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Les jours qui suivirent furent marqués par une vigilance constante. Nairobi sentait chaque mouvement de l'air, chaque variation de lumière, comme si la moindre perturbation était un signe. Les routes qu'elles empruntaient étaient longues, sinueuses, parfois désertes, et le monde autour d'elles semblait se refermer lentement, l'étau se resserrant sans qu'elles ne puissent en percevoir l'ampleur. Violette, quant à elle, continuait à avancer à ses côtés, son visage affichant toujours ce mélange de sérénité et de préoccupations dissimulées.
Elle était plus qu'une amie pour Nairobi, elle était un ancrage, une constante dans ce tourbillon de sentiments et de questions qui commençaient à envahir l'esprit de la jeune louve.
Malgré cela, Nairobi ne pouvait ignorer cette sensation persistante, cette conviction que Marseille ne tarderait pas à se manifester à nouveau. Son pouvoir, son autorité, n'étaient pas des choses que l'on pouvait ignorer indéfiniment. Il ne s'agissait pas simplement de sa force physique, de la manière dont il imposait sa présence, mais de quelque chose de plus subtil, de plus insidieux : son influence. Elle savait qu'il avait des yeux partout, que chaque mouvement qu'elle faisait était peut-être déjà observé. Et, même si l'idée de l'affronter la troublait, il n'était pas question pour elle de fuir. Pas encore.
Une semaine s'écoula ainsi, sans incident majeur, mais Nairobi ressentait le sol sous ses pieds de manière différente. Chaque pas sur la terre battue était devenu un rappel de ce qu'elle portait en elle : une force prête à exploser, une indépendance qui vacillait sous la pression d'un destin qu'elle ne contrôlait plus. Les soirs étaient plus longs, les nuits plus solitaires. Il semblait que l'ombre de Marseille s'allongeait avec chaque crépuscule.
Un après-midi, alors qu'elles s'étaient installées dans une petite ville à la frontière de plusieurs territoires, Nairobi aperçut, au loin, la silhouette d'un homme qui s'avançait vers elles. L'air s'alourdit autour d'elle. Son cœur s'emballa. Violette, comme toujours, ne semblait pas ressentir cette tension palpable. Elle continua de discuter joyeusement avec les habitants, ses paroles légères, son sourire comme une bouée de sauvetage dans la mer d'incertitude qui envahissait Nairobi.
L'homme se rapprochait, son regard direct et inébranlable fixé sur Nairobi. Il n'était pas un inconnu. Un membre de la meute de Marseille. Cela, Nairobi le reconnut immédiatement. Il ne portait pas de marques particulières, mais l'aura qui l'entourait trahissait son affiliation. Un messager. Et, plus que cela, une menace silencieuse.
Quand il arriva à leur hauteur, son regard glissa rapidement vers Violette, mais c'était Nairobi qu'il scrutait avec insistance, une expression énigmatique sur le visage. "L'Alpha vous attend", dit-il d'une voix grave, presque sans émotion.
Le cœur de Nairobi rata un battement. L'instant semblait suspendu. Elle ne répondit pas tout de suite. Ses lèvres étaient sèches, son esprit en proie à une confusion qu'elle n'arrivait pas à maîtriser. Elle savait ce que cela signifiait. Marseille l'attendait, et elle n'avait d'autre choix que de se rendre à lui.
Violette, qui avait observé la scène en silence, se tourna vers Nairobi, ses yeux pleins de questions. Elle sentit le changement instantanément. "Tu vas y aller ?", demanda-t-elle, sa voix pleine de douceur, mais aussi d'inquiétude.
Nairobi fixa le messager sans dire un mot, ses pensées comme un tourbillon dans sa tête. Marseille ne l'avait pas oubliée, et il était venu chercher une réponse, une solution à une équation qu'il ne comprenait peut-être pas lui-même. Mais elle ne pouvait pas reculer. Elle savait ce que cela signifiait pour elle. Une confrontation, mais aussi, peut-être, une possibilité de réécrire la suite de son histoire. Ou de la sceller à jamais.
"Je dois y aller", répondit-elle enfin, la voix calme mais pleine de résignation. "Il n'y a pas d'autre choix."
Violette la regarda intensément, puis posa une main rassurante sur son bras. "Je viendrai avec toi, quoi qu'il arrive."
Un sourire faible se dessina sur le visage de Nairobi. "Non, Violette. C'est quelque chose que je dois faire seule. Mais merci. Je reviendrai."
Sans un autre mot, elle se tourna et suivit le messager qui l'attendait, marchant sans se retourner. Le vent soufflait à travers les rues désertes de la ville, emportant avec lui la poussière des jours passés. Nairobi se sentait détachée, comme si elle observait cette scène depuis un autre monde, un monde où la peur n'avait pas de place. Mais au fond d'elle, la peur était là, tapie dans l'ombre, attendant d'être confrontée.
Le chemin qui la menait vers Marseille était pavé d'incertitudes, mais elle était déterminée. Elle savait que ce qu'elle allait découvrir ce jour-là marquerait un tournant dans sa vie. Elle ne savait pas encore s'il s'agirait de sa libération ou de sa perte. Mais une chose était certaine : la confrontation était inévitable, et il ne lui restait plus qu'à accepter ce qui venait.
Le vent se fit plus lourd à mesure que Nairobi s'éloignait de Violette et de la ville. Ses pas résonnaient dans le silence de la rue, un écho creux que seule elle pouvait entendre. Le messager avançait devant elle, sans se retourner, comme s'il savait parfaitement qu'elle le suivait, comme si le chemin était déjà tracé pour elle, pour eux. Nairobi, cependant, n'était pas prête à se laisser entraîner docilement. À chaque coin de rue, chaque ombre qui passait sous ses yeux, elle se demandait ce qu'elle ferait une fois arrivée devant Marseille. Le rencontrer était une chose, mais le comprendre, le dépasser, était une toute autre histoire.
Ils finirent par arriver à l'extérieur de la ville, là où le paysage changeait et se perdait dans les collines sauvages. Une clairière s'étendait devant eux, vaste et silencieuse, comme un vide insondable qui attendait d'être rempli. L'odeur de la terre, de l'herbe humide et du bois brûlé flottait dans l'air, et l'atmosphère semblait vibrer sous une tension invisible, palpable. C'était ici, elle le savait. Marseille l'attendait.
Le messager s'arrêta sans un mot, et un frisson d'anticipation courut le long de l'échine de Nairobi. Elle s'arrêta aussi, observant les alentours avec une vigilance accrue. Le regard fixé sur l'horizon, elle aperçut une silhouette imposante qui se détachait des ombres. Il était là, il l'attendait.
Marseille. Son allure majestueuse et son autorité naturelle étaient indéniables. Il se tenait droit, un bras croisé sur sa poitrine, l'autre suspendu dans un geste qui semblait suspendre le temps. La lumière du jour s'estompait lentement, l'obscurité envahissant peu à peu l'espace autour d'eux. Mais il n'y avait aucune obscurité dans la présence de Marseille. C'était un homme de lumière et d'ombre, un Alpha qui brillait de sa propre intensité, une force brute et magnétique.
Nairobi s'avança d'un pas décidé, malgré la tension qui nouait ses entrailles. Elle n'était pas une simple proie. Elle était une louve, une Alpha, et elle allait se tenir droite face à lui, ne pas fléchir. Mais dans son cœur, l'incertitude persistait, une question sans réponse qui flottait dans l'air.
"Alors, tu es venue", dit Marseille, sa voix basse, mais emplie de cette autorité indiscutable. Son regard se fixa sur elle, perçant, profond, comme s'il déchiffrait chaque fibre de son être. "Tu n'as pas pu résister à l'appel, n'est-ce pas ?"
Nairobi le fixa sans ciller, se battant contre le tumulte qui bouillonnait en elle. "Je ne résiste pas à l'appel", répondit-elle d'une voix ferme, "mais je sais ce que je suis. Et je sais ce que tu es."
Il ne répondit pas tout de suite. Un sourire imperceptible effleura ses lèvres, comme s'il appréciait la fermeté dans ses mots. Mais dans ses yeux, une lueur de défi brillait. "Tu sais ce que tu es, c'est vrai. Une Alpha en fuite. Une louve qui se cache sous des couches de solitude et de fierté. Mais tu ne sais pas encore ce que tu pourrais devenir, Nairobi."
Elle frissonna à la mention de son nom. Il le prononçait d'une manière qui la faisait se sentir à la fois vulnérable et... importante. Il n'y avait pas de mépris dans sa voix, mais une sorte d'admiration silencieuse, quelque chose de presque respectueux.
"Et toi ?" demanda-t-elle, sa voix désormais plus dure, plus assurée. "Qu'est-ce que tu veux vraiment de moi, Marseille ?"
Il haussait légèrement un sourcil, comme si la question était plus complexe que ce qu'elle laissait paraître. "Ce que je veux de toi, Nairobi, c'est une alliance. Je ne suis pas ici pour t'imposer une soumission, ni pour te séduire par de vains gestes. Je veux que tu comprennes ce qui se cache derrière la façade que tu t'es construite. Je veux que tu acceptes de regarder au-delà de ta propre liberté et que tu comprennes que parfois, être libre, c'est aussi savoir où l'on appartient."
Les mots frappèrent Nairobi comme un coup de poing, la faisant vaciller intérieurement. Marseille ne parlait pas comme un homme ordinaire. Il parlait comme un roi. Et peut-être que, dans son royaume, il n'y avait pas de place pour l'indépendance aveugle qu'elle s'était forgée. Peut-être qu'il y avait une vérité plus grande, plus vaste, qu'elle n'avait pas encore perçue. Peut-être qu'il la voyait déjà plus clairement qu'elle ne se voyait elle-même.
"Je n'ai pas besoin de savoir où j'appartiens", répondit-elle finalement, les dents serrées. "J'ai trouvé ma place dans le monde, à ma manière."
Marseille la regarda intensément, comme s'il sondait son âme. "Tu crois cela. Mais tu as tout oublié, Nairobi. Tu n'es pas juste une louve. Tu es une Alpha, et chaque Alpha a un rôle à jouer. Chaque Alpha doit accepter sa destinée. Tu pourrais être bien plus que ce que tu imagines, mais il te faut faire face à la vérité. La liberté n'est pas toujours ce qu'on croit."
Le silence s'étira entre eux, lourd de sens. Les mots de Marseille résonnaient dans l'air, envahissant l'esprit de Nairobi, perturbant son équilibre. Il avait raison sur un point : elle n'était pas comme les autres. Mais était-ce une malédiction ou une bénédiction ? Elle ne le savait pas encore.
Elle s'avança d'un pas, défiant son propre cœur qui battait plus fort sous l'effet de cette rencontre, mais elle resta fidèle à ce qu'elle était : une louve fière et indomptable, même face à l'imposant Alpha qu'était Marseille.
"Je vais te laisser le temps de réfléchir", dit-il enfin, d'une voix plus douce, mais non moins ferme. "Je reviendrai te voir, Nairobi. Et je n'abandonnerai pas. Nous avons beaucoup à partager. Mais tu dois décider, et vite. Le temps presse, et tu sais aussi bien que moi que les choix ont un prix."
Et sur ces mots, il se détourna lentement, s'éloignant dans les ombres croissantes de la forêt, laissant Nairobi seule avec ses pensées, un tourbillon de doutes et de questions dans son esprit. Ce qu'il venait de lui dire avait secoué les fondements de tout ce qu'elle croyait être vrai. Elle n'était pas simplement une louve errante. Elle n'était pas simplement une âme libre. Elle était une Alpha, un rôle qu'elle n'avait jamais voulu endosser. Mais peut-être que son destin, aussi brutal fût-il, ne lui permettrait pas de l'éviter.
Elle resta un long moment immobile, le vent fouettant ses cheveux, le regard perdu dans l'invisible. Puis, enfin, elle tourna les talons et se dirigea lentement vers la ville, la décision prise : elle ne fuirait plus. Elle ferait face. Mais à quel prix ?