Chapitre 4 04

Le silence qui suivit la déclaration de Sasha était plus oppressant que tout ce qu'elle avait pu vivre jusqu'à présent. La brume, épaisse et dense, semblait se resserrer autour d'elle, comme pour l'enfermer dans une réalité qu'elle n'était plus en mesure de fuir. Elle pouvait entendre son cœur battre dans ses tempes, une pulsation irrégulière, rapide, comme un tambour de guerre qui annonçait l'inéluctable.

Maëlys, sans un mot, s'éloigna lentement, comme une ombre, sa silhouette se fondant dans l'obscurité grandissante de la forêt qui bordait la clairière. Le loup, quant à lui, resta là, immobile, ses yeux toujours fixés sur Sasha, un regard perçant, presque trop humain, qui ne laissait aucune place à l'hésitation. Sasha sentit une pression lourde sur sa poitrine, comme si l'univers tout entier attendait sa prochaine décision.

- Tu sais ce que tu viens de dire, n'est-ce pas ? la voix du loup résonna soudainement dans ses oreilles, profonde et grave. Il n'y a pas de retour en arrière.

Les mots résonnèrent dans son esprit, créant un écho qui se multipliait à chaque respiration. Elle savait. Elle savait qu'elle ne pourrait plus jamais revenir en arrière, que tout ce qu'elle avait connu jusqu'à maintenant ne serait plus qu'une illusion d'un passé révolu.

Le loup s'avança d'un pas, et, bien qu'il n'émette aucun bruit, il semblait se rapprocher de plus en plus rapidement. Sasha se figea, son corps réagissant instinctivement à sa présence. Elle pouvait sentir son énergie brute, cette puissance sauvage qui émanait de lui, qui envahissait l'air autour d'elle, comme une vague prête à tout engloutir sur son passage.

- Si tu veux survivre ici, continua le loup d'une voix plus douce, presque menaçante, tu devras comprendre que la violence n'est pas qu'une option. Elle est un langage, un moyen d'existence. C'est le seul moyen d'évoluer parmi les tiens. Les demi-surnaturels ne sont pas là pour t'apprendre la douceur.

Sasha ferma les yeux un instant, tentant de calmer les battements de son cœur, tentant de comprendre ce qu'il voulait dire. Elle n'était pas naïve. Elle savait que les règles du monde surnaturel n'étaient pas celles de l'humanité. Elle avait appris, au fil de ses fuites, que la survie se forgeait dans la douleur et le sacrifice. Mais était-elle prête à entrer dans ce monde, à laisser tomber ses principes et sa peur pour embrasser la brutalité qui semblait inéluctable ?

Elle inspira profondément et, lorsqu'elle ouvrit les yeux, son regard croisa celui du loup. Il n'y avait aucune clarté dans ses yeux, aucune pitié. C'était un regard brut, animal, mais Sasha y perçut aussi quelque chose d'autre. Une forme de compréhension. Peut-être un lien. Un lien qu'elle ne pouvait encore pleinement saisir.

- Je suis prête. Les mots quittèrent sa bouche sans qu'elle ne puisse les retenir.

Le loup la fixa un instant, comme pour mesurer la véracité de ses paroles, puis inclina la tête, comme s'il acceptait enfin ce qu'elle venait de dire. Il s'éloigna un peu, ses muscles puissants se déplaçant avec la fluidité d'un prédateur, et s'assit sur une pierre en face d'elle.

- Très bien. Mais tu devras suivre les règles. Et les règles, ici, sont simples : tu obéis ou tu disparais. Il n'y a pas d'autres options.

Sasha n'eut pas le temps de répondre, car un bruit soudain, comme un cri perçant, se fit entendre au loin, brisant le calme de la nuit. Le loup se redressa d'un coup, son regard se durcissant immédiatement. Il renifla l'air, ses oreilles se dressant.

- C'est un avertissement, dit-il d'une voix basse, menaçant. La tranquillité n'est qu'un mirage dans ce monde. Ceux qui cherchent la paix finissent toujours par être engloutis. Tu devras t'y faire, Sasha.

Sasha sentit une boule se former dans son ventre. Elle savait qu'il parlait de la guerre constante qui faisait rage entre les différents clans, entre les créatures surnaturelles qui s'entretuaient sans relâche. Elle savait qu'elle était sur le point de plonger dans un univers où sa survie serait le seul objectif, où chaque mouvement serait une question de vie ou de mort.

- Nous devons partir. Le loup se leva soudainement, ses yeux braqués sur elle. Nous allons à Saint Maxime. Et là-bas, la vraie bataille commence.

Sasha hocha la tête, son esprit en ébullition. Saint Maxime. Cette école qui avait été un refuge pour elle. Un endroit où elle pourrait enfin trouver une forme de sécurité. Mais à présent, elle savait que ce refuge était illusoire. Les véritables défis l'attendaient au tournant, et chaque jour passé là-bas serait un combat contre elle-même, contre son passé, contre ce qu'elle devait devenir.

Elle se leva à son tour, les jambes un peu tremblantes, mais résolue. Le voyage à Saint Maxime serait le début d'une nouvelle ère pour elle. Une ère où elle apprendrait à vivre parmi des créatures aussi impitoyables qu'elle, où elle découvrirait peut-être sa propre force, ou... sa propre perte.

Et alors que le loup se tenait devant elle, la tête haute, prêt à la guider dans cet univers inconnu, Sasha sut une chose : son destin ne se jouait pas seulement sur ses choix, mais aussi sur ceux des autres. Ceux qui la regardaient. Ceux qui l'attendaient.

Et le plus grand secret, peut-être, résidait dans l'un d'eux.

Le vent soufflait fort à travers les arbres, envoyant des feuilles sèches virevolter autour d'eux. Sasha suivait le loup en silence, ses pensées tourbillonnant comme une tempête. Elle était prête, elle le lui avait dit, mais au fond d'elle, un doute persistait. Elle n'était pas prête à tout affronter, pas prête à se retrouver au milieu de cette guerre qu'il évoquait, pas prête à se lier à ces créatures qu'elle ne comprenait pas.

Ils marchèrent pendant ce qui sembla être des heures, la forêt s'épaississant au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les terres plus profondes. Le loup, implacable et silencieux, n'émettait aucun bruit, ses pattes se déplaçant avec une précision meurtrière. Sasha, elle, luttait pour garder le rythme. Elle n'était pas une chasseuse, elle n'était pas une combattante, elle n'avait jamais été préparée à tout cela.

Enfin, après un dernier détour entre les arbres, la forêt s'ouvrit sur une clairière dégagée où se dressait une immense bâtisse, imposante et majestueuse. Les murs étaient noirs, presque menaçants, et des fenêtres étroites semblaient scruter l'extérieur, comme des yeux froids qui n'auraient aucune pitié pour ceux qui s'aventuraient trop près. Sasha sentit un frisson glacé courir le long de son échine. C'était ici, Saint Maxime, l'endroit où sa mère avait choisi de les emmener. Un lieu où elle espérait pouvoir trouver la paix, mais qui ressemblait plutôt à une forteresse gardée par des secrets et des mensonges.

- Nous y voilà, dit le loup en s'arrêtant avant d'entrer dans la cour.

Sasha le regarda, ses yeux parcourant les lieux. Il n'y avait rien d'accueillant ici. Rien de chaleureux. Seulement des murs et des ombres. Un endroit qui, à première vue, semblait être un piège.

- Que faut-il faire maintenant ? demanda-t-elle, sa voix trahissant une nervosité qu'elle ne voulait pas laisser paraître.

Le loup la fixa longuement, comme si ses yeux pouvaient sonder ses pensées les plus profondes.

- D'abord, tu dois savoir une chose. Sa voix, toujours grave, s'imposa dans le silence. Saint Maxime n'est pas un lieu de sécurité. C'est un terrain de chasse. Une arène où tous les jeux sont permis. Chaque créature a ses propres règles, et tu vas devoir t'adapter rapidement. Ce n'est pas un endroit où l'on trouve des amis. Tu as de la chance d'être ici, mais tu seras mise à l'épreuve dès le premier jour.

Les mots du loup résonnèrent dans l'esprit de Sasha comme un avertissement. Elle savait que cette école n'était pas un endroit comme les autres, mais ce qu'il venait de dire... cela allait au-delà de ses pires craintes. C'était un champ de bataille déguisé en institution.

Alors qu'ils franchissaient la porte imposante, un vent glacé souffla autour d'eux, balayant les dernières traces d'hésitation qui demeuraient dans l'esprit de Sasha. À l'intérieur, l'atmosphère était étouffante, presque suffocante. Des rangées de tableaux représentant des créatures surnaturelles, des ancêtres et des héros déchus ornaient les murs, tandis que des torches brûlaient dans des supports en fer forgé, projetant une lumière vacillante et inquiétante.

Ils traversèrent plusieurs couloirs sombres, chacun aussi dépouillé que le précédent, jusqu'à ce qu'ils arrivent devant une grande porte en bois, ornée de symboles anciens et d'inscriptions qui semblaient changer de forme sous les yeux de Sasha, comme si elles s'ajustaient à son regard. Elle frissonna en sentant l'air lourd d'une magie ancienne.

- C'est ici que tu seras logée. Le loup s'arrêta devant la porte et la regarda une dernière fois. Tu devras te montrer à la hauteur. Tout ici est une épreuve. Dès ce soir, tu seras observée. Chaque geste, chaque parole.

Sasha n'eut pas le temps de répondre. Le loup posa sa main sur la porte et la poussa sans effort. Un craquement sonore résonna, et la porte s'ouvrit lentement.

Elle entra.

La pièce était grande, décorée d'une manière étrange, avec des meubles anciens et des rideaux en velours sombre. Un grand lit occupait un coin de la pièce, avec des draps noirs comme l'ébène, et des fenêtres hautes offraient une vue qui plongeait sur un jardin sinistre, où des silhouettes semblaient s'agiter dans l'ombre.

Une silhouette se tenait au centre de la pièce. Une jeune femme, les cheveux longs et noirs, ses yeux aussi sombres que la nuit elle-même. Elle observait Sasha avec un sourire qui frôlait la moquerie.

- Bienvenue à Saint Maxime, dit-elle, sa voix calme mais remplie de sous-entendus. J'espère que tu es prête à plonger dans l'enfer. Parce que c'est ce que ça va être ici.