avait voulu ignorer.

Elle n'était pas une simple errante. Pas une inconnue dans l'obscurité. Elle était une Alpha. Une leader. Et cela, elle ne pourrait plus l'ignorer, peu importe combien elle lutta contre cette réalité. Les défis qui se dressaient devant elle ne concernaient plus seulement son passé, mais aussi son avenir. Et tout ce qu'elle avait cru savoir sur la liberté, sur le contrôle, se dérobait peu à peu.

Il était encore là, quelque part dans la forêt, se préparant. Elle le savait. Le regard de Marseille ne l'avait pas quittée, même lorsqu'il s'était éloigné. Cette certitude, cette étrange conviction qu'il ne partirait jamais, l'obsédait.

Elle se détourna finalement de la fenêtre, un soupir s'échappant de ses lèvres. Elle n'avait pas encore pris de décision, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas continuer à fuir indéfiniment. La forêt autour de l'auberge semblait presque l'attirer, comme un appel silencieux, un chemin qu'elle n'avait d'autre choix que d'emprunter. Un chemin qu'elle aurait dû suivre depuis longtemps. Un chemin vers la vérité. Sa vérité.

Elle se leva lentement, se dirigeant vers la porte. Avant de quitter la pièce, elle s'arrêta un instant, posant les yeux sur l'unique bagage qu'elle avait conservé : un sac en cuir usé, ses quelques effets personnels. Tout ce qu'elle possédait. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était tout ce qu'elle avait réussi à préserver de sa vie passée. La seule chose qui l'avait accompagnée dans son voyage sans fin.

Elle se faufila hors de l'auberge sans un mot, sans se retourner. Le vent de la matinée la salua, frais et empli de la promesse d'un avenir incertain. Elle s'engagea sur le sentier qui serpentait à travers la forêt, ses pas décidés, mais son esprit encore tourmenté par les pensées de Marseille. Chaque brise qui soufflait parmi les arbres semblait murmurer son nom, comme une promesse qu'il n'était pas loin.

Il était temps de régler les comptes avec ce qui la hantait.

La forêt semblait se refermer autour d'elle alors qu'elle avançait, ses pas résonnant dans le silence. Chaque bruissement de feuilles, chaque mouvement dans les ombres attirait son attention. Elle n'avait pas peur. Elle était une Alpha, et elle ne se laisserait pas submerger par des fantômes. Mais dans son cœur, il y avait une inquiétude naissante. Marseille n'était pas comme les autres. Il n'était pas comme les autres Alpha qu'elle avait rencontrés, ceux qui avaient voulu l'approcher, l'influencer, ou même la dominer. Lui était différent. Il avait quelque chose de plus, une force intérieure qu'elle n'avait jamais vue chez quiconque.

Elle s'arrêta au sommet d'une colline, ses yeux balayant l'horizon. Il faisait encore frais, mais le soleil commençait à briller plus fort, révélant les contours des montagnes lointaines. Il était là. Elle le savait. Marseille l'attendait.

Le vent se leva, et elle sentit un frisson parcourir son échine. Puis elle l'aperçut. La silhouette imposante de l'Alpha se tenait à l'orée de la forêt, son regard se fixant sur elle avec une intensité qui la traversa comme un éclair. Il ne bougeait pas, il l'observait, patient, implacable. Comme un prédateur qui savait qu'il avait tout le temps du monde.

Nairobi serra les poings, mais ne s'avança pas immédiatement. Ce n'était pas la peur qui la retenait, mais la prise de conscience que tout ce qu'elle avait cru savoir était sur le point de changer. Ils étaient là, à l'intersection de deux mondes, et chacun devrait faire un choix. Celui de l'affronter ou de céder.

Elle inspira profondément, le regardant droit dans les yeux. Marseille n'avait rien dit, mais son regard en disait long. Il savait. Il savait qu'elle n'avait plus de retour en arrière possible. Que ce face-à-face était inévitable.

Elle fit un pas en avant.

"Je ne suis pas celle que tu crois," murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.

Marseille ne répondit pas immédiatement, mais son sourire était froid, presque amusé. "Tu n'as pas besoin de me le dire, Nairobi. Je sais exactement qui tu es."

Le silence s'étira entre eux, dense, chargé d'une tension palpable. Nairobi sentit chaque battement de son cœur résonner dans ses oreilles, mais elle ne détourna pas le regard. Marseille était là, inébranlable, comme une montagne prête à écraser tout sur son passage. Elle n'avait jamais été confrontée à une telle force, une telle certitude. Elle qui avait toujours cru qu'elle était seule à maîtriser son destin, voilà qu'un autre lui rappelait que la vie, la sienne en particulier, ne lui appartenait peut-être pas entièrement.

Les arbres autour d'eux murmuraient, les feuilles frémissaient sous l'effet d'un vent soudain, mais ni l'un ni l'autre ne semblait y prêter attention. Marseille, avec sa stature imposante, ses yeux sombres emplis de la promesse de pouvoir et de contrôle, restait figé comme un prédateur observant sa proie. Pourtant, Nairobi savait que ce n'était pas elle qu'il attendait, mais bien une autre version d'elle-même. Une version qui avait accepté de se soumettre à l'ordre qu'il incarnait. Mais Nairobi, aussi solitaire qu'indépendante, n'était pas de celles qui se soumettaient.

Elle s'avança d'un pas de plus, sans peur, sans hésitation, mais un frisson la parcourut. La présence de Marseille exerçait une pression écrasante sur ses épaules, un poids invisible, mais réel, comme si l'air lui-même devenait plus lourd.

"Pourquoi être ici ?" demanda-t-elle finalement, sa voix plus calme qu'elle ne l'aurait voulu, mais pleine d'une détermination nouvelle. "Tu veux quoi, exactement ?"

Marseille la scruta un instant, ses lèvres se levant légèrement dans une moue qui frôlait l'amusement, mais son regard restait impénétrable. Il savait qu'elle était en train de se poser des questions qu'il avait, sans doute, déjà répondues pour elle. Il attendait simplement qu'elle accepte cette vérité. Que le destin, le sien comme celui de tous les loups, n'était jamais aussi simple qu'une question de liberté ou de soumission. Non, le véritable combat était plus subtil, plus insidieux.

"Je ne veux rien de toi, Nairobi," dit-il enfin, sa voix rauque, mais pourtant porteuse d'une autorité qui fit frissonner la louve. "Je veux simplement que tu comprennes que tout ce que tu crois savoir est une illusion. Tu t'es toujours battue pour ta liberté, pour fuir les responsabilités que tu portes en toi. Mais ce que tu ne vois pas, c'est que la liberté que tu cherches n'est qu'une cage déguisée."

Elle le fixa, ses poings serrés, son souffle calme. Mais son cœur, lui, s'emballait. Marseille avait des mots qui la frappaient avec une précision froide. Il parlait des choses qu'elle n'osait pas reconnaître, des vérités qu'elle ne voulait pas accepter. Comment avait-il pu percer aussi facilement ce qu'elle avait passé des années à masquer ?

"Et toi, tu es là pour m'ouvrir les yeux ?" répondit-elle, un éclat de défi dans les yeux. "Parce que tu crois que tu sais mieux que moi ce qui est bon pour moi ?"

"Je ne sais pas mieux," dit-il, un ton de compréhension dans la voix, mais aussi une certitude presque inébranlable. "Je sais juste que tu ne peux pas fuir ce que tu es. Et tu sais aussi bien que moi que ce que tu fuis te rattrapera. C'est tout."

Nairobi déglutit, luttant contre le flot de pensées qui envahissait son esprit. Elle, une Alpha, une louve fière et indépendante, et lui... lui, un autre Alpha, mais avec quelque chose de plus. Il n'était pas juste une figure de pouvoir, il était une incarnation de ce qu'elle avait toujours voulu éviter. Une autorité indiscutable, un homme qui avait tout ce qu'elle fuyait : un rôle, un clan, une destinée.

"Tu ne comprends pas," dit-elle d'une voix plus basse, mais ferme. "Je n'ai jamais voulu être ce que tout le monde attendait de moi. Je n'ai jamais voulu faire partie de quelque chose de plus grand que moi."

"Mais tu l'es déjà," répondit Marseille sans détour. "Tu es l'Alpha. Que tu le veuilles ou non. C'est dans ton sang. Il n'y a pas de fuite possible."

Les mots tombèrent dans l'air comme une sentence. Nairobi se sentit soudainement dépossédée de son propre corps, comme si ce qu'elle avait cru maîtriser échappait maintenant à son contrôle. Elle se força à reprendre contenance, mais il avait raison. Elle le savait. Marseille, avec sa présence implacable, avait mis le doigt sur quelque chose de fondamental. Elle n'était pas simplement une louve errante. Elle était née pour être plus. Et cela, elle ne pouvait plus l'ignorer.

Il s'approcha d'elle, sa silhouette se découpant dans la lumière de l'aube qui montait. Ses pas étaient silencieux, mais il semblait que l'air autour de lui vibrait à chaque mouvement. Il était là, prêt à la confronter à une réalité qu'elle ne pouvait plus fuir.

"Ce que tu cherches," dit-il tout près d'elle, "c'est ce que tu fuis le plus. L'appartenance. Le devoir. Mais aussi l'amour. Tu peux continuer à prétendre que tu n'en as pas besoin, mais tu te mentirais à toi-même."

Elle ferma les yeux un instant, se mordillant la lèvre inférieure. Ses pensées se bousculaient, se heurtant dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Tout ce qu'il disait était vrai. Elle l'avait toujours su au fond d'elle-même, mais elle n'avait jamais voulu l'admettre. Elle avait rejeté cette vérité, elle l'avait combattue. Mais maintenant, elle sentait qu'elle ne pouvait plus la fuir. Pas cette fois.

"Tu n'es pas le seul à être Alpha, Marseille," dit-elle enfin, sa voix tremblante d'une rage qu'elle n'avait pas connue jusqu'alors. "Je le suis aussi. Et je vais le prouver."

Un sourire se dessina sur les lèvres de Marseille, énigmatique et calme, mais dans ses yeux, il y avait quelque chose de plus. Quelque chose qui disait qu'il savait, au fond, que cette confrontation n'était qu'un début. Un début de quelque chose qu'elle ne comprenait pas encore, mais qui changerait tout.

                         

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