Chapitre 2 02

Le silence s'installa après son départ, lourd et oppressant. L'air, qui semblait presque suspendu, reprit peu à peu son mouvement naturel, mais il restait une tension palpable, comme si tout dans l'univers autour d'eux attendait quelque chose. Nairobi prit une profonde inspiration, ses yeux scrutant l'horizon là où il avait disparu. Chaque fibre de son être était en alerte. Elle savait que cet Alpha n'était pas venu par hasard, et la certitude qu'il reviendrait, d'une manière ou d'une autre, la tenaillait.

Violette, enfin, fit quelques pas en avant, son regard toujours inquiet. "Qu'est-ce que c'était ? Qui était-ce ?" Sa voix, habituellement calme, trahissait une certaine appréhension.

Nairobi ne répondit pas immédiatement. Ses pensées tournaient en spirale, cherchant des réponses qu'elle n'avait pas. Elle secoua légèrement la tête, comme pour se remettre les idées en place, mais la sensation de malaise persistait. "Je ne sais pas", dit-elle enfin, sa voix grave, presque indifférente. "Un Alpha. Du Sud."

Violette hocha la tête, mais Nairobi sentait que son amie ne comprenait pas totalement. Ce n'était pas un simple Alpha. Celui-là... il y avait quelque chose de différent, quelque chose d'insidieux dans la manière dont il s'était tenu là, à la frontière de leur monde, sans jamais se déplacer d'un centimètre. Comme un roi qui observe un royaume qui ne lui appartient pas encore.

"Tu penses qu'il reviendra ?" demanda Violette, son ton plus calme maintenant.

Nairobi resta silencieuse un moment, son regard toujours fixé sur la ligne d'horizon, là où les montagnes se perdaient dans la brume du soir. Elle pouvait presque voir l'ombre de Marseille, aussi clairement qu'un mirage, une silhouette figée dans le crépuscule. Elle savait qu'il reviendrait. Peu importait ce qu'elle souhaitait ou ne souhaitait pas. Les gens comme lui n'abandonnaient pas. Ils prenaient ce qu'ils désiraient, ou ils détruisaient tout sur leur passage.

"Oui", répondit-elle enfin, sa voix plus faible qu'elle ne l'avait voulu. "Il reviendra. Et cette fois, il sera plus difficile de l'ignorer."

Le vent soufflait de nouveau, emportant des bribes de poussière et de feuilles sèches autour d'elles. Nairobi ne savait pas si elle était prête pour ce qui se profilait. Tout ce qu'elle avait toujours cru savoir sur elle-même et sa liberté, tout cela allait bientôt être remis en question. Et le pire, c'est qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devrait faire lorsqu'il reviendrait. Quand l'Alpha du Sud se présenterait à nouveau devant elle, ses règles, sa force, sa domination ne laisseraient aucune place à la fuite. Elle serait forcée de le confronter, et avec lui, tout ce qu'elle avait essayé d'éviter.

"On devrait continuer", dit Violette, rompant le silence lourd qui s'était installé entre elles. "On doit avancer."

Nairobi la regarda un instant, la fixant profondément dans les yeux. Elle comprenait ce que son amie voulait dire. Loin de cet endroit, loin de la menace qu'il représentait, elles retrouveraient une certaine normalité. Mais quelque part, au fond d'elle, Nairobi savait que la normalité, cette illusion de paix qu'elles avaient partagée jusque-là, n'existait plus.

"Oui", répondit-elle finalement, mais la décision était déjà prise. Ils continueraient leur voyage, mais quelque chose dans l'air avait changé. Elle pouvait le sentir. La route qui s'étendait devant elles ne serait plus jamais la même.

Les jours qui suivirent furent marqués par une étrange tranquillité. Bien que le souvenir de la rencontre avec Marseille restait présent, il n'y avait pas d'autre signe de lui. Aucun mouvement furtif dans la forêt, aucun bruit dans la nuit. La chaleur du jour laissait place à la fraîcheur du soir, et Nairobi, comme dans un rêve éveillé, avançait sans savoir exactement où elle allait.

Elle se sentait néanmoins changée. Chaque instant, chaque geste semblait suspendu, comme si elle attendait quelque chose, un signe, une nouvelle rencontre. Une partie d'elle se demandait si elle avait déjà croisé son destin, si tout cela n'était qu'une question de temps avant que le fil qui la liait à lui ne se tende à nouveau. Et elle savait que cette fois-là, il n'y aurait pas de retour en arrière.

Le voyage se poursuivit sans éclat, une succession de journées ordinaires teintées d'une tension invisible. Nairobi et Violette, loin d'être apaisées, avançaient néanmoins avec une certaine discrétion, comme si l'univers lui-même retenait son souffle autour d'elles. Les routes, les villages, les paysages qui défilaient sous leurs yeux étaient toujours les mêmes, mais quelque chose d'indéfinissable se tendait dans l'air, suspendu au-dessus d'elles comme une menace sans forme.

Nairobi ne pouvait pas s'empêcher de repenser à Marseille, à cette présence, à cet Alpha qui semblait capable de déchiffrer le moindre de ses gestes, la moindre de ses pensées. La façon dont il l'avait observée, immobile, sans se départir de son calme, lui revenait sans cesse en mémoire. Il n'avait pas été un homme parmi d'autres. Il était un roi parmi les siens, et ses yeux avaient vu au-delà des simples apparences. Il l'avait vue, elle, Nairobi, comme un objet de convoitise. Et pourtant, quelque chose dans son regard lui avait donné l'impression qu'il n'attendait pas qu'elle cède facilement. Peut-être même, qu'il cherchait une sorte de résistance. Un défi. Et cette idée la perturbait profondément.

Violette, quant à elle, semblait avoir oublié la rencontre, ou du moins l'avait reléguée au fond de son esprit. Elle restait son amie fidèle, celle qui partageait ses silences et ses sourires, qui faisait preuve d'une constante légèreté pour tempérer l'âme plus tourmentée de Nairobi. Mais il y avait une distance nouvelle entre elles, un écart qu'aucune d'elles n'osait franchir. Violette savait que Nairobi portait un fardeau invisible, et malgré sa volonté de ne pas en parler, elle le sentait dans les gestes de son amie, dans sa manière d'observer les environs, dans son regard lointain.

Un matin, alors qu'elles se retrouvaient dans une auberge modeste aux murs de pierre, une brise fraîche balayait les champs alentours, Nairobi ne put s'empêcher de se pencher un peu plus sur la situation. Il fallait qu'elle prenne une décision. Elle savait, au fond d'elle, que fuir n'était plus une option. Chaque instant passé à éviter Marseille ne ferait que rendre la confrontation plus inévitable, plus douloureuse. C'était un homme puissant, un Alpha dont le poids de la présence ne s'éteindrait pas avec le temps. Mais en même temps, il y avait ce murmure, une part d'elle-même qui lui disait que peut-être, juste peut-être, il y avait un autre chemin à suivre. Un chemin qu'elle pourrait encore choisir, même si elle avait l'impression que tout se jouait déjà.

Violette la rejoignit sur la terrasse, une tasse de thé à la main. Le soleil de fin de matinée déversait ses rayons dorés sur la scène, et un silence apaisant régnait entre elles. Mais ce silence n'était plus confortable pour Nairobi. Elle se tourna lentement vers son amie, cherchant la force de parler.

"Violette," commença-t-elle, sa voix aussi douce que l'air autour d'elles, mais marquée par une certaine gravité. "Je crois qu'il reviendra."

Violette la regarda sans vraiment comprendre, son regard s'illuminant d'une lueur d'interrogation. "Qui ?"

"Marseille," répondit Nairobi, les mots sortant plus facilement qu'elle ne l'avait prévu. "Je crois qu'il ne partira pas comme ça. Pas tant que je ne lui aurai pas donné une réponse."

Le visage de Violette se figea un instant, un léger sourire effleurant ses lèvres. "Tu veux dire... une réponse à sa manière de te regarder ?"

"Oui", répondit Nairobi sans hésiter. "Mais pas seulement. Je sens qu'il attend quelque chose de moi, quelque chose que je ne sais pas encore. Et je ne peux pas continuer à fuir."

Violette se leva alors, posant la tasse sur la table avec une lenteur calculée. Elle s'approcha de son amie, posant une main douce sur son épaule. "Je sais que tu n'as jamais aimé être liée à quoi que ce soit. Mais... parfois, on doit faire face à ce que l'on est, même si cela nous fait peur. Et toi, tu n'es pas comme les autres, Nairobi. Tu n'es pas comme lui. Peu importe ce qu'il représente."

Un frisson parcourut le dos de Nairobi, mais elle garda la tête haute. "Je sais", murmura-t-elle. "Mais il est là, Violette. Il ne va pas disparaître. Et je dois savoir pourquoi."

Violette resta silencieuse un moment, son regard plein de compréhension, mais aussi d'une inquiétude qu'elle ne dissimulait plus. "Alors fais-le, fais face à ce qui vient. Mais ne te perds pas en chemin. Il est peut-être puissant, mais tu es libre, Nairobi. N'oublie pas ce que tu es."

Le regard de Nairobi s'attarda sur la main de son amie, qui reposait toujours sur son épaule. Elle n'était pas seule dans cette quête. Elle avait une amie qui, même sans comprendre tout ce qu'elle ressentait, lui apportait une force tranquille. Peut-être était-ce cela qu'elle cherchait en elle-même, cette stabilité intérieure, cette liberté qu'elle avait perdue de vue.

La décision était prise. Elle ne fuirait pas. Marseille reviendrait, oui. Et quand il reviendrait, elle serait prête. Pas pour le combattre, mais pour comprendre ce qu'il attendait d'elle.

            
            

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