Elle tendit l'oreille, cherchant d'où venait ce bruit. Une porte entrouverte plus loin. Un murmure étouffé, des bruits de pas précipités. Sandra hésita, son instinct lui criant de faire demi-tour. Elle n'était qu'une nouvelle recrue, une femme de chambre parmi tant d'autres. Pas son problème, non ? Mais le tremblement dans cette voix l'empêcha d'ignorer l'appel.
Elle s'approcha sur la pointe des pieds et se pencha juste assez pour voir à travers l'entrebâillement. Une femme en tailleur noir, probablement une réceptionniste, se tenait face à un homme dont le visage lui était inconnu, mais dont la stature imposante trahissait l'autorité. Le ton de l'homme était bas, tranchant comme une lame.
« Tu sais ce qui arrivera si tu n'obéis pas, non ? Je n'ai pas besoin de répéter. »
La femme hocha frénétiquement la tête, incapable de parler. Sandra ne comprenait pas tout, mais le malaise palpable l'ébranla. Elle voulut partir, s'éloigner avant d'être remarquée, mais une main lourde se posa sur son épaule.
« On se perd déjà ? »
Sandra sursauta, le souffle coupé, et se retourna pour se retrouver nez à nez avec un homme blond, son sourire affable ne parvenant pas à masquer la froideur dans son regard. Il portait l'uniforme impeccable d'un manager, et son badge indiquait « Frank ».
« Je... je cherchais juste le service d'étage, » bredouilla-t-elle, essayant de garder une contenance malgré ses jambes qui tremblaient.
Frank haussa un sourcil. « Le service d'étage ? Bien sûr. Mais ce n'est pas en espionnant les affaires des autres que vous allez impressionner qui que ce soit ici. »
Sandra ouvrit la bouche pour se défendre, mais il ne lui laissa pas le temps.
« Allez, viens. Je vais te montrer où commencer. »
Il l'attrapa par le coude, suffisamment fermement pour lui rappeler qu'elle n'avait pas le choix. Tout en la guidant, il ajouta à voix basse : « Un conseil, Sandra : ici, on fait ce qu'on nous demande et on garde la tête baissée. Tu ferais bien de t'en souvenir. »
Les premières heures de son service se déroulèrent dans un mélange de tension et de confusion. Elle avait imaginé que travailler dans un hôtel cinq étoiles serait intimidant, mais pas au point de sentir constamment une menace planer. Pourtant, chaque regard croisé, chaque chuchotement dans les couloirs semblait chargé de sous-entendus.
Lorsqu'elle entra pour nettoyer sa première chambre, Sandra tenta de se concentrer sur sa tâche. Le silence était oppressant, et les moindres bruits du couloir la faisaient sursauter. Elle revoyait la scène de tout à l'heure en boucle dans sa tête, se demandant qui était cet homme et pourquoi la réceptionniste semblait si terrifiée.
Alors qu'elle passait l'aspirateur, une voix familière résonna à l'extérieur.
« Je te dis que ça va mal finir. Ethan ne tolérera pas un autre faux pas. »
Sandra coupa la machine, son cœur battant plus fort. Elle s'approcha de la porte et tendit l'oreille. Deux employés parlaient, sans doute à l'abri des regards, croyant être seuls.
« Et tu crois que c'est de sa faute ? Il fait ce qu'il peut pour garder les investisseurs calmes, mais avec les ennemis qu'il a... »
« Tu crois qu'il va tenir longtemps ? Les rumeurs sur les hommes de Coleman circulent. Ils ne lâcheront pas l'affaire. Et si quelqu'un de l'intérieur trahit... »
Les voix s'éloignèrent rapidement, laissant Sandra perplexe. Elle n'avait aucune idée de qui était ce « Ethan », mais son nom semblait charger l'air d'une tension palpable.
Elle retourna à son travail, mais sa curiosité refusait de s'apaiser. Pourquoi tout semblait-il si lourd ici ? L'hôtel était magnifique, une œuvre d'art de luxe et de perfection, mais derrière la façade, quelque chose clochait.
Plus tard dans l'après-midi, Sandra était en train de refaire le lit d'une suite somptueuse lorsqu'un bruit dans l'entrée la fit sursauter. Elle releva la tête pour voir un homme entrer, sans frapper, comme si cet espace lui appartenait.
Il était grand, avec des cheveux bruns soigneusement coiffés et une prestance qui aurait suffi à faire taire une pièce entière. Il ne portait pas de badge, mais Sandra n'avait pas besoin d'un indice pour savoir qui il était : Ethan.
Il s'arrêta net en la voyant, son regard sombre la scrutant avec une intensité presque déstabilisante.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il d'une voix basse, mais autoritaire.
Sandra sentit son visage rougir. « Je suis... Sandra. Nouvelle femme de chambre. Je fais juste mon travail. »
Il croisa les bras, ses yeux plissés comme s'il évaluait chaque mot. « Vous avez une drôle de façon de travailler, Sandra. Vous avez croisé Frank ? »
Elle hocha la tête, trop nerveuse pour parler.
« Bien. Alors, un rappel : vous êtes ici pour faire ce qu'on vous demande. Rien de plus. Rien de moins. »
Elle acquiesça encore, incapable de détourner les yeux de lui. Il dégageait une aura magnétique, mais aussi une froideur qui mettait mal à l'aise.
Ethan s'approcha, posant une main sur le cadre de la porte. « Vous avez déjà entendu des rumeurs sur moi, je parie. »
Sandra secoua la tête. « Non, monsieur. »
Il esquissa un sourire sans joie. « Bien. Gardez ça en tête. Les rumeurs sont des armes ici. Et les armes, c'est moi qui les contrôle. »
Puis il tourna les talons et sortit, laissant Sandra figée sur place.
Quand son service prit enfin fin, elle retourna dans le vestiaire, épuisée. Les mots d'Ethan résonnaient encore dans son esprit, tout comme ceux des employés dans le couloir. L'idée de quitter cet endroit lui effleura l'esprit, mais quelque chose en elle refusait de partir.
Elle voulait comprendre.
Ce qui se passait ici dépassait les rivalités professionnelles ordinaires. Et bien que la peur fût omniprésente, une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce que cachait Ethan derrière cette façade de puissance.
Alors qu'elle sortait pour rentrer chez elle, une silhouette attira son attention. L'homme de ce matin, celui qui avait menacé la réceptionniste, se tenait à l'entrée du parking, parlant au téléphone.
« Oui, c'est confirmé. On a une nouvelle recrue. Sandra, je crois. Tu penses qu'elle peut être utile ? »
Le sang de Sandra se glaça. C'était son nom. Ils parlaient d'elle.
Elle recula lentement, son cœur battant à tout rompre, avant de se fondre dans l'ombre et de quitter les lieux sans un bruit.