Chapitre 5 05

Sasha se figea un instant, les mots de la jeune femme résonnant dans sa tête. Plonger dans l'enfer. C'était exactement ce qu'elle avait craint en venant ici, et pourtant, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Si elle voulait survivre, elle devrait se faire une place dans ce lieu. Mais la pensée d'être constamment sur le qui-vive, d'être observée par chaque personne qui croiserait son chemin, laissait une sensation glacée s'étendre dans son ventre.

La jeune femme s'approcha lentement, ses pas mesurés, comme si elle cherchait à imposer une autorité qu'elle n'avait pas encore confirmée. Sasha observa chaque mouvement, chaque geste, ses sens en alerte maximale. Elle savait qu'ici, chaque interaction pouvait être une menace déguisée.

- Je m'appelle Sylvie, dit la jeune femme en s'arrêtant à une distance respectable, mais pas suffisante pour effacer la tension entre elles. Je suis l'une des anciennes élèves de Saint Maxime, et je suis ici pour... te guider. Enfin, si tu veux vraiment être guidée.

Sasha ne répondit pas immédiatement. Elle avait l'impression que les murs autour d'elle se resserraient un peu plus à chaque mot prononcé. Chaque phrase semblait chargée d'un poids invisible, comme si la pièce elle-même attendait de connaître ses intentions.

- Guidée ? répéta Sasha, ses yeux scrutant Sylvie, cherchant à en savoir plus sur ce qu'elle sous-entendait. Je ne suis pas ici pour être guidée, je suis ici pour survivre.

Sylvie sourit alors, un sourire légèrement amusé qui dénotait une confiance déconcertante.

- C'est justement là toute la différence, Sasha. Ici, il n'y a pas de place pour ceux qui ne savent pas s'adapter. Les règles sont simples : tu te plies ou tu disparais. Et crois-moi, il n'y a rien de plus simple que de disparaître ici. Beaucoup l'ont fait avant toi. Son regard s'assombrit brièvement, comme si une ombre avait traversé son esprit, avant qu'elle ne reprenne son attitude calme. Mais tu verras. Nous ne sommes pas aussi différents que tu le penses. Nous aussi, nous avons tous nos secrets.

Sasha déglutit difficilement, se forçant à ne pas laisser la peur s'immiscer dans ses pensées. Elle savait que Sylvie avait raison. Les règles de ce lieu, ces non-dits, cette atmosphère où chacun attendait de l'autre un faux pas... c'était le quotidien qu'elle allait devoir accepter.

- Pourquoi m'aider ? demanda Sasha, cherchant à comprendre ses motivations. Qu'est-ce que tu y gagnes ?

Sylvie haussait les épaules, son sourire toujours présent, mais moins sincère.

- Je ne t'aide pas. Je t'observe. C'est tout. Elle fit une pause, comme pour savourer le poids de ses paroles. Mais je peux te dire ceci : à Saint Maxime, les alliances sont temporaires. Tu auras des ennemis. Certains se cacheront derrière des sourires, d'autres derrière des gestes bien plus sombres. Tu feras face à des tests, et ces tests seront plus difficiles que tu ne le crois. Alors, fais attention à ce que tu dis, à ce que tu laisses paraître. Parce qu'ici, tout se paye.

Sylvie se détourna enfin, marchant vers la fenêtre, où elle observa la cour extérieure avec une intensité presque hypnotique.

- Tu as beaucoup à apprendre. Mais tu sais, ce n'est pas la survie qui est difficile ici. C'est de rester... toi-même.

Les derniers mots de Sylvie, prononcés avec une légèreté presque malicieuse, laissèrent un goût amer dans la bouche de Sasha. Elle ne savait pas encore ce qu'elle avait à faire pour rester fidèle à elle-même dans cet endroit, mais elle était déterminée à essayer.

Elle observa la silhouette de Sylvie s'éloigner lentement, un sourire flottant toujours sur ses lèvres. Avant que la porte ne se referme derrière elle, Sasha se retrouva seule dans cette pièce vaste et froide. Les murs semblaient se rapprocher davantage à chaque instant, comme pour la presser de se décider sur son rôle ici. Chaque recoin, chaque ombre portait une promesse de danger, de trahison, mais aussi, peut-être, d'opportunités.

Sasha s'approcha de la fenêtre, regardant dehors vers le jardin sinistre. Elle se demandait si cet endroit était un vrai test ou si c'était déjà trop tard pour elle. Si elle restait trop proche de ses principes, trop vulnérable dans sa quête de justice, elle risquait de disparaître dans l'oubli, écrasée par les autres, engloutie par le système cruel de Saint Maxime.

Un mouvement furtif attira son attention. Un autre étudiant, ou plutôt, une autre créature. Un jeune homme aux cheveux noirs de jais, ses yeux brillant d'une lueur étrange. Il semblait l'observer lui aussi. Sasha détourna rapidement les yeux, le cœur battant dans sa poitrine. Qui était-il ? Et pourquoi avait-il l'air de savoir qu'elle le regardait ?

Elle se tourna alors, fixant son reflet dans la fenêtre. L'image d'une étrangère la regardait en retour. Peut-être qu'elle devait accepter ce qu'elle était, ce qu'elle allait devenir ici. Parce que Saint Maxime ne permettait pas d'erreurs. Si elle voulait survivre, elle devrait jouer le jeu.

Mais le plus grand défi, peut-être, était de savoir jusqu'où elle serait prête à aller.

Sasha resta figée devant la fenêtre un moment, ses yeux fixés sur le jardin en contrebas, où l'obscurité commençait à engloutir les formes de plus en plus floues des étudiants errant dans la cour. L'air était lourd, comme une menace silencieuse, et elle sentait une pression écrasante sur ses épaules. Il n'y avait pas de place pour la faiblesse ici. Pas de place pour ceux qui hésitaient ou doutaient. À Saint Maxime, il fallait être fort. Si ce n'était pas physiquement, ce serait mentalement, et Sasha savait qu'elle devrait apprendre à maîtriser les deux.

Un bruit de pas, lent et mesuré, se fit entendre derrière elle, interrompant ses pensées. Elle se retourna brusquement, une main instinctivement posée sur la poignée de la porte, prête à s'enfuir si nécessaire. Mais c'était trop tard.

La silhouette du loup-garou entra dans la pièce sans frapper, ses yeux sombres fixant Sasha avec une intensité qui la fit frissonner. Il se tenait dans l'encadrement de la porte, ses bras croisés, une expression indéchiffrable sur son visage.

- Ne t'inquiète pas. Je ne vais pas te manger. La voix du loup-garou était plus calme qu'elle ne l'avait imaginée, presque froide. Je suis ici pour... t'observer. Comme tout le monde.

Sasha ne savait pas s'il plaisantait ou si ses mots étaient une menace déguisée. Elle n'avait aucune envie d'engager une conversation avec lui, mais elle comprit rapidement que son arrivée n'était pas fortuite. Il avait un but.

- Je n'ai pas besoin de ton regard sur moi, répondit-elle sèchement, bien qu'elle sache qu'il ne repartirait pas aussi facilement.

Il s'approcha d'un pas, ses mouvements lents, mesurés, comme s'il savourait la tension dans l'air. Puis il s'arrêta juste devant elle, son regard perçant.

- Crois-moi, Sasha, dit-il en murmurant. Je ne suis pas le seul à t'observer ici. Il marqua une pause, ses yeux luisant d'une lueur presque menaçante. Tu es déjà dans la ligne de mire de certains... élèves, mais aussi d'adultes. Il n'y a pas de place pour l'imperfection ici.

Il fit un geste vague autour d'eux, comme pour englober toute l'école dans sa remarque.

- Et tu veux m'aider à quoi, exactement ? répliqua Sasha, son ton défiant. Elle n'était pas naïve, elle savait que ce loup-garou n'agissait jamais sans raison.

Le loup-garou sourit, un sourire énigmatique, presque cruel.

- Tu ne comprends pas, n'est-ce pas ? Il rit doucement. Ce n'est pas de l'aide que tu as besoin. C'est de la force. Et peut-être... de la sagesse.

Il s'éloigna alors, mais avant de franchir le seuil de la porte, il se tourna une dernière fois vers elle.

- Si tu veux t'intégrer ici, tu vas devoir choisir ton camp très vite. Les alliances se forment rapidement. Et toi, tu as un secret, je peux le sentir. Un secret qui peut être à la fois une bénédiction et une malédiction. Fais attention à qui tu révèles ce secret. Parce que la vérité, à Saint Maxime, c'est un luxe que peu peuvent se permettre.

Il quitta la pièce sans un mot de plus, laissant derrière lui un silence pesant. Sasha se retrouva seule, son esprit bouillonnant d'incertitudes. Quel secret ? Et qui d'autre le savait ?

Elle se laissa tomber sur le lit, la tête pleine de questions. Elle savait qu'elle ne pouvait pas rester passive ici. Saint Maxime n'était pas un lieu de réconfort, mais une arène. Et dans une arène, il n'y avait que deux choix : survivre ou disparaître. Mais même survivre semblait plus compliqué que ce qu'elle avait imaginé. Qui pouvait-elle réellement croire dans ce monde où chaque regard cachait une intention cachée ?

Son regard se posa sur la fenêtre, où la nuit noire enveloppait tout, à l'exception des lumières faibles qui perçaient les ténèbres, comme des étoiles condamnées à disparaître.

Une ombre se dessina sous la lueur d'un des arbres du jardin. Un mouvement furtif, presque imperceptible. Sasha se leva, pressée par une impulsion étrange. Qui était-ce encore ? Était-ce un autre étudiant ? Ou quelqu'un d'autre, une menace qui se cachait dans l'obscurité ? Elle se rapprocha lentement de la fenêtre, ses yeux scrutant la silhouette. Un instant, elle crut voir un éclat de lumière. Des yeux. Une lueur familière, mais difficile à identifier dans la nuit.

Sasha frissonna. La pression dans sa poitrine augmentait à chaque seconde. Ce monde, ce lieu, n'était rien de ce qu'elle avait pu imaginer. Chaque minute semblait la plonger plus profondément dans un labyrinthe de mystères, de pièges et de faux-semblants.

Elle avait fait le premier pas en entrant dans ce monde. Maintenant, elle devrait marcher avec précaution. Parce qu'à Saint Maxime, chaque faux pas pourrait être fatal. Et elle savait que le plus grand piège de tous était celui où l'on pensait être en sécurité, mais où l'on était observé à chaque instant, sans jamais le savoir.

                         

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