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Le ciel s'était assombri depuis la rencontre, et la nuit enveloppait désormais la forêt avec une douceur inquiétante. Nairobi marchait d'un pas décidé, mais l'incertitude persistait dans chaque battement de son cœur. Elle savait que Marseille avait raison sur un point : elle n'était pas simplement une louve solitaire. Son statut d'Alpha n'était pas une simple étiquette qu'elle pouvait rejeter. Elle ne pouvait échapper à son propre sang, pas plus qu'elle ne pouvait fuir la vérité qui lui était imposée.
La lueur d'une petite auberge au bord du chemin attira son attention. Elle s'arrêta devant la porte, hésitant. Peut-être que quelques heures de sommeil, de calme, seraient suffisantes pour apaiser l'agitation intérieure qui la rongeait. Après tout, elle n'avait plus de véritable chez-soi, et cet endroit semblait offrir un abri temporaire, un havre de paix avant de devoir affronter ce qui l'attendait. Marseille avait raison : il reviendrait. Et elle, qu'allait-elle faire ? Comment pourrait-elle se préparer à la confrontation qu'il semblait anticiper ? Comment pourrait-elle comprendre ce qu'il voulait vraiment d'elle ?
Elle entra sans bruit, saluant d'un geste de la tête la vieille femme qui se trouvait derrière le comptoir. L'odeur de bois usé et de feu de cheminée se mêlait à celle du pain frais, créant une atmosphère chaleureuse et familière. Nairobi s'installa dans un coin, observant les quelques clients qui se mêlaient dans une conversation basse. Il n'y avait rien d'extraordinaire ici, mais pour la première fois depuis longtemps, elle ressentait un léger apaisement.
Les heures passèrent en silence, entre les murmures du vent et le crépitement du feu. Nairobi, plongée dans ses pensées, ne se rendit pas compte que la nuit avançait à grands pas. Un bruit de pas dans l'entrée la tira de sa torpeur, et elle leva les yeux vers la porte. Un homme se tenait dans l'encadrement, sa silhouette imposante familière. Marseille.
Il la scrutait avec un regard intense, celui d'un prédateur observant sa proie, mais aussi celui d'un homme qui savait exactement ce qu'il voulait. Nairobi sentit un frisson glacer son échine. Il était là, dans l'ombre, comme s'il avait toujours su où la trouver.
Il s'avança lentement vers elle, et tout autour sembla se figer. Les conversations se turent, les regards se détournèrent. Personne ne voulait se mêler de l'intensité de ce qui se déroulait entre eux. Il s'arrêta devant sa table, son regard planté dans le sien, un silence lourd d'intentions et de non-dits flottant entre eux.
"Tu m'as suivie", dit-elle d'un ton ferme, ne voulant pas céder à la peur qui montait en elle. "Tu n'avais pas le droit."
Marseille la fixa un instant, comme s'il attendait quelque chose. Puis, il sourit doucement, un sourire qui en disait long sur sa confiance absolue en lui-même.
"Je ne fais jamais rien sans raison, Nairobi", répondit-il. "Et je n'ai pas à me justifier auprès de toi. Je suis ici parce que tu sais que nous avons beaucoup à régler, toi et moi. La question n'est pas pourquoi je suis là, mais pourquoi tu es là. Ce n'est pas un hasard que tu sois venue jusqu'ici."
Les mots de Marseille étaient tranchants, et chaque phrase semblait résonner dans son esprit avec une vérité inébranlable. Elle s'éteignait petit à petit sous ce flot d'assurances, comme si elle était coincée dans un piège dont elle n'avait pas conscience. Il était un maelström, et elle était prise dans sa danse.
"Je ne suis pas ici pour jouer à tes jeux, Marseille", répliqua Nairobi, les poings serrés sous la table. "Je n'ai rien à te prouver."
Marseille pencha légèrement la tête, son regard ne quittant pas le sien. Il n'y avait pas de mépris dans ses yeux, juste une infinie patience, comme s'il savait exactement comment la faire céder.
"Ce n'est pas à toi de décider, Nairobi", dit-il d'une voix calme. "Tu crois que tu peux me défier, que tu peux continuer à te cacher, mais tu sais au fond de toi que tu n'es pas faite pour l'isolement. Pas avec ce que tu es. Et crois-moi, tu n'as aucune idée du pouvoir que tu as, du rôle que tu pourrais jouer. Mais pour ça, il te faudra accepter des vérités que tu n'es pas prête à entendre."
Un long silence s'installa entre eux, lourd de tension. Nairobi sentait la colère monter en elle, mais aussi une étrange attirance, une résonance de quelque chose qu'elle n'avait jamais voulu reconnaître. Elle se leva brusquement, ne pouvant plus supporter l'immobilité de la situation.
"Je ne veux pas de ton pouvoir, Marseille", dit-elle, la voix tremblante d'une colère qu'elle n'arrivait pas à contenir. "Je ne veux pas de ton rôle. Je veux ma liberté. Et tu ne la prendras pas."
Marseille la regarda se lever, un calme profond dans son regard. Il n'eut aucune réaction à sa colère. "Tu as toujours été libre, Nairobi. Mais à quel prix ?"
Elle s'arrêta, figée par ces mots, un instant d'incertitude effleurant son esprit. C'était ça, n'est-ce pas ? La liberté avait un prix, elle le savait. Mais jusqu'où irait-elle pour le payer ?
"Je reviendrai", dit-il enfin, avant de se retourner, prêt à disparaître à nouveau dans les ombres. "Et à ce moment-là, tu feras ton choix. La liberté ou la destinée. Mais ne te fais pas d'illusions, Nairobi, la liberté a toujours un prix plus élevé que ce que l'on croit."
Et sans un mot de plus, Marseille quitta l'auberge, laissant Nairobi seule avec la question qui ne cessait de tourmenter son esprit : jusqu'où irait-elle pour garder sa liberté, et surtout, quelle serait la part de cette liberté qu'elle devrait sacrifier ?
Le vent se leva à l'extérieur, balayant les cendres du feu. Nairobi resta là, immobile, les yeux rivés sur la porte par laquelle Marseille venait de disparaître. Les échos de sa voix résonnaient encore dans son esprit, comme un murmure obstiné. La liberté avait toujours été sa compagne fidèle, un idéal qu'elle chérissait plus que tout. Mais ces derniers jours, cette même liberté semblait s'effilocher, se déchirer sous la pression d'une rencontre qu'elle n'avait jamais anticipée. La présence de Marseille, son regard implacable, ses mots chargés de vérité – tout cela la poussait à remettre en question tout ce qu'elle avait cru savoir.
La chaleur du feu mourait lentement dans l'âtre, et la lueur des braises vacillait, jetant des ombres dansantes sur les murs de l'auberge. Nairobi prit une profonde inspiration, chassant les pensées tourbillonnantes qui menaçaient de l'engloutir. Elle se dirigea vers la fenêtre, observant la nuit qui enveloppait tout, le silence du monde extérieur contrastant avec l'agitation intérieure qui la gagnait.
Qu'était-elle, au fond ? Une louve de passage, une âme errante, en quête d'un sens qu'elle n'avait jamais trouvé. Elle s'était toujours cru indestructible, un être solitaire qui n'avait besoin de personne. Pourtant, Marseille avait trouvé une fissure dans son armure, une vulnérabilité qu'elle n'avait même pas remarquée. Il avait vu quelque chose en elle qu'elle-même ignorait. Il savait.
Elle tourna la clé dans la serrure de sa chambre, poussant la porte avec une lenteur presque ritualisée. Le petit lit simple et la table en bois brut ne parvenaient pas à calmer l'agitation qui bouillonnait en elle. Elle se laissa tomber sur le lit, les yeux fermés, tentant de chasser les images de Marseille et des mots qu'il avait prononcés. Mais c'était inutile. Tout ce qu'il avait dit, tout ce qu'il avait insinué, se frayait un chemin dans son esprit, se mêlant à des pensées qu'elle avait soigneusement enfouies.
Elle avait toujours vécu dans l'ombre de ses propres choix, fuyant toute forme d'attachement, refusant de se lier à un clan, à une famille, à quiconque. C'était ce qu'elle pensait être la seule voie vers la liberté. Mais Marseille avait raison, à sa manière. La liberté ne pouvait être totale. Elle portait en elle le poids de son statut d'Alpha, de la responsabilité qui venait avec ce titre. Peut-être que cette liberté était simplement une illusion, une fuite devant ce qu'elle était réellement. Et si tout cela n'était qu'une mascarade, une manière de se cacher derrière des murs qu'elle avait construits pour ne pas avoir à affronter la vérité ?
La nuit s'étira, implacable et silencieuse. Nairobi se leva enfin, son corps tendu, l'esprit en proie à un tourbillon de pensées contradictoires. Elle savait que la rencontre avec Marseille n'était pas un simple incident. Cela n'avait jamais été une question de chance ou de hasard. Le destin, ou ce qu'il en restait, semblait vouloir la forcer à faire face à quelque chose qu'elle avait cherché à fuir toute sa vie. La question n'était plus de savoir si elle devait accepter son rôle, mais comment elle allait y faire face. Comment elle allait se libérer de ce piège invisible qui se refermait lentement sur elle.
Elle laissa ses pensées divaguer, le temps suspendu dans la solitude de la chambre. Puis, sans vraiment savoir pourquoi, elle se rendit à l'entrée de l'auberge, son regard perdu dans les ténèbres. Peut-être qu'il reviendrait encore, et peut-être qu'elle ne pourrait pas fuir éternellement. Mais une chose était certaine : quel que soit son choix, elle ne se laisserait pas submerger. Elle n'était pas une proie.
Elle était une louve.